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La violence ethnique tourmente toujours l’Afrique centrale, plusieurs décennies après le génocide

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PERSONNEL D’ADF

Bien que de nombreux Rwandais pensent que leur pays a fait des progrès considérables depuis le génocide de 1994, les tensions entre les groupes rebelles hutus et tutsis continuent jusqu’à aujourd’hui et alimentent la violence dans l’Est de la République démocratique du Congo.

Sur une période de quatre semaines en février et mars, la violence ethnique dans l’Est de la RDC a forcé environ 250.000 civils à s’enfuir à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.

Le conflit a entravé les efforts humanitaires, lorsque le groupe de rebelles tutsis du M23 a essayé d’abattre un drone d’observation des Nations unies près de Goma en février. Il a aussi provoqué la montée des prix alimentaires. Le M23 est le groupe armé le plus notoire de la région, bien que des dizaines d’autres groupes soient actifs là-bas.

Dans la région, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) créées par des personnes impliquées dans le génocide cherchent à renverser le gouvernement du Rwanda.

Au début mars, le M23 a saisi le contrôle de Nyanzale, petite bourgade dans l’Est de la RDC qui était un bastion clé des FDLR.

Les FDLR, formées principalement par des ex-génocidaires, sont aussi actives dans l’Est, où elles sont notoires pour leurs attaques contre les Tutsis ; elles ont aussi lancé plusieurs attaques au Rwanda. En 2019, elles ont massacré 19 personnes dans le district de Rubavu dans l’Ouest du Rwanda, où se trouve le parc national des volcans, destination touristique importante.

L’an dernier, le Rwanda a intensifié ses déploiements de soldats et d’équipement lourd à la frontière de la RDC par peur des attaques des FDLR.

Le colonel William Ryarasa, commandant de la Force de défense du Rwanda chargé des districts de Rubavu, Rutsiro et Nyabihu à la frontière de la RDC, a exhorté le public à « être plus vigilant et aussi à signaler les personnes suspectes aux autorités les plus proches ».

Il a déclaré aux chefs des communautés des trois districts de « ne pas permettre aux contrebandiers d’entrer dans ces zones parce que des grenades et autres armes dangereuses peuvent être cachées dans les produits de contrebande », selon un rapport du site web ougandais d’actualités ChimpReports.

Les deux gouvernements ont répondu militairement à la violence. Comme le note l’universitaire des études de génocide Christopher P. Davey dans The Conversation, les deux gouvernements déclarent que leur participation aux conflits dans l’Est de la RDC est liée à la protection des populations ethniques.

« Mais en réalité, les combats persistants détruisent l’économie et les moyens de subsistance », écrit-il. Le Dr Davey est assistant professeur invité à l’université de Binghamton (université d’État de New York).

Il affirme que les actions militaires adressent peu les préoccupations de marginalisation ou d’atrocités de masse qui ciblent les groupes ethniques. Il recommande un meilleur soutien international et un investissement dans le processus de Luanda, qui traite des dimensions politiques entre la RDC et le Rwanda, et le processus de Nairobi, qui se concentre sur le désarmement des groupes rebelles dans la région.

Alors que le monde marque le 30ème anniversaire du génocide, de nombreux jeunes Hutus et Tutsis disent aujourd’hui qu’ils ne souhaitent pas s’identifier avec l’un ou l’autre groupe ethnique.

Chrispin Sradulcunda, étudiant d’ingénierie de 21 ans au Rwanda, déclare qu’il considère le génocide comme une leçon pour ne pas se battre et pour continuer à parler des massacres aux générations plus jeunes.

« C’est donc une leçon que nous devrions apprendre, en espérant que cela ne se reproduira jamais. Nous n’avons pas été élevés dans les zones où on est appelé Tutsi , Twa ou Hutu, dit-il au Guardian. C’est quelque chose de bien parce que cela ne me plairait pas. Parce que je crois que je suis Rwandais, et qu’être appelé Rwandais devrait être un élément de fierté qui nous accompagne. »

Leonille Niyigena, tailleur rwandais de 26 ans, déclare qu’il est surpris que certains ex-génocidaires et leurs victimes se parlent maintenant régulièrement.

« Pour moi, cela ne veut rien dire d’être hutu ou tutsi, dit-il au Guardian. Le Rwanda est un état de droit où la loi est respectée. C’est un pays où les gens se sentent en sécurité et, pour les jeunes, c’est un pays qui prend soin de nous. »

Le pays héberge aujourd’hui six « villages de réconciliation ». À Mbyo, Mukaremera Laurence et Nkundiye Thacien ont fait la paix. Mukaremera Laurence et son mari étaient des amis et des voisins de M. Thacien, jusqu’à ce que ce dernier reçoive l’ordre de tuer le mari à coups de machette.

Mais le processus de réconciliation n’est pas facile.

« Nous ne pouvons pas oublier ; cela est impossible, déclare Mme Laurence à Al Jazeera. Nous vivons en paix aujourd’hui, mais nous nous en souvenons ; nous nous en souviendrons à jamais. »

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