PERSONNEL D’ADF
Près de 12,3 millions de personnes travaillent dans le secteur des pêches et de l’aquaculture en Afrique, mais leurs moyens de subsistance sont compromis par des règles qui favorisent les grandes flottes étrangères.
Selon une analyse publiée par The Conversation Africa, un grand nombre de pays côtiers ont adopté une réglementation qui permet aux flottes de pêche étrangères en eaux distantes (DWF) de pêcher dans des zones où les stocks de poissons ont fortement baissé.
Un grand nombre de flottes DWF sont engagées dans la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU). En Afrique de l’Ouest, ciblée depuis longtemps par la flotte DWF chinoise, on estime que la pêche IUU capture entre 40 et 65 % de la prise légalement signalée. Certains pays ont agrandi les zones de pêche industrielle et réduit les zones réservées aux pêcheurs artisanaux, alors même qu’ils essaient de combattre la pêche IUU.
Un manque de capacité pour mettre en application les lois de la mer, et des accords opaques avec les sociétés de pêche étrangères, menacent encore plus les moyens de subsistance des pêcheurs de petite échelle et des transformateurs, éleveurs et vendeurs de poissons sur le continent.
Les chercheurs Ifesinachi Okafor-Yarwood et Edward Allison écrivent dans The Conversation Africa : « Le secteur des pêches océaniques est menacé par ces prises d’un rythme insoutenable et aussi par la faiblesse de la gouvernance des pêches. Les mesures de gouvernance des pêches en Afrique limitent en grande mesure les pêcheurs de petite échelle sans limiter le secteur de la pêche industrielle. »
Des efforts en cours
Certains pays essaient de corriger ce déséquilibre.
En décembre 2021, le Bénin, le Ghana et le Togo ont signé un accord pour améliorer la surveillance des pêches de ces pays et partager les informations maritimes fournies par le Centre régional de surveillance, contrôle et vigilance du Ghana, selon un rapport de SeafoodSource. Le commerce maritime illégal fait perdre à l’Afrique de l’Ouest près de 1,95 milliard de dollars sur la chaîne de valeur des poissons et fait perdre aux foyers 593 millions de dollars de revenu.
Mavis Hawa Koomson, ministre des Pêches et du Développement de l’aquaculture du Ghana, a annoncé en septembre 2021 que ce pays réévaluerait les lois et les politiques qui régissent son secteur de la pêche et réexaminerait sa politique nationale des pêches et de l’aquaculture.
Ces efforts « visent à assurer que la gestion des ressources de pêche satisfait aux tendances émergentes dans la gestion des pêches et aux meilleures pratiques internationales », a déclaré la ministre dans un article publié sur le site web ghanéen d’actualités Myjoyonline.com.
Malgré les efforts du Ghana, l’analyse de Conversation Africa a révélé que certaines règles nuisaient aux pêcheurs artisanaux. Le secteur de la pêche industrielle doit observer une saison de fermeture de deux mois, alors que le secteur artisanal observe une fermeture d’un mois.
L’objet est de préserver les stocks de poissons mais les critiques déclarent que cette initiative a conduit au manque de nourriture dans les foyers et au manque de diversité alimentaire.
En 2020, le Liberia a lancé un projet de 3 millions de dollars sur 4 ans, conçu pour aider les pêcheurs locaux dans leur lutte contre la pêche IUU. Le projet Communautés pour les pêcheries formera les pêcheurs locaux pour prendre des photos géolocalisées des chalutiers soupçonnés de pêcher illégalement. C’est un partenariat entre l’Environmental Justice Foundation (EJF, Fondation pour la justice environnementale) et l’Autorité nationale des pêcheries et de l’aquaculture du Liberia.
En 2020 également, le Liberia a refusé d’accorder des permis de pêche à six gros chalutiers chinois capables de décimer les stocks de poissons de la région. Ces vaisseaux chinois de 50 mètres, équipés d’énormes filets et d’équipement de localisation des poissons sophistiqué, peuvent attraper annuellement plus de 2.000 tonnes de poissons de fond. Selon SeafoodSource, c’est 4.000 fois plus que les pirogues artisanales locales.
Des zones de pêche limitées
Le Liberia, Madagascar et la Somalie ont réduit les zones où les pêcheurs artisanaux peuvent pêcher et augmenter les zones des chalutiers industriels.
À Madagascar et en Somalie, le secteur des pêches industrielles se développe grâce à des accords d’accès et des licences accordés aux flottes DWF liées à l’Union européenne et la Chine, selon l’analyse.
Mais ces deux pays essaient toujours de combattre la pêche IUU.
En septembre 2021, Madagascar a annoncé sa demande officielle de faire partie de l’Initiative de transparence des pêcheries (FiTI), selon un rapport publié sur blueventures.org. La FiTI vise à recueillir et publier des données fiables liées à la pêche, notamment le nombre de vaisseaux autorisés à pêcher dans les eaux territoriales d’un pays, les données de prise, les informations sur la durabilité des stocks de poissons et la valeur économique des diverses formes de pêche et de transformation des poissons.
Le ministère des Pêcheries et de l’Économie des océans de Madagascar a déclaré : « Ceci est une étape majeure vers la préservation, la gestion et le développement de la pêche durable pour les générations futures. En rejoignant la FiTI, nous pourrons améliorer la livraison des services publics, perfectionner la transparence pour une pêche responsable et encourager la collaboration entre toutes les parties prenantes du secteur des pêches et de l’économie des océans. »
Après des années de baisse des attaques de piraterie en Somalie, les flottes de pêche, principalement originaires de l’Iran et du Yémen, mais de plus en plus de la Chine, sont revenues dans les eaux territoriales, en transformant la pêche IUU en défi majeur qui coûte au pays des millions de dollars par an.
En juillet 2021, la Somalie a proposé un projet de loi visant à renforcer ses processus de licence de pêche afin d’améliorer la transparence et combler les vides juridiques qui permettent la surexploitation.
La Somalie a un nouveau projet de loi sur les pêches qui résoudra les lacunes dans le système fédéral de partage du pouvoir et la gestion des pêcheries, tout en faisant face aussi à la corruption, aux systèmes de licence et à la protection de l’environnement, a déclaré Mohamud Sheikh Abdullahi, directeur général du ministère des Pêches de Somalie, selon un rapport de SeafoodSource. « Nous renforçons aussi la coordination intergouvernementale dans notre pays et avec d’autres agences maritimes. »