L’enfance d’Allan Kudumoch Agon lui avait été dérobée lorsqu’il avait été forcé de se battre comme enfant soldat. Aujourd’hui âgé de 21 ans, il essaie d’aider les autres à éviter le même sort.
Lors d’un événement à Djouba pour observer la Journée internationale de la main rouge, ou Journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats, M. Agon a raconté comment son père avait été tué pendant la guerre civile du Soudan du Sud qui a pris fin en 2020. À l’âge de huit ans, il avait été confié à la garde de sa grand-mère âgée, mais peu après il fut envoyé dans la brousse où lui-même et d’autres enfants se sont entraînés au combat.
Il déclare dans un reportage de l’agence Anadolu : « Ma situation d’enfant soldat m’a donné un dégoût et un fardeau qui pourraient bien durer toute la vie. Je prie qu’aucun enfant ne soit jamais placé dans cette situation. »
Agon est l’un de plusieurs personnes, y compris des représentants du gouvernement sud-soudanais et des Nations unies, qui se sont exprimées à l’événement, au cours duquel le Soudan du Sud a réaffirmé son engagement de mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants soldats. Esther Ikere, sous-secrétaire du ministère de l’Égalité des sexes, de l’Enfance et des Affaires sociales du Soudan du Sud, a déclaré que le gouvernement œuvrait avec ses partenaires pour assurer que les enfants ne soient plus recrutés, que ceux qui ont été libérés soient soutenus et que les causes fondamentales du recrutement des enfants soient affrontées.
« C’est un chapitre sombre de notre histoire : les enfants qui devraient être à l’école, jouer et rêver de leur avenir ont plutôt été forcés de porter le fardeau de la guerre, a-t-elle dit. Leur innocence, leur éducation et leurs droits fondamentaux leur ont été dérobés. Nous devons reconnaître les énormes dommages que cela a provoqué, les blessures physiques, les traumatismes psychologiques et les opportunités que ces jeunes ont perdues. »
Les enfants soldats qui sont délivrés au Soudan du Sud sont typiquement admis dans le programme de réintégration de l’Unicef, qui dure trois ans. Ils sont affectés à un intervenant social et reçoivent des soins de santé et un soutien psychologique. Le programme coûte 2.000 dollars par enfant.
À l’événement de la Journée internationale de la main rouge, le général Ashhab Khamis Fahal, chef d’état-major adjoint des forces de défense du Soudan du Sud, a déclaré que le gouvernement était déterminé à mieux protéger les enfants.
Il a déclaré dans le reportage de l’agence Anadolu : « Nous avons joué notre rôle pour diffuser les informations au niveau inférieur, en particulier aux commandants chargés des forces militaires, qui sont responsables pour assurer qu’il n’existe aucune forme de recrutement d’enfant dans les forces armées. Ils doivent donc s’assurer que les enfants ne sont pas recrutés. »
En 2023, les officiels ont enregistré 151 cas d’enfants déployés dans les conflits armés du Soudan du Sud, notamment 65 enfants recrutés et utilisés par les Forces de défense du peuple sud-soudanais, selon un rapport de juin 2024 de l’ONU. Au Soudan du Sud, environ 12 % des enfants recrutés par les groupes armés sont des jeunes filles, qui sont sujettes à la violence sexuelle et sexiste de façon disproportionnée, selon l’Unicef.
Une jeune femme du nom de Rose a dit à l’Unicef qu’elle avait 17 ans lorsqu’elle avait été enlevée de la maison où elle vivait avec son mari.
« Les soldats avaient des fusils et ils ont liés mes mains avec une corde, dit-elle. Ils ont enlevés une cinquantaine d’entre nous. Ils nous ont donné des fardeaux à porter, et ensuite nous avons dû courir. Si nous ralentissions, ils nous frappaient avec des bâtons. Je suis tombée une fois et ils m’ont flagellée tant de fois que j’étais prête à mourir. »
Elle dit qu’elle était habituellement harcelée.
« Certains m’ont demandé d’être leur compagne et m’ont battue lorsque j’ai dit non, dit-elle à l’Unicef. Puis, l’un d’entre eux m’a violée après mon refus. »
Dans un rapport de l’ONU, Aya Warille Benjamin, ministre de l’Égalité des sexes, de l’Enfance et des Affaires sociales, déclare que, si les récits tels que ceux de M. Agon et de Rose sont fréquents chez les enfants recrutés, d’autres rejoignent les groupes armés pour échapper à la pauvreté ou défendre leur communauté.
Elle dit : « Leur rôle n’est pas limité au combat. Beaucoup de filles et de garçons sont aussi utilisés dans des rôles de soutien associés à de grands risques et difficultés : combattants, cuisiniers, espions, messagers et même esclaves sexuels. Quel que soit leur rôle, les enfants sont exposés à des niveaux aigus de violence, en tant que témoins, victimes directes et participants forcés. »
En septembre dernier, la vice-présidente sud-soudanaise Rebecca Nyandeng de Mabior a déclaré qu’il fallait plus que la bonne gouvernance pour mettre fin à ce fléau.
« Il faut de bonnes gens dans les rues, œuvrant chaque jour pour changer les choses, a-t-elle dit dans un rapport de l’ONU. Il faut un engagement dédié et un travail dur quotidien. Nous devons parvenir à protéger les enfants vulnérables. C’est une responsabilité collective. »