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Des années de friction entre deux généraux font exploser la violence au Soudan

PERSONNEL D’ADF

Frottez assez longtemps deux objets l’un contre l’autre et vous finirez par produire suffisamment de chaleur pour allumer un feu. C’est le cas de la violence qui a explosé le 15 avril après plusieurs années de conflit politique et personnel entre deux chefs militaires rivaux du Soudan.

Les combats qui ont commencé à Khartoum se sont rapidement propagés vers d’autres sites du pays. La violence provient de plusieurs années de conflit entre les Forces armées soudanaises (SAF) du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (RSF), branche paramilitaire dirigée par le général Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemeti.

Les analystes craignent que les combats entre les deux hommes forts ne continuent pendant des mois. Ils pourraient même attirer les pays voisins.

Jonas Horner, chercheur indépendant sur le Soudan, a déclaré à Al Jazeera : « Dans presque tous les pays voisins, il y a un partisan de Burhan et un partisan de Hemeti. Donc, si le conflit se dénoue en faveur de l’un d’entre eux, nous pourrions constater les amis du perdant venir à son secours. »

Des rapports ont déjà été publiés selon lesquels l’Égypte aiderait le général Burhan et le général Khalifa Haftar de l’Est de la Libye enverrait de l’aide à Hemeti.

La population civile du Soudan, qui exige la démocratie depuis plusieurs années après la chute de l’ancien dictateur Omar el-Bechir, se retrouve coincée entre les deux chefs militaires et leurs tirs d’artillerie lourde tout autour d’elle. La transition planifiée vers un régime civil se trouve dans une impasse.

« Beaucoup d’entre nous expliquions comment [le processus politique] pourrait mal tourner, et c’est ce qui s’est passé », déclare Kholood Khair, fondatrice du groupe de réflexion Confluence Advisory de Khartoum, à New Lines Magazine.

Les généraux Burhan et Hemeti s’étaient associés pour renverser M. el-Bechir et aussi pour effectuer le coup d’État d’octobre 2021 qui a perturbé le plan de transition vers un régime civil. Ce coup d’État a fait perdre au Soudan des milliards de dollars d’aide internationale et a plongé l’économie du pays en chute libre.

En fin de compte, Hemeti a publiquement déclaré que le coup d’État avait été un échec et que l’armée devait rentrer dans ses casernes.

Le général Burhan, espérant que le pays continue à fonctionner, a rappelé certains membres du Congrès national (NCP) de M. el-Bechir pour gérer le gouvernement et en a nommé d’autres à des postes militaires de haut rang. Un grand nombre de ces membres du NCP détestent Hemeti pour avoir participé au coup d’État de 2019 et craignent que la croissance des RSF ne présente un risque pour l’autorité des SAF.

Alors même qu’ils coopéraient dans le coup d’État, les généraux Burhan et Hemeti se faisaient concurrence pour attirer l’attention des partisans internationaux, notamment les états du Moyen-Orient et le groupe Wagner de Russie qui est ancré au Soudan depuis 2017.

Hemeti et Wagner ont travaillé ensemble pour dominer l’extraction de l’or dans les régions occidentales du Soudan. Ce partenariat a rendu Hemeti extrêmement riche et a aidé la Russie à contourner les sanctions internationales pour financer son invasion de l’Ukraine. Hemeti s’est rendu à Moscou peu avant cette invasion.
En tant que chef des SAF, le général Burhan a accès au vaste réseau de sociétés des forces armées qui est profondément intégré dans l’économie du pays.

Les généraux Burhan et Hemeti sont rivaux depuis le recrutement par M. el-Bechir de l’ancienne milice des Janjawids pour mettre fin aux rébellions de la région du Darfour. En 2013, M. el-Bechir a converti les Janjawids en RSF paramilitaires dirigées par Hemeti. La tâche des RSF était d’assurer le régime el-Bechir contre les coups d’État, et il était prévu qu’elles soient subordonnées aux SAF lorsque nécessaire.

M. el-Bechir a forcé les deux groupes rivaux à travailler ensemble. Cette situation a commencé à se détériorer lorsqu’il a été renversé et les deux partis ont vu une opportunité de saisir le pouvoir.

La violence entre les SAF et les RSF a fait éruption après le coup d’État lorsque le pays était proche d’un accord pour mettre le gouvernement entre les mains des civils. Une partie de cet accord exigeait l’intégration des RSF dans les SAF. Le général Burhan voulait que la transition se produise au bout de deux ans, alors que Hemeti la voulait après dix ans.

Les défenseurs de la démocratie déclarent qu’aucun des deux chefs militaires ne prévoyait de céder le pouvoir.
« Les événements en cours représentent le plan des loyalistes du régime précédent, dans le but de détruire le processus politique », ont déclaré les Forces de la liberté et du changement (coalition de partis pro-démocratiques) peu avant le début des affrontements entre les SAF et les RSF.

Il semblerait plutôt que les généraux Burhan et Hemeti soient déterminés à se détruire mutuellement, même si cela provoque la ruine du pays, déclarent les analystes.

« C’était écrit sur les murs, déclare Mme Khair à New Lines Magazine. Maintenant, c’est écrit avec du sang. »

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