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Un chemin de fer kényan est le focus d’une lutte avec la Chine au sujet de l’endettement

PERSONNEL D’ADF

Le chemin de fer kényan Standard Gauge Railway avait été annoncé comme atout économique majeur qui serait bénéfique pour la région. Mais six ans après son inauguration, il est devenu un fardeau financier pour le pays et un facteur crucial de la détérioration de ses relations avec la Chine.

Le chemin de fer a été construit par la China Road and Bridge Corporation sous l’égide de l’ex-président Uhuru Kenyatta, en vertu d’un contrat sans appel d’offres et d’un prêt de 3,6 milliards de dollars octroyé par la Banque chinoise d’importation et d’exportation (Exim Bank).

L’évaluation de faisabilité de China Road and Bridge affirmait que le chemin de fer serait rentable s’il transportait 22 millions de tonnes de fret par an, soit 20 trains chaque jour. C’est plus du double de la capacité opérationnelle actuelle de la voie ferrée, selon une étude conduite par l’institut pour la recherche et l’analyse des politiques publiques du Kenya.

Mais le chemin de fer transporte le quart de ce volume, ce qui rend impossible la rentabilité de la voie ferrée. En 2021, le chemin de fer a perdu 200 millions de dollars. Auparavant en 2019, M. Kenyatta avait ordonné que le fret soit expédié par voie ferrée plutôt que par camion : cette décision avait créé des bouleversements dans les moyens de subsistance de la communauté des camionneurs de Mombasa.

Peu après son élection en 2022, le nouveau président William Ruto a annulé le décret de M. Kenyatta mais le gouvernement est toujours responsable pour le remboursement du prêt. Après plusieurs années de reports de paiement, le premier paiement du Kenya à la Chine en 2021 était supérieur à 237 millions de dollars. En 2022, il a plus que doublé à 558 millions.

Bien que les responsables financiers kényans déclarent que la dette est toujours gérable, ils soulignent que le pays doit prendre des mesures avant que l’endettement ne détruise l’économie.

Patrick Njoroge, gouverneur de la banque centrale du Kenya, a déclaré en septembre : « Nous devons être clairs sur la direction prise par la dette. Le moment est venu. Nous n’avons pas besoin d’attendre qu’elle nous écrase. »

Les prêts chinois représentent 67 % de la dette du Kenya, laquelle a atteint le chiffre record de 82 milliards de dollars, soit environ les trois quarts du produit national brut. Alors que les paiements de remboursement de la dette kényane augmentent, il y a moins d’argent pour les autres programmes tels que les soins de santé et la sécurité.

Peu après son entrée en fonction, M. Ruto a révélé trois parties de l’emprunt chinois, qui a été déclaré illégal par la cour suprême du pays parce qu’il avait été accordé sans processus concurrentiel. Les documents du prêt exigeaient que les conditions restent secrètes.

Le gouvernement du Kenya a demandé à ses prêteurs chinois de prolonger la période de remboursement de trente années de plus, pour un prêt qui s’élève maintenant à 5 milliards de dollars après l’addition d’une extension de ligne de 1,4 milliard vers le dépôt de conteneurs intérieur de Naivasha. En juin 2022, la Chine a imposé au Kenya une amende de près de 11 millions de dollars en déclarant qu’il avait manqué à certains paiements, ce que le Kenya a nié.

Sous la pression des prêts de plus en plus problématiques dans le monde, la Chine a commencé à limiter les nouveaux emprunts et durcir sa position concernant le remboursement des emprunts existants. L’an dernier, la Chine a déclaré qu’elle ne prêterait plus d’argent pour prolonger le chemin de fer vers l’Ouganda et au-delà. Aujourd’hui, le chemin de fer aboutit à un champ vide dans la vallée du Grand Rift, à environ 320 km de la frontière ougandaise.

En janvier 2023, l’Ouganda a annoncé qu’il abandonnait son contrat avec une société chinois en faveur d’une turque pour construire son propre chemin de fer entre Kampala et la frontière kényane.

Njoroge a déclaré en automne dernier devant un comité législatif que le chemin de fer et les autres projets d’infrastructure financés par la Chine étaient un fardeau pour l’économie, alors qu’ils auraient dû être une aubaine.

« L’investissement dans l’infrastructure devrait stimuler l’économie, a-t-il dit. Pourquoi ne pouvons-nous pas profiter davantage de l’investissement dans l’infrastructure ? »

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