Africa Defense Forum

Selon une étude, le chaos politique conduit à la propagation des ALPC

PERSONNEL D’ADF

Des décennies de guerre, corruption et conflits ethniques ont laissé l’Afrique de l’Ouest avec une surabondance d’armes de petit calibre qui continuent à alimenter l’instabilité et l’extrémisme dans la région.

Bien qu’il soit difficile de déterminer les chiffres exacts, certains experts estiment que jusqu’à 8 millions d’armes légères et de petit calibre (ALPC) sont présentes dans la région, malgré une convention de 2006 sur le commerce international des armes de petit calibre conclue par la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Certaines de ces armes proviennent des entrepôts militaires nationaux et sont volées, capturées ou conservées après la fin du service militaire des soldats. Des armes sont fabriquées en petit nombre dans la région mais la plupart proviennent de l’extérieur : parfois de la Russie ou de la Chine, mais aussi des arsenaux libyens pillés après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

Elles sont acheminées d’un conflit à l’autre sur les routes de contrebande traditionnelles, en compagnie des stupéfiants et autres articles de contrebande. Où qu’elles aillent, les tensions ethniques ou les désaccords politiques éclatent en violence.

L’analyste Francis Langumba Keili écrit dans un rapport de l’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement : « La disponibilité généralisée des armes de petit calibre aux mains des acteurs abusifs pose une menace sans précédent pour l’Afrique de l’Ouest. La nature insidieuse et l’impact de ces armes affectent tous les aspects de la société. »

Des recherches récentes suggèrent qu’il existe un facteur pouvant réduire l’attrait des ALPC : la confiance dans le gouvernement. Plus précisément, il est moins probable que les gens qui croient en la légitimité du gouvernement cherchent à acquérir des armes, ce qui faciliterait la mise en application par les gouvernements de l’interdiction de la CEDEAO, selon le chercheur Daniel Banini de l’université de l’Illinois oriental.

« Lorsqu’un état est considéré légitime, c’est parce que les personnes qui détiennent le pouvoir l’ont obtenu de façon généralement acceptée et l’exercent correctement, a écrit récemment le Dr Banini pour The Conversation. Un manque de légitimité peut conduire à des achats illégaux d’armes légères et de petit calibre. »

De ce fait, les coups d’État militaires au Burkina Faso, en Guinée et au Mali peuvent ainsi perpétuer le type de troubles que les leaders des coups d’État cherchent à réprimer, parce qu’ils manquent de légitimité politique.

« Lorsqu’un état n’agit pas légitimement, le résultat est une opposition politique organisée et des conflits armés ou des insurrections soutenues, écrit le Dr Banini. Lorsqu’un gouvernement manque de soutien populaire, il emploie des tactiques brutales, par exemple en se procurant des armes légères et de petit calibre pour dominer. »

Le Dr Banini mentionne la Côte d’Ivoire comme exemple de pays où le manque de légitimité politique a sapé la capacité de contrôle des ALPC dans le pays.

L’ex-président Laurent Gbagbo a pris le pouvoir en 2000 lorsque Robert Guéï, le chef de la junte à l’époque, a interdit aux autres rivaux de se porter candidat. Entre 2000 et 2011, le gouvernement de M. Gbagbo a acheté des armes illégales à un coût de 16,3 millions de dollars, ce qui en a fait l’un des pires contrevenants à l’interdiction de la CEDEAO sur les armes de petit calibre. Les achats d’armes légales ont aussi augmenté de 50 % pendant son mandat.

Les questions de légitimité au moment des élections ont provoqué deux guerres civiles ivoiriennes entre 2002 et 2011, ce qui a intensifié davantage la demande pour les armes de petit calibre. M. Gbagbo a refusé de mettre en application l’interdiction de ces armes lorsqu’elle est entrée officiellement en vigueur pendant son mandat.

« La légitimité politique affaiblie de la Côte d’Ivoire a permis de mettre de côté les questions de conformité en infléchissant le focus de Gbagbo et en réorientant les énergies de l’opposition vers la saisie du pouvoir politique, ce qui nécessitait davantage d’armes », écrit le Dr Banini.

Lorsque M. Gbagbo a refusé de céder la présidence à Alassane Ouattara après l’élection de 2010, d’autres armes illégales sont arrivées dans le pays alors que les sympathisants de M. Ouattara chassaient M. Gbagbo du pouvoir.

D’un autre côté, le Ghana montre comment un sentiment fort de légitimité politique crée la stabilité nécessaire pour mettre en application la convention de la CEDEAO sur les armes de petit calibre, selon le Dr Banini.

« Au Ghana, nous ne connaissons aucune indication de l’achat illégal des armes par les autorités ghanéennes ou les groupes organisés, écrit-il. La légitimité relative de l’état au Ghana est basée sur le désir pour les élites de normaliser la concurrence pour le pouvoir politique. »

Les exemples de la Côte d’Ivoire et du Ghana appuient l’idée que les gouvernements perçus comme légitimes ont davantage de capacité pour empêcher la propagation des ALPC et la violence qui les accompagne, selon lui.

« Les résultats suggèrent que la légitimité politique est importante pour la capacité des états à mettre en œuvre les accords de sécurité collectifs tels que celui concernant les armes légères et de petit calibre. Les membres de la CEDEAO qui font face à des défis de légitimité doivent recevoir un soutien lié à la mise en œuvre, parce qu’ils ne peuvent pas le faire à eux seuls. »

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