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Lors de son enfance passée sur le mont Boutmezguida au Sud-Est du Maroc, Khadija Ghouate n’avait pas imaginé que le brouillard changerait un jour sa vie. Tous les jours, Mme Ghouate et d’autres femmes parcouraient 5 kilomètres pour aller chercher de l’eau dans des puits ouverts. La surexploitation et la sécheresse avaient contribué à rendre l’accès à l’eau plus difficile.
Cependant, un mathématicien dont la famille est originaire de la région a eu l’idée d’utiliser le brouillard pour faire de l’eau.
Maintenant, le village de Mme Ghouate est relié au plus grand projet de collecte de brouillard au monde. « Il fallait toujours aller aux puits, il fallait y être tout le temps, matin et soir, déclare Mme Ghouate. Mais maintenant, l’eau est arrivée chez nous. J’aime beaucoup le brouillard. »
L’organisation non gouvernementale marocaine Dar Si Hmad a fondé le projet en 2015. Il s’agissait de l’idée originale du mathématicien et homme d’affaires Aïssa Derhem. Ses parents étaient originaires du mont Boutmezguida dont les versants sont couverts de brume 130 jours par an.
Lorsqu’il vivait au Canada dans les années 80, Derhem a pris connaissance de l’un des premiers projets de ce genre au monde, situé au Chili. Des années plus tard, il s’est rendu compte que le site marocain, niché en bordure du Sahara à 35 kilomètres de l’océan Atlantique, offrait des conditions de brouillard parfaites.
Les brumes s’accumulent près des zones côtières là où on retrouve la combinaison d’un courant froid de la mer, d’un modèle de vents anticycloniques et d’un obstacle terrestre. « Lorsque l’eau de mer s’évapore, l’anticyclone… l’empêche de se transformer en pluie, et lorsqu’elle rencontre la montagne, c’est là qu’elle peut être récoltée, explique M. Derhem. Si nous observons la planète, nous voyons cela dans toutes les régions tropicales. »
Les projets de collecte de brouillard se sont propagés dans des pays comme l’Érythrée, les États-Unis, le Ghana, le Guatemala et le Népal. Au Maroc, Dar Si Hmad a construit un système de filets couvrant 870 mètres carrés, environ la taille de 4,5 courts de tennis.
Ces filets sont suspendus entre deux poteaux. Le vent pousse le brouillard à travers les filets, captant les gouttelettes d’eau qui se condensent et retombent dans un conteneur. L’eau est acheminée vers des réservoirs par des tuyaux.
Le projet fournit de l’eau à environ 140 familles dans 14 villages. Une deuxième série de filets est en cours de construction.