Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, s’est exprimé lors de la seizième session extraordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine sur le terrorisme et les changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique, à Malabo (Guinée équatoriale) le 28 mai 2022. Ses remarques ont été modifiées pour des raisons de longueur et de clarté.
Nous avons récemment tous vécu, avec consternation et inquiétude, le retour en force des coups d’État militaires dans certains de nos États membres. On assiste ainsi à la résurgence d’une pratique que nous croyions à jamais révolue, avec l’avènement d’une nouvelle ère, celle prometteuse de la consolidation démocratique.
Parmi les causes de ces changements avancées par les putschistes de ces derniers mois, figure en bonne place l’incapacité, selon eux, des pouvoirs civils démocratiquement élus a combattre efficacement le terrorisme.
La pérennité et la stabilité des institutions démocratiques est un gage du développement économique et social de nos pays. Inversement, les ruptures intempestives des processus démocratiques en cours constituent des entraves sur le chemin de l’émergence du continent.
Aussi devient-il urgent d’affiner l’analyse des causes de cette résurgence des usurpations militaristes du pouvoir afin d’en déterminer la thérapeutique appropriée.
À ce stade, nous ne pouvons passer sous silence la question des délais des processus de transition menés par les gouvernements issus de coups d’État et qui devient une source de tension et de dissension préjudiciables à la stabilité des États concernés et à celle de leur voisins.
Il importe d’insister sur l’impérieuse nécessité d’une meilleure coordination des actions de l’Union africaine et de celles des communautés économiques régionales concernées en vue d’un meilleur accompagnement pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal.
Considérons la lutte contre le terrorisme comme un phénomène ordinaire qui peut être résolu par des réunions, des séminaires et autres colloques. Des actions fortes et coordonnées et une solidarité intra-africaine concrète à l’échelle du danger sont les conditions de notre victoire sur cette gangrène.
De même, cessons de regarder ailleurs lorsque les pratiques politiques dans nos États heurtent les règles et les principes sur la gouvernance vertueuse que nous avons unanimement et souverainement adoptés. La souveraineté et le principe de non-
ingérence ne doivent pas primer sur le devoir de vérité que nous avons les uns envers les autres. C’est aussi le lieu d’en appeler à l’esprit républicain des forces armées africaines afin qu’elles s’abstiennent de toute intervention susceptible de compromettre les acquis démocratiques des trente dernières années sur le continent.
L’Afrique est sans doute le dernier continent au monde à vivre avec une telle intensité le terrorisme et où existe encore des changements inconstitutionnels. Il est incontestable que ces deux phénomènes inversent nos priorités de développement et entravent notre marche vers le progrès. Nous ne devons plus accepter cela. Il nous faut relever ce double défi par des mesures audacieuses et courageuses, tant à l’intérieur des États qu’au niveau régional et continental, afin que cessent de prospérer sur le Continent ces atteintes intolérables à notre sécurité et à notre stabilité.
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