Africa Defense Forum

Des programmes offrent aux ex-combattants l’opportunité de se réintégrer à la société nigériane

PERSONNEL D’ADF

Près de 600 ex-combattants de Boko Haram ont prêté serment de fidélité au Nigeria et ont fait des excuses pour leurs actes antérieurs lors d’une cérémonie dans l’État de Gombe au Nord du pays.

Ces transfuges volontaires ont participé à une cérémonie de remise de diplômes en mars 2023 dans un camp DDR (déradicalisation, réhabilitation et réintégration) après avoir complété un programme de six mois appelé opération Safe Corridor. Ce programme est annoncé sur les émissions radio et ses tracts sont parachutés dans les zones d’opération de Boko Haram.

En plus de persuader les insurgés de déposer leurs armes, les programmes DDR soutiennent en général les ex-combattants et leur famille en les réintégrant souvent dans la société.

« En fonction des interventions thérapeutiques auxquelles ces groupes de clients ont été sujets, ils deviennent de meilleurs citoyens comparé à ce qu’ils étaient à leur arrivée au camp DDR et, en conséquence, ils sont certifiés aptes à recevoir leur diplôme et à être réintégrés ensuite dans leur communauté correspondante », déclare Uche Nnabuihe, coordinateur du programme, selon un reportage de Voice of America.

Les autorités nigérianes ont lancé le programme en 2016 pour réduire le pouvoir des groupes extrémistes violents.

Les experts déclarent qu’il existe un risque de récidivisme pour les ex-terroristes ; c’est pourquoi il est important de comprendre les raisons qui poussent les combattants à décider de rejoindre, ou de quitter, les organisations extrémistes.

Parmi les raisons pour lesquelles les gens rejoignent les organisations extrémistes, on compte le souhait de se protéger et protéger ses proches, selon Malik Samuel, chercheur au bureau régionale de l’Institut pour les études de sécurité (ISS) pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad.

« Il y a aussi la conviction de rejoindre le djihad et le fait qu’ils se battent pour une guerre sainte », a déclaré M. Samuel dans un panel de discussion de l’ISS traitant des succès réalisés par les pays qui peuvent gérer comment les gens quittent les groupes armés. « Il y a aussi l’influence de la famille et des pairs, et puis, de façon importante, le recrutement forcé sous forme d’enlèvement ou de menace d’exécution. »

Certains membres veulent partir parce que leurs attentes économiques n’ont pas été satisfaites, ou bien ils sont déçus à propos de la dynamique du groupe ou des campagnes militaires menées contre eux, déclare-t-il.

Une approche DDR nationale et régionale, par l’intermédiaire d’organisations telles que la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou l’Initiative d’Accra, est nécessaire pour établir les fondations d’une stratégie DDR « dès le début, en considérant les liens de collaboration et de mise en commun des expériences concernant les initiatives nationales », dit-il.

« Une telle approche permettrait aussi de coordonner plus efficacement les initiatives des partenaires internationaux, conformément aux priorités nationales et régionales. ».

Aliyu Ibrahim Gebi, coordinateur de la Fusion Cell on Dialogue/Peace Process dans le Nord-Est, le Nord-Ouest et le centre Nord du Nigeria, déclare qu’il était nécessaire d’offrir un « pont d’or, la possibilité pour les gens de ramener les combattants vers la société, vers le bercail nigérian » grâce à l’opération Safe Corridor.

« Il y a aussi la composante de déprogrammation parce que ces personnes appartiennent en fait à un culte religieux », a déclaré M. Gebi pendant la discussion de l’ISS. Aliyu Ibrahim Gebi est aussi le conseiller du chef d’état-major de la défense pour les opérations non cinétiques. « Si vous déradicalisez sans déprogrammer, il est probable qu’à l’avenir ils redeviendront victimes d’un personnage central. »

L’opération Zoulou est un autre programme DDR nigérian. Ce programme secret dirigé par les agences de renseignement nigérianes prend pour cible les combattants rebelles de haut niveau ou de niveau intermédiaire.

Dans le programme, on dit aux combattants : « Vous ne vous enfuyez pas, vous ne vous rendez pas, mais vous souhaitez venir parce que vous voulez la paix, déclare M. Gebi. Cela est apprécié par une strate spécifique du groupe. »

M. Samuel, le chercheur de l’ISS, affirme que les communautés devraient participer activement aux décisions DDR.

« Certaines communautés du bassin du lac Tchad, en particulier au Nigeria, se sont opposées à la réhabilitation et la réintégration des ex-combattants, dit-il. Il doit exister un système qui lie la responsabilisation que [les ex-combattants] reçoivent pendant le programme DDR aux avantages que les communautés reçoivent, ou devraient recevoir, parce que ces communautés ont aussi été victimes. »

Mohammed Adamu est un ex-combattant de Boko Haram qui avait été capturé par le groupe en 2014, avec sa femme et ses quatre enfants. Son histoire montre le chemin difficile mais nécessaire de réforme et de réintégration des ex-combattants.

Il a déclaré à Al Jazeera : « Au début, j’aimais bien leur idéologie, le fait que tout se produise au nom de Dieu. Mais j’ai rapidement réalisé que tout cela consistait à tuer les gens. Ils assassinaient simplement, sans raison. J’ai donc décidé de m’enfuir. »

Boko Haram avait déjà tué sa famille, dit-il.

Il a complété le programme de l’opération Safe Corridor et il est rentré chez lui près de la frontière du Cameroun, mais il dit que les stigmates liés à son ancien statut de combattant de Boko Haram font de lui un paria.

« Si j’avais su que je serais tant rejeté ici, je serais resté dans la brousse », déclare M. Adamu.

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