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La junte du Niger répétera-t-elle les erreurs de ses voisins ?

PERSONNEL D’ADF

Alors que la junte militaire du Niger détient au secret le président destitué, le pays devient de plus en plus isolé par la communauté internationale : c’est l’une des nombreuses conséquences de la saisie anticonstitutionnelle du pouvoir.

Le président nigérien Mohamed Bazoum déclare qu’il est retenu « en otage » et qu’il est « privé de tout contact humain », sans électricité et avec seulement du riz sec et des pâtes pour nourriture.

« Je suis seulement l’un de plusieurs centaines de citoyens qui ont été arbitrairement et illégalement emprisonnés », a-t-il écrit dans une tribune publiée par le Washington Post le 3 août. « Ce coup d’État… n’a aucune justification. »

« S’il réussit, il aura des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et toute la planète. »

Bien que la récente série de changements de régime provoqués par les militaires au Sahel offre de nombreux avertissements, les putschistes du Niger semblent suivre la même voie que ceux des pays voisins du Burkina Faso et du Mali.

Les trois juntes ont été condamnées et sanctionnées par la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le block régional et les partenaires internationaux du gouvernement renversé.

Les forces militaires ont renversé les présidents du Mali et du Burkina Faso, respectivement, en 2021 et 2022, et la violence extrémiste s’est intensifiée et s’est propagée. Chaque pays a subi un deuxième coup d’État après une courte période.

Contrairement à ces deux pays, moins de Nigériens ont été tués au cours du premier semestre 2023 qu’au cours de tout autre premier semestre depuis 2018.

« Comparé aux approches brutes employées par les juntes voisines, l’approche au contre-terrorisme du Niger a été en général mieux ciblée et a employé un meilleur mélange d’outils cinétiques et non cinétiques », écrit l’analyste James Barnett dans un rapport pour le groupe de réflexion Hudson Institute.

Barnett recherche les conflits, le terrorisme et la géopolitique. Il a énuméré plusieurs autres erreurs commises par les juntes voisines, que le Niger risque maintenant d’émuler.

  1. L’emploi agressif de la force, parfois sans discrimination : Les milices soutenues par la junte au Burkina Faso ont été accusées de violence ethniquement ciblée, qui fait typiquement accroître le recrutement par les organisations extrémistes.

« Le désarroi provoqué par le coup d’État au Niger et l’intervention possible de la CEDEAO offriront à ces organisations terroristes l’expansion de leur espace vital », écrit Huriye Yildirim Çinar, codirecteur de l’Institut africain TASAM, dans le journal Daily Sabah le 11 août.

« D’un autre côté, les grandes communautés de gens ayant des difficultés économiques et politiques et ignorés par les mécanismes de l’état peuvent devoir interfacer avec ces organisations terroristes pour survivre. »

  1. La vulnérabilité face à la possibilité d’un autre coup d’État : « Lorsque les généraux se concentrent sur la politique dans l’espoir d’éviter le prochain coup d’État, ils ont tendance à prioriser les considérations politiques par rapport à celles du champ de bataille, écrit M. Barnett. Ceci pourrait jeter les bases d’un contrecoup et accroître l’insécurité nationale.
  2. L’aliénation des partenaires régionaux et internationaux : La France, l’Union européenne et d’autres ont coupé l’appui financier du Niger. Une enveloppe d’environ 2 milliards de dollars d’assistance annuelle est menacée. « L’aide étrangère représente 40 % de notre budget national mais elle ne sera pas fournie si le coup d’État réussit », écrit M. Bazoum.
  3. L’alignement avec le groupe Wagner de mercenaires russes : Le Niger a déjà suivi le Burkina Faso et le Mali en annulant les accords militaires avec la France. Le Mali a comblé ses carences sécuritaires avec les mercenaires hors-la-loi de la Wagner qui sont accusés d’atrocités contre les civils.

« Wagner incite les pires tendances des régimes militaires d’Afrique de l’Ouest et son approche de népotisme et de coups de massue s’est retournée contre eux au Mali en tuant de nombreux civils innocents et en accélérant l’expansion djihadiste », écrit M. Barnett.

Les observateurs ont bien noté l’hypocrisie de la junte militaire du Niger qui mentionne l’insécurité comme raison centrale de son usurpation du pouvoir.

« Comme si la sécurité n’était pas entre leurs mains auparavant », a écrit le politicien nigérien Oumar Moctar sur Twitter.

  1. Barnett déclare que les Nigériens n’ont pas besoin de regarder très loin pour constater les effets nocifs des régimes militaires.

« Ceci pourrait indiquer un changement vers les approches plus irresponsables employées par Bamako et Ouagadougou. Si le Niger suit le chemin du Mali et du Burkina Faso, de nouveaux défis majeurs apparaîtront pour le reste de l’Afrique de l’Ouest, en particulier pour les états côtiers.

« Si les putschistes commettent les mêmes erreurs que leurs voisins du Mali et du Burkina Faso, ils vont créer des opportunités pour que les djihadistes de cette région accélèrent leur expansion à partir de Tillabéri vers le Nord du Bénin et le Nord-Ouest du Nigeria. »

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