Africa Defense Forum

La cocaïne synthétique, surnommée la « drogue du pauvre », fait des ravages au Maroc

PERSONNEL D’ADF

 

Hamza, jeune Marocain de 26 ans, avait à une certaine époque un emploi stable et une fiancée. Il consommait parfois des drogues récréatives avec ses amis mais il n’était pas toxicomane.

Un jour, il a été encouragé à essayer « L’poufa », appelée aussi la « cocaïne du pauvre ». Cette drogue synthétique fabriquée à partir de résidus de cocaïne ou de méthamphétamine en cristaux peut être diluée avec de l’acide de batterie, de l’huile de moteur, du shampooing, du sel, du bicarbonate de soude et de l’ammoniac. Les toxicomanes la fument en général, mais parfois ils l’injectent.

Hamza (nom d’emprunt) a déclaré au journal marocain L’Observateur du Maroc et d’Afrique qu’il avait consommait une dose de L’poufa, puis immédiatement une deuxième. Bientôt, il était pris au piège.

Sa vie s’est rapidement détériorée. Incapable de se concentrer, il a perdu son emploi. Il ne pouvait pas contrôler ses émotions et il perdit sa fiancée et se disputa avec ses parents. Lorsqu’il n’avait pas assez d’argent pour acheter la drogue, il en volait à sa famille et ses amis.

« Mon père désabusé a fini par me chasser de la maison, déclare-t-il. Avant de partir, j’ai tenté de le frapper. J’ai agressé mon propre père. »

Il est aujourd’hui un sans-abri dans les rues de Casablanca. Il déclare au journal qu’il ne vit que pour « ramasser de quoi se droguer ».

Les récits comme celui de Hamza sont de plus en plus fréquents chez les adolescents et les jeunes adultes du Maroc, où L’poufa est populaire à cause de son accessibilité et sa disponibilité. Un gramme coûte entre 50 et 60 dirhams (5 ou 6 dollars). Les toxicomanes achètent typiquement la drogue auprès d’un dealer ou ils la fabriquent eux-mêmes. Les experts déclarent que la dépendance peut se produire au bout de trois doses ou moins.

« Ceux qui consomment cette drogue s’attaquent eux-mêmes et attaquent leurs biens ; cela crée une sorte de chaos parce que la consommation de cette drogue donne au toxicomane une forte envie d’agression qui conduit aux crimes violents », déclare Omar Arbib, responsable de l’Association marocaine des droits de l’homme à Marrakech, au site web marocain d’actualité Hespress.

En plus de provoquer l’agression, L’poufa est liée à la schizophrénie, la paranoïa et la dépression, selon l’Institut d’études de sécurité (ISS).

La consommation de la drogue peut aussi conduire à des lésions de la peau, des ulcères, une maladie cardio-vasculaire, des problèmes rénaux, des fièvres, des maux de tête aigus, l’insomnie, les convulsions, les hallucinations et même la mort subite. Elle a été liée à des crimes tels que le blanchiment d’argent et la traite humaine.

La drogue se rencontre surtout dans les communautés pauvres et les écoles. Près de 4.300 dealers de L’poufa ont été arrêtés pendant l’année scolaire 2022-2023, selon l’ISS.

« Les adolescents vulnérables sont des proies faciles pour ce type de drogue à cause de leur immaturité et de l’impossibilité de considérer les choses de manière éclairée et judicieuse », déclare Rachida El mokrie Elidrissi, présidente de la Coalition nationale de lutte contre les drogues, à Hespress.

La hausse de la consommation de L’poufa au Maroc a coïncidé avec la pandémie de Covid-19, lorsque les dealers ont commencé à produire une drogue moins chère que la cocaïne. Plus de 3.000 toxicomanes sont inscrits à des centres de réinsertion dans le Nord du Maroc, selon l’ISS.

Au milieu d’une série d’arrestations liées à L’poufa l’an dernier, Hassan Al-Baghdadi, président de l’Association nationale de lutte contre le tabagisme et les drogues, a déclaré à Hespress que les peines de prison pour les dealers de L’poufa devraient être beaucoup plus sévères. Il a dit que les condamnations actuelles « ne dépassent pas trois mois ou un an ou une libération provisoire ».

M. Arbib fait appel à une « campagne radicale qui affronte non seulement les consommateurs mais aussi les promoteurs, depuis le petit promoteur jusqu’aux barons de la drogue ». Il souligne l’urgence d’établir une « politique économique réelle pour surveiller le blanchiment d’argent tout en conduisant des campagnes médiatiques de sensibilisation ».

Comments are closed.