Le Botswana Adopte Une Approche Globale Pour Protéger L’une De Ses Ressources Les Plus Précieuses : Sa Faune Sauvage
PERSONNEL D’ADF
L’engagement du Botswana envers sa faune sauvage majestueuse et diverse devient évident dès que le visiteur entre dans l’aéroport international de Gaborone.
Au milieu de l’entrée principale de l’aéroport se trouve la sculpture d’un éléphant africain grandeur nature de 2,5 tonnes, entièrement faite avec des défenses en ivoire. Les défenses proviennent d’animaux qui sont morts naturellement.
Lors de la consécration de la sculpture en 2016, Ian Khama, le président de l’époque, déclare que l’éléphant « rappellera à tous ceux qui traversent cet édifice qu’un seul éléphant vivant a beaucoup plus de valeur que tous les objets d’art en ivoire qui traînent encore dans les maisons tout à fait distantes des plaines africaines », selon National Geographic.
Ce pays d’Afrique australe héberge le tiers des éléphants du continent, soit environ 130.000. Récemment, le Botswana est devenu l’un des chefs de file du continent pour la protection des éléphants et autres animaux contre les braconniers. Un tel engagement et une telle affection sont partout évidents. Des imprimés et des peintures d’animaux sauvages indigènes, depuis les guépards jusqu’aux antilopes et aux éléphants, décorent les murs des hôtels et le hall d’entrée du Centre de convention international de Gabarone. Ici, les animaux ne sont pas simplement une nouveauté. Ils font partie de l’identité nationale et sont un élément crucial de l’économie prospère du pays.
Le tourisme, qui dépend en grande partie des safaris touristiques liés à la vie sauvage, est la deuxième industrie du pays en termes de vitalité économique, après l’industrie des diamants. Les revenus du Botswana provenant du tourisme se sont élevés à 705 millions de dollars en 2017, comparé à 580 millions l’année précédente. Selon CEIC Data, le pays a gagné au moins un demi-milliard de dollars par an grâce au tourisme entre 2004 et 2017.
Avec ses diamants et son tourisme, le Botswana, qui était l’un des plus pauvres pays du monde au moment de son indépendance en 1966, enregistre aujourd’hui des revenus par habitant de plus de 18.000 dollars, ce qui en fait le cinquième pays du continent, selon worldatlas.com.
La vitalité de l’industrie lucrative du tourisme du Botswana souligne la nécessité d’une réponse nationale robuste au braconnage. Cette réponse doit suivre les tactiques en évolution constante des braconniers souhaitant récolter les parties du corps des animaux qui valent annuellement des millions de dollars sur le marché mondial.
Le responsable principal de la lutte anti-braconnage au Botswana déclare que le pays enregistre environ 80 éléphants victimes du braconnage chaque année, selon plusieurs sources. Le Dr Unity Dow, ministre des Affaires internationales et de la Coopération du Botswana, considère tout braconnage comme excessif. « Un seul éléphant mort est déjà un de trop », déclare-t-elle lors d’une conférence de presse en 2018, selon l’Institut d’études de sécurité.
Le braconnage offre des profits illicites en augmentation constante à chaque étape du processus de manutention et de contrebande. Un rapport de National Geographic précise que les intermédiaires sur le terrain gagnent entre 66 et 397 dollars par livre d’ivoire pour les défenses d’éléphant. Dans les centres de collecte qui sont souvent établis le long des frontières nationales, le coût devient 220 à 496 dollars. De là, l’ivoire est amenée vers les centres d’exportation, en général situés sur la côte ou dans les capitales ou près de celles-ci. Le coût y passe de 606 à 882 dollars.
Lorsque l’ivoire parvient aux marchés asiatiques, qui en sont une destination fréquente, sa valeur atteint 946 à 4,630 dollars. Ce qui était initialement les défenses de quelques-uns des animaux les plus majestueux d’Afrique est transformé en bijoux, sculptures et bibelots.
Une valeur aussi extravagante est accordée aux cornes de rhinocéros, qui sont pulvérisées et vendues comme substances curatives ou médicinales, bien qu’elles ne le soient aucunement. Il en est de même pour les écailles de pangolin, qui sont utilisées de façon tout à fait absurde. Selon le journal Nature, les écailles de pangolin séchées sont « rôties, carbonisées, cuites dans l’huile, le beurre, le vinaigre, l’urine des jeunes garçons, ou rôties avec de la terre ou des coquilles d’huître », dans le faux espoir qu’elles pourront guérir toute une série de maladies. « Parmi celles-ci, on compte la nervosité excessive et les pleurs hystériques des enfants, la possession des femmes par des démons et des ogres, la fièvre du paludisme et la surdité. »
Les braconniers ciblent aussi d’autres animaux du Botswana. En plus des éléphants, des pangolins et de la petite population de rhinocéros du pays, ces hors-la-loi tuent aussi les grands félins tels que les lions, les guépards et les léopards.
Le Botswana lutte contre la menace du braconnage toujours présente grâce à un effort multidimensionnel qui mobilise les ressources du gouvernement à tous les niveaux. Cette approche est nécessaire pour répondre à la sophistication croissante des braconniers et des réseaux criminels qui soutiennent leur commerce destructeur.
LES BRACONNIERS ET LEURS MÉTHODES
Le braconnage de la faune sauvage est conduit par des criminels au niveau local, transnational et global. Ceux qui agissent sur le terrain, munis d’armes à feu, sont en général des personnes locales, notamment des criminels qui traversent en cachette la frontière des pays voisins tels que la Namibie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe.
Les braconniers agissent souvent d’une frontière à l’autre : ceux qui sont recherchés au Botswana peuvent aussi l’être ailleurs par d’autres forces anti-braconnage, déclare le brigadier Simon Motswana Barwabatsile, coordinateur national de la lutte contre le braconnage.
La gestion des réseaux de braconnage est en général similaire, malgré les frontières nationales. Ainsi, il est probable que les braconniers qui agissent par exemple au Botswana et au Zimbabwe soient supervisés par les mêmes groupes criminels. Après le braconnage, la contrebande est souvent envoyée vers les pays asiatiques tels que la Chine ou peut-être le Viêt-Nam, donc les réseaux s’étendent évidemment au-delà du continent africain.
« Je pense qu’en ce qui concerne les arrestations et les contacts, nous contactons normalement les habitants locaux et les pays voisins », déclare le brigadier Barwabatsile à ADF. « Nous avons rencontré ceux d’Extrême-Orient aux barrages routiers, où ils cachent la contrebande, peut-être en lui donnant la forme d’une canne ou en la pulvérisant ou en la façonnant en petit bijou après sa transformation. »
Les braconniers utilisent aussi de plus en plus la technologie pour pister et tuer leurs proies. Les chasseurs ont des fusils équipés de visées télescopiques à fort grossissement et de systèmes mondiaux de positionnement pour traverser les zones que parcourent les animaux ciblés. Ils communiquent à l’aide de leur portable et, lorsque le service cellulaire n’est pas disponible, on sait qu’ils peuvent utiliser des téléphones satellitaires, déclare le brigadier Barwabatsile.
« On peut donc dire qu’ils tirent parti de la technologie avec leurs nombreux gadgets », déclare-t-il. La capacité continuelle des braconniers pour s’adapter et employer la technologie présente un défi considérable pour les forces anti-braconnage. « Je pense qu’à mesure que la technologie se développe, les braconniers l’exploitent aussi, et nous pouvons les devancer seulement si nous innovons sur le plan technologique pour essayer de les anticiper. »
La cruauté et l’ingéniosité des braconniers n’affectent pas seulement les animaux qu’ils massacrent, surtout si cela les aide à masquer leur identité et à éviter d’être arrêtés. En juin 2019, des braconniers du Botswana ont empoisonné les carcasses de trois éléphants qu’ils avaient tués. À son tour, le poison causa la mort de 537 vautours, dont la plupart appartenaient à des espèces menacées, ainsi que deux aigles ravisseurs qui s’étaient nourris des restes des éléphants, selon un reportage de l’Agence France-Presse. Ils tuent les vautours pour les empêcher de faire des voltes dans le ciel et avertir les gardes forestiers de la présence des charognes.
COMMENT LE BOTSWANA RIPOSTE
L’engagement du Botswana dans la lutte contre les braconniers est démontrée par la création du poste du brigadier Barwabatsile. En plus d’être officier dans les BDF, il préside le Comité national de coordination anti-braconnage. Ce comité suit une approche pangouvernementale pour lutter contre le braconnage, en mobilisant le personnel des BDF et des agences civiles pour exécuter la stratégie nationale de lutte contre le braconnage.
La stratégie souligne l’importance de la coopération inter-agences, coordonnée par les BDF. L’agence principale est le ministère de la Faune sauvage ; les autres incluent l’unité d’investigation des stupéfiants, de la faune et de la flore du service de police du Botswana et le directorat national des services de renseignement et de sécurité. « Ce sont les principales parties prenantes dans les opérations de lutte contre le braconnage », déclare le brigadier Barwabatsile.
Le personnel des BDF est présent sur le terrain dans tout le pays, et l’intégrité territoriale et la sécurité des frontières caractérisent ses priorités constitutionnelles. Toutefois, tout membre des BDF est autorisé à conduire des opérations anti-braconnage dans sa zone de déploiement. « Leur empreinte couvre tout le pays », déclare le brigadier Barwabatsile.
Le comité, basé à Gaborone, a environ 20 membres et synchronise les efforts de lutte contre le braconnage. « Nous encourageons les agences à envoyer leur personnel engagé dans la planification des opérations et le renseignement ou les investigations, déclare-t-il. Ce sont les activités noyaux du comité. »
Au niveau régional, les commandants BDF se réunissent chaque semaine avec les responsables de la police, du directorat des services de renseignement et de sécurité et du ministère de la Faune sauvage. En cas de braconnage, les responsables de la police se chargent de l’enquête forensique. Les vétérinaires du ministère de la Faune sauvage sont invités à étudier la pathologie des animaux et les soldats assurent leur sécurité et leur protection. « Avec tous ces participants, nous nous complétons mutuellement », déclare le brigadier Barwabatsile.
Les activités anti-braconnage actuelles proviennent de traditions qui remontent à l’époque précédant l’indépendance du Botswana. À cette époque, les chefs locaux contrôlaient la chasse, par exemple quand et où elle était autorisée, ainsi que le nombre d’animaux qui pouvaient être tués. Ceux qui violaient ces règles étaient sanctionnés. « Après l’indépendance, le gouvernement prit une décision délibérée en termes de protection, conservation et gestion, déclare le brigadier Barwabatsile. Sa politique a toujours consisté à discuter de ces sujets. Et cette stratégie nationale de lutte contre le braconnage vient simplement renforcer la politique qui était déjà établie. »
La coopération est au cœur des efforts du Botswana et ce travail ne prend pas fin aux frontières nationales. La stratégie du pays est éclairée par la stratégie de mise en application des lois et de lutte contre le braconnage de la Communauté de développement d’Afrique australe, adoptée en 2015. Ses objectifs incluent :
La promotion de la mise en application des lois concernant la faune sauvage « entre les états membres et au sein de chacun d’eux ».
L’échange d’information concernant la gestion de la faune sauvage.
La conservation des ressources de faune sauvage partagées grâce à la création de zones de conservation transfrontalières.
Le brigadier Barwabatsile déclare que les chefs de la sécurité se réunissent régulièrement pour discuter de ces questions, et que l’information provenant de leurs échanges « rayonne » vers les responsables au niveau technique. « Nous coopérons avec [les pays voisins] ; nous nous réunissons de temps à autre. Parfois, nous conduisons même conjointement des patrouilles et il existe des JPC (commissions permanentes conjointes) entre ces pays. » La coopération et les communications régulières fournissent des dividendes en termes de renseignement et d’opérations, en particulier avec la Namibie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, les pays les plus proches du Botswana. Le Botswana interface aussi à un degré moindre avec l’Angola et la Zambie.
La création de réserves transfrontalières naturelles telles que le parc transfrontalier de Kgalagadi offre une opportunité additionnelle de coopération. Kgalagadi a été créé en 2002 par un accord signé entre le Botswana et l’Afrique du Sud, devenant ainsi le premier parc de ce type sur le continent. Les deux pays partagent et gèrent conjointement les 37.000 kilomètres carrés du parc, considéré comme une zone protégée. Il ne possède pas de clôture, donc les animaux peuvent se déplacer librement sur leurs routes de migration établies à travers le désert, selon l’Organisation du tourisme du Botswana. Trois quarts de la superficie du parc sont sur le territoire du Botswana. Le reste est situé en Afrique du Sud.
Dans le parc et dans d’autres zones similaires, les gardes forestiers peuvent patrouiller dans toute la zone sans tenir compte des frontières nationales, ce que les forces armées ne peuvent pas faire.
Malgré les progrès et les succès, des améliorations sont possibles. Le brigadier Barwabatsile déclare qu’il aimerait obtenir une coopération plus officielle de la part des agences comme le service fiscal unifié du Botswana, qui traite les questions financières douanières, et l’agence du renseignement financier, qui pourrait aider à lutter contre le blanchiment d’argent lié au braconnage. Il faudra aussi que les forces anti-braconnage continuent leurs innovations technologiques pour pouvoir se mesurer aux braconniers technologiquement capables. Enfin, les forces anti-braconnage doivent équilibrer les préoccupations d’un éventail diversifié de parties prenantes pour obtenir des succès.
« Si vous considérez les ONG [organisations non gouvernementales], certaines se concentrent sur le tourisme et d’autres sur la conservation. Elles ont toutes des intérêts différents et nous devons trouver une base commune pour protéger la faune sauvage », déclare le brigadier Barwabatsile.