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Le Bénin renforce la sécurité dans le Nord face aux attaques des extrémistes

PERSONNEL D’ADF

Aux fins fonds du parc national de la Pendjari (Bénin), un ancien centre touristique luxueux est devenu une base militaire. Les soldats y traquent les mouvements des extrémistes qui entrent et sortent du Burkina Faso voisin pour tenter d’enrayer la montée de la violence.

Au cours des dernières années, le Bénin a été sujet à des attaques terroristes dans ses départements de l’Atacora et de l’Alibori, alors que l’extrémisme qui paralyse le Faso avance vers le Sud. Les forces armées qui passaient jadis beaucoup de temps dans les missions de maintien de la paix ont été redéployées pour défendre leur propre pays.

Depuis que les terroristes ont attaqué un avant-poste militaire à Porga en 2021, les responsables du pays ont investi 130 millions de dollars pour renforcer la sécurité. Le long de la zone frontalière du Nord, une unité spéciale créée en 2023 est chargée de contrer le terrorisme.

En plus de l’unité de collecte de renseignements dans la Pendjari, d’autres bases militaires ont été établies dans la région. Plus de 3.000 soldats patrouillent les communautés frontalières de l’Atacora et l’Alibori. Un programme de recrutement vise à former et déployer 5.000 soldats de plus dans le Nord.

Les problèmes du Burkina Faso pour contrôler les extrémistes l’ont transformé en base à partir de laquelle les terroristes se propagent au Sud vers les pays en bordure du golfe de Guinée.

Le colonel Faizou Gomina du Bénin a déclaré récemment au magazine New Lines : « L’armée du Burkina Faso a depuis longtemps abandonné la région au Nord de la frontière. De ce fait, les djihadistes et les bandes criminelles ont établi de grandes bases qu’ils utilisent pour monter des attaques sur le territoire de notre pays. »

Une grande partie de ces activités ont lieu dans la Pendjari et au parc national voisin du W. Ces deux parcs font partie du complexe transnational W-Arly-Pendjari de réserves naturelles aux frontières du Bénin, du Faso, du Niger et du Togo. Ces parcs, créés pour servir de havre aux éléphants et autres animaux sauvages, sont tout récemment devenus un refuge pour les terroristes qui utilisent ces régions peu peuplées pour transporter les personnes et le matériel.

En mars, les soldats ont tué des combattants affiliés à l’État islamique (Daech) qui essayaient d’établir une base au parc national du W. La présence des combattants de Daech fut une surprise pour l’armée, qui avait combattu les extrémistes liés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à al-Qaïda), a déclaré le lieutenant-colonel Matthieu Hessou du Bénin sur France 24.

« Les cartes, les drapeaux islamiques militants : ces signes nous montrent que ce ne sont pas seulement eux [le GSIM] mais aussi d’autres groupes non apparentés qui veulent s’installer et mener leurs missions », a-t-il dit.

Le parc national de la Pendjari est fermé depuis la première attaque terroriste au Bénin, en 2019, lorsque deux touristes français et leur guide de safari ont été tués. La fermeture du parc a heurté l’économie de la région.

Alors qu’ils traversent le Nord du Bénin, les extrémistes recrutent de nouveaux membres et attaquent des cibles civiles. En provoquant l’insécurité dans la région, ils espèrent saper le soutien au gouvernement du Bénin, selon les experts.

Les attaques se sont multipliées rapidement. Selon des responsables militaires, le Nord du Bénin a été sujet à 54 attaques entre janvier et la mi-avril 2023. Les enlèvements sont passés de zéro en 2021 à 33 en 2023, selon GI-TOC (Global Initiative Against Transnational Organized Crime).

En mai, des extrémistes ont attaqué les communautés de Koabagou et Toura près de la Pendjari, en tuant 20 résidents et enlevant les jeunes hommes. Dans les communes telles que Matéri, les extrémistes ont placé des bombes et enlevé des résidents.

Florence Bati, résidente de Matéri, a déclaré à l’Associated Press : « Je ne peux pas dormir la nuit, nous ne sommes pas libres de voyager, de nous déplacer. Les gens ont trop peur. »

Les attaques ont chassé plus de 12.000 personnes de leurs foyers et leurs champs dans le Nord du Bénin.

En plus d’étendre sa présence militaire dans la région, le gouvernement a imposé des couvre-feu et interdit les rassemblements. Dans quelques communes, il a interdit l’emploi des motos, qui sont fréquemment utilisées par les attaquants pour leurs mouvements, en particulier la nuit.

Toutefois, le gouvernement limite aussi les informations sur les attaques et arrête arbitrairement les gens qu’il considère comme des menaces potentielles. Ces deux mesures provoquent une réaction hostile parmi la population et incite certains à prendre le parti des extrémistes, selon Bertin Assogba, coordinateur de Repère et Développement Durable, groupe d’aide local axé sur la défense des droits de l’homme.

« Les djihadistes vivent parmi la population, les citoyens les connaissent mais ils refusent de les dénoncer parce que le gouvernement n’encourage pas les gens à le faire », a-t-il déclaré à l’AP.

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