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Un comité éthiopien secret est accusé d’avoir ordonné des arrestations et des assassinats en Oromia

PERSONNEL D’ADF

Deux professeurs de gymnastique d’Oromia, la région la plus vaste et la plus peuplée d’Éthiopie, ont été détenus et accusés de soutenir l’Armée de libération oromo (ALO), qui lutte contre les forces gouvernementales depuis des décennies.

Les professeurs ont nié qu’ils étaient associés à l’ALO, responsable pour des centaines de décès de civils en plus de nombreux enlèvements. Les doléances de l’ALO proviennent de la marginalisation et la négligence supposées des Oromos.

Les deux hommes ont été pendus au plafond, les bras liés au niveau du poignet et les jambes au niveau de la cheville.

« On m’a placé la tête en bas, puis on m’a [donné des chocs] sur la plante des pieds, déclare l’un d’eux à Reuters. Cinq jours par semaine pendant 45 jours. »

Ses cicatrices le prouvent.

« Lorsqu’on vous torture par cette méthode, le sang jaillit du corps », déclare l’autre professeur.

Ils ont été détenus en 2021 sur l’ordre d’un groupe d’officiels éthiopiens de haut rang appelé Koree Nageenyaa, selon une récente investigation de Reuters qui a confirmé l’existence du groupe. Koree Nageenyaa signifie « comité secret » dans la langue oromo.

La chaîne d’information a interviewé plus de trente officiels fédéraux et locaux, juges, avocats et victimes des abus ordonnés par le comité.

Les professeurs de gymnastique ont déclaré à Reuters qu’ils avaient été libérés après plusieurs mois passés en prison. D’autres personnes détenues par Koree Nageenyaa sont emprisonnées depuis des années sans possibilité de libération, selon leurs avocats et leur famille.

Le comité est accusé d’avoir ordonné des centaines de détentions illégales et des dizaines d’assassinats extrajudiciaires dans le but de réprimer l’ALO. Parmi les morts, Reuters signale le massacre de 14 bergers en Oromia en 2021, pour lequel le gouvernement avait blâmé le groupe rebelle.

Koree Nageenyaa a commencé à être actif quelques mois après l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed en 2018. Ceux qui sont familiarisés avec le comité déclarent qu’il avait été formé à l’instigation du Premier ministre.

Reuters n’a pas découvert de preuve que ce dernier ait participé aux réunions ou donne des ordres au comité. Toutefois, Koree Nageenyaa se réunit dans les bureaux régionaux du Parti de la prospérité de M. Ahmed en Oromia. Son chef est Shimelis Abdisa, ancien chef de cabinet de M. Ahmed et actuel président de la région. Fekadu Tessema, chef du Parti de la prospérité en Oromia, est aussi membre du comité.

Daniel Bekele, chef de la Commission éthiopienne des droits de l’homme désignée par l’État, a confirmé l’existence de Koree Nageenyaa. Il déclare que son but consiste à relever les défis croissants de la sécurité en Oromia, mais qu’il « est allé trop loin dans ce sens en s’immisçant dans le système judiciaire avec des violations généralisées des droits de l’homme ».

« Nous avons documenté de multiples exemples de meurtres extrajudiciaires, de détentions arbitraires, de torture et d’extorsion », déclare M. Bekele à la chaîne d’actualités.

M. Ahmed défend les antécédents de son gouvernement relatifs aux droits de l’homme. « Puisque nous suivons une perspective démocratique, il est même difficile pour nous d’arrêter qui que ce soit, sans mentionner les exécuter », a-t-il dit au Parlement au début février.

Le comité est accusé d’ordonner l’arrestation des gens qu’il juge présenter une menace pour la sécurité, ou de prolonger leur peine de prison, à partir de 2019, selon les propos de six juges et procureurs indiqués par Reuters. Un officiel des renseignements a divulgué que 1.066 personnes avaient été arrêtées sur l’ordre du comité entre 2019 et mars 2022.

« Koree Nageenya se réunit et décide qu’une certaine personne doit être détenue, déclare à la chaîne d’actualités un ancien juge de la Cour suprême d’Oromia. Alors ils vont l’arrêter sans mandat, sans investigation et sans procédure officielle. »

Les pourparlers de paix entre le gouvernement et l’ALO ont échoué deux fois en 2023. Les deux côtés se sont accusés mutuellement après la conclusion des dernières négociations à la fin novembre.

Redwan Hussein, conseiller à la sécurité nationale de M. Ahmed, mentionne « l’intransigeance » de l’ALO dans un article sur X (ex-Twitter). « L’approche obstructionniste et les exigences irréalistes de l’autre partie sont les raisons principales de l’échec de ces discussions », écrit M. Hussein.

L’ALO a accusé le gouvernement de ne pas adresser « les problèmes fondamentaux qui sont à la base des défis sécuritaires et politiques apparemment insurmontables du pays », selon un rapport d’Al Jazeera.

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