La Coopération prend son envol au symposium
Les chefs d’état-major des armées de l’air de l’ensemble du continent parlent des défis et des ressources partagés
Personnel d’ADF
Alors que les chefs des Armées de l’air défaisaient leurs bagages et retournaient au travail après un symposium continental au Sénégal, la nature a brutalement souligné certains des thèmes et des défis qu’ils avaient abordés.
Le cyclone tropical Freddy, après s’être déplacé sur plus de 8.000 km en 34 jours, a frappé la province de Zambézie au Nord du Mozambique le 11 mars 2023, huit jours après la fin du Symposium des chefs d’état-major des Armées de l’air africaines (AACS) à Dakar. C’était la deuxième fois que cette énorme tempête touchait terre.
Les vents forts, les pluies et les ondes de tempête ont provoqué les dégâts et la dévastation au Malawi, au Mozambique, au Sud-Est de la Zambie et au Nord du Zimbabwe. Ce cyclone record a d’abord touché terre à Madagascar le 21 février, une semaine avant le début de l’AACS. Après avoir apporté de fortes pluies et des inondations au Mozambique et au Zimbabwe, il a fait une boucle pour entrer dans le canal du Mozambique où l’eau tiède l’a ravivé avant qu’il ne frappe de nouveau Madagascar et ne retourne au Mozambique. En date de la mi-mars, plus de 500 personnes avaient trouvé la mort et le Malawi avait constaté la perte des gains obtenus contre une épidémie résistante de choléra à cause des déluges de Freddy.
Dans certains pays, les chefs des Armées de l’air sont revenus dans des pays inondés par les crues, les débris et les morts, peu après leurs discussions concernant le transport aérien stratégique, l’aide humanitaire et la réponse aux catastrophes.
Le major-général Ian Macleod Chirwa, commandant de l’Armée de l’air du Malawi, a déclaré à ADF à Dakar qu’elle avait été créée il y a un peu plus de deux ans à partir d’une escadre aérienne plus petite. À la mi-mars, le Malawi a demandé à la Zambie voisine de lui prêter des hélicoptères pour aider la mission de sauvetage en cours, preuve de l’esprit collaboratif mentionné au symposium.
« Nous avons demandé à nos homologues zambiens de nous aider dans l’opération de sauvetage », a déclaré le 15 mars le ministre de la Défense du Malawi Harry Mkandawire à Nyasa Times, site Web malawien d’actualité. « Nous devons travailler ensemble dans cette mission, nous nécessitons en particulier des équipements tels que des hélicoptères pour nous assister à atteindre les gens dans les zones difficiles d’accès. »
Le cyclone Freddy n’était pas la première tourmente de ce type à frapper l’Afrique du Sud-Est et elle ne sera pas la dernière. Le cyclone Idai avait dévasté la région en mars 2019, en tuant plus de 1.500 personnes. C’est pourquoi certains aspects de la coopération invoquée par les chefs des Armées de l’air sont urgents.
Les chefs d’état-major et autre personnel provenant de près de 40 pays se sont réunis à Dakar du 28 février au 3 mars pour la douzième édition de l’AACS afin de parler des défis communs à de nombreuses Armées de l’air sur le continent.
« Notre but est, en partie, de renforcer les liens entre les Armées de l’air, et en même temps de traiter des sujets qui sont importants pour notre coopération », a déclaré le général de brigade Papa Souleymane Sarr, chef d’état-major de l’Armée de l’air du Sénégal, à des journalistes locaux, en s’exprimant en français lors d’une conférence de presse à cet événement de quatre jours.
Le général Sarr était aussi le co-hôte de l’AACS aux côtés du général James B. Hecker, commandant de l’Armée de l’air des États-Unis en Europe-Armée de l’air en Afrique. Le thème du symposium était : « Les Armées de l’air africaines dans la lutte contre les menaces transnationales ».
Le symposium a été organisé sous les auspices de l’Association des Forces aériennes africaines (AAAF), collaboration des Armées de l’air créée en 2015 lorsque la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et le Sénégal se sont joints aux États-Unis pour signer la charte de l’AAAF. Au symposium de 2023, la Somalie est devenue le 29ème pays africain à rejoindre l’association lorsque le général de brigade Mohamoud Sheikh Ali Mohamed, commandant de l’Armée de l’air de Somalie, a signé la charte du groupe pendant la cérémonie d’ouverture.
Les menaces transnationales continuent à tourmenter une grande partie du continent, depuis la contrebande des armes provenant de la Libye jusqu’aux organisations extrémistes violentes qui terrorisent le Sahel et le Nord du Mozambique. Certains pays côtiers d’Afrique de l’Ouest découvrent qu’ils emploient leurs ressources aériennes pour aider à combattre tous les types de crime en mer. Le fait que l’AACS de 2022 se soit concentré sur le transport aérien stratégique montre clairement l’ampleur et la persistance des défis affrontés par les chefs des Armées de l’air.
Le général Sarr a mentionné la menace de l’extrémisme violent qui secoue le Nord du Mali depuis plus de dix ans et qui s’est propagée dans les pays sahéliens voisins tels que le Burkina Faso et le Niger. Au cours des dernières années, cette menace s’est rapprochée des pays côtiers tels que le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal.
« La menace transcende maintenant nos frontières », a déclaré le général Sarr aux journalistes locaux. « Nous avons un ennemi commun qui essaye d’éliminer tous les efforts de nos pays. Nous devons donc tous travailler la main dans la main pour réussir à repousser cet ennemi. »
Bien que le général Sarr ait dit que le Sénégal avait la capacité d’assurer sa propre sécurité, il a déclaré que la coopération entre les pays est essentielle pour affronter la menace, en ajoutant que le Sénégal offrira « une main tendue à tous nos amis ».
La famine et les catastrophes liées au climat, tout comme les criminels transnationaux et les organisations extrémistes violentes, ne s’arrêtent pas à la frontière. Elles nécessiteront toujours des réponses coordonnées et coopératives. C’est une telle coopération à laquelle les participants de l’AACS pensaient et qui a conduit à l’un des deux votes principaux des chefs des Armées de l’air pendant le symposium.
La mise en commun des ressources
Les responsables africains ont envisagé un entrepôt partagé de ressources aériennes qui pourrait fournir des réponses coordonnées en temps opportun aux catastrophes humanitaires de tout type. Les officiers de liaison ont passé l’année précédant le symposium à discuter de l’escadre de mobilité aérienne africaine et les chefs d’état-major des Armées de l’air ont voté cette année pour approuver le concept. Ensuite, l’AAAF approuvera l’idée et les chefs d’état-major encourageront leur ministre de la défense nationale à en informer l’Union africaine pour son approbation.
Ọláyanjú Andrew Pópóọlá, directeur du secrétariat permanent de l’AAAF, a déclaré que l’escadre de mobilité serait similaire à l’escadre de transport lourd avec capacité de transport aérien stratégique de Pápa (Hongrie) et à l’escadre AWACS de l’OTAN à Geilenkirchen (Allemagne).
L’escadre de transport lourd de la Hongrie réunit douze pays membres. C’est la première de ce type visant à « la maximisation de la capacité de transport aérien stratégique militaire grâce au partage des ressources et à la mise en commun des capacités », selon son site web. Elle a été créée en 2008 et a reçu sa première ressource aérienne, un avion de transport Globemaster C-17, en juillet 2009. Deux de plus ont été livrés trois mois plus tard. Les pays membres sont les États-Unis et onze pays européens.
L’escadre a conduit des missions en Afghanistan, à Haïti, en Irak, en Libye et en République centrafricaine, entre autres. En 2013, elle a soutenu la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest au Mali. Une équipe multinationale est chargée de la flotte des trois C-17. En date du début avril 2021, l’escadre avait conduit 3.200 missions, transporté 98.000 tonnes de cargaison et enregistré 36.000 heures de vol.
Le général Sarr a déclaré à ADF que l’intention est d’avoir une escadre aérienne qui détiendra ses propres ressources et qui sera gérée par les Africains. Elle sera établie dans un ou deux pays, puis diverses nations apporteront leurs contributions en personnel et pièces détachées. Elle serait responsable de la maintenance et serait disponible pour l’assistance humanitaire et la réponse aux catastrophes, et pour d’autres types de transport aérien stratégique.
« Elle va être comme une escadre que nous avons dans nos Armées de l’air, mais elle sera une escadre multinationale, c’est-à-dire qu’elle sera gérée par différentes Armées de l’air, a déclaré le général. Nous serons donc d’accord sur l’attribution des responsabilités. Et cette escadre sera là pour toutes les nations africaines : si vous subissez une catastrophe, nous devons [par exemple] fournir le transport à un contingent spécifique de mission, aussi nous allons conduire une telle mission de cette façon. »
Dans un autre vote, les chefs d’état-major des Armées de l’air ont convenu de partager les coûts associés aux événements AACS futurs, de façon à ce qu’aucun pays n’assume la pleine responsabilité de financement du symposium.
Pendant la conférence, les chefs des Armées de l’air ou les personnes qu’ils ont désignées se sont réunies pour des présentations sur l’action humanitaire et l’assistance en cas de catastrophe ; les renseignements, la surveillance et la reconnaissance ; les femmes, la paix et la sécurité ; et d’autres sujets. Le symposium a fourni le temps nécessaire pour conduire des réunions bilatérales entre les chefs des Armées de l’air, afin qu’ils puissent aborder des questions plus spécifiques, l’une après l’autre.
Le symposium a aussi inclus un forum pour les sous-officiers de haut rang et des présentations culturelles pour encourager l’esprit de camaraderie chez les participants.
Les chefs des Armées de l’air ont déclaré que cette réunion était utile pour partager les préoccupations et les défis à relever.
Le général de brigade Hermalas Ndabashinze, chef d’état-major de l’Armée de l’air du Burundi, a déclaré : « Le symposium améliore nos relations. Nous partageons les valeurs de notre Armée de l’air parmi les présentations et parmi les réunions bilatérales. » Il a dit que si les chefs des Armées de l’air constatent que quelque chose fonctionne bien ailleurs, ils peuvent essayer d’appliquer cette meilleure pratique pour leur propre force aérienne.
Le général Chirwa, commandant de l’Armée de l’air du Malawi, en convient : « Cette conférence a tellement d’avantages. En tant que pays, le Malawi apprécie la sûreté, la sécurité et la paix. La vision des chefs des Armées de l’air africaines est donc de se réunir et de bâtir une relation africaine forte concernant la sûreté, la paix et la sécurité. Ceci est donc un forum spécial pour contribuer, en tant que Malawien, en tant qu’Armée de l’air, pour contribuer à ce partenariat important avec tant d’autres pays. »
Le général Sarr a déclaré que le symposium aidait à bâtir des relations qui peuvent payer des dividendes plus tard. « Lorsque vous vous réunissez, lorsque vous commencez à vous connaître les uns les autres, cela facilite beaucoup les choses si quelque chose se produit, dit-il à ADF. Par exemple s’il y a une catastrophe dans un pays, le chef de l’Armée de l’air pourra s’appuyer sur ses homologues. Il va simplement se mettre au téléphone et les appeler, et ils l’aideront. C’est le premier résultat important que nous obtenons de ces symposiums, de ces réunions. »
Les pays africains suivants ont participé au symposium : Algérie, Angola, Bénin, Botswana, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Égypte, Guinée équatoriale, Eswatini, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Libye, Madagascar, Malawi, Maroc, Mauritanie, Mozambique, Niger, Nigeria, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie et Zambie.
Le prochain AACS est prévu pour le début 2024 et aura lieu en Tunisie. Son thème se concentrera sur le développement des capacités de prochaine génération pour l’Afrique.
Les chefs des Armées de l’air écoutent une proposition visant à ajouter l’aviation à l’architecture maritime
Personnel d’ADF
Dix ans après la signature du Code de conduite de Yaoundé, les pays d’Afrique de l’Ouest ont fait des gains importants dans le domaine de la sécurité maritime.
Les informations sont transmises librement depuis les centres de coordination de chacune des cinq zones de coopération et vers les centres régionaux à Pointe-Noire (République du Congo) et Abidjan (Côte d’Ivoire), et le Centre de coordination interrégionale à Yaoundé (Cameroun).
La technologie établie en 2020 permet de partager des logs, des photos et des enregistrements et aide les utilisateurs à cumuler les données de surveillance et identifier les navires suspects. Les résultats sont notables.
La piraterie dans le golfe de Guinée a baissé, de 81 incidents signalés en 2020 à seulement 34 en 2021. Au cours des neuf premiers mois de 2022, il y a eu seulement 13 incidents signalés, selon l’Organized Crime and Corruption Reporting Project.
Le consultant aérien et maritime Phillip Heyl déclare que la seule chose qui manque dans l’architecture de Yaoundé est une composante aérienne.
« Il existe une chose que nous n’avons pas faite il y a dix ans, et c’est la raison pour laquelle je suis ici : nous n’avons pas créé de composante aérienne pour le Code de conduite de Yaoundé », a déclaré M. Heyl aux responsables lors du symposium des chefs d’état-major des Armées de l’air africaines (AACS) à Dakar (Sénégal). Il a dit que la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) souhaite ajouter une composante aérienne à sa stratégie maritime intégrée.
« Comme vous le savez tous, on ne peut pas arrêter les acteurs malveillants sur l’eau sans aéronef. Cela est essentiel. »
M. Heyl du groupe Heyl est un sous-traitant de l’Armée de l’air des États-Unis et œuvre avec la CEDEAO sur le concept aérien. Il déclare que cet argumentaire est le premier fourni aux chefs des Armées de l’air africaines sur cette idée. Selon lui, certaines Armées de l’air telles que celles du Ghana, du Nigeria et du Sénégal contribuent aux patrouilles aériennes en mer, mais pas au niveau nécessaire pour contrôler pleinement l’espace maritime. Il ajoute que les partenaires internationaux seraient prêts à financer ces patrouilles aériennes.
L’intégration des patrouilles aériennes avec les patrouilles navales ajouterait une dimension cruciale à l’architecture maritime du code et aiderait à sécuriser l’économie des océans pour toute la région, économie qui s’est développée au cours des dernières années pour inclure des découvertes de pétrole et de gaz naturel. M. Heyl déclare à ADF que cela peut aider à produire des revenus pour répondre à une vaste gamme d’autres besoins tels que l’éducation et l’allégement de la pauvreté. « Mais si vous ne le gouvernez pas, tout le monde le prend. »
L’agence nigériane d’administration et de sécurité maritime a fait des progrès récemment pour sécuriser son domaine maritime grâce à son infrastructure nationale intégrée de sécurité et de protection des voies d’eau, appelée projet Deep Blue. Mais il dit que le Nigeria a acheté son propre terrain et ses ressources maritimes et aériennes.
« Ce que nous projetons de faire, c’est de prendre des ressources existantes, une Armée de l’air existante qui n’a pas vraiment de mission ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance) offshore et de lui demander d’y contribuer, a dit M. Heyl à ADF. Nous n’achetons pas de nouveaux avions ; nous utilisons seulement ce que nous avons. Parce que l’une des initiatives stratégiques consiste à mieux coordonner vos propres agences. Cela ne vous coûte pas davantage : vous payez les frais de toute façon. Pourquoi donc ne pas faire en sorte qu’ils travaillent tous ensemble pour accomplir quelque chose ? »
Le général de brigade Papa Souleymane Sarr, chef d’état-major de l’Armée de l’air du Sénégal et co-hôte de l’AACS, a déclaré à ADF qu’il était « très favorable » à cette idée.
« Le Sénégal est l’un des pays contributeurs car nous avons affecté nos ressources à la surveillance maritime, dit-il. Je suis favorable à ce qu’ils font ici, et bien sûr nous ajouterons notre voix à celle des autres pour réaliser cela, et je pense que nous serons capables de le faire, en particulier lorsque [M. Heyl] déclare qu’il y a un financement potentiel que les pays africains peuvent obtenir des donneurs, ou quelque chose dans ce sens. Je pense que nous pouvons explorer cette idée pour trouver des solutions. »
M. Heyl a déclaré aux chefs des Armées de l’air qu’ils devraient coordonner avec la CEDEAO et la Communauté économique des États d’Afrique centrale pour que le personnel des Armées de l’air travaille dans les centres de surveillance des différentes zones.
« Cette sécurité maritime, combinée à la composante aérienne, se traduira par un développement économique, dit-il. C’est l’argument ultime. »
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