PERSONNEL D’ADF
Les petits pêcheurs de la côte Est de Madagascar sont troublés par la présence croissante des chalutiers de pêche chinois dans les eaux territoriales de cette nation insulaire.
Au cours des dernières années, il est probable qu’au moins quatorze vaisseaux industriels chinois ont pêché dans les eaux de Madagascar, selon une analyse conduite par OceanMind, organisation sans but lucratif basée au Royaume-Uni qui se spécialise dans le respect des lois maritimes et la gestion des pêcheries.
Le gouvernement de Madagascar a peut-être autorisé les vaisseaux chinois à pêcher là-bas mais, s’il l’a fait, le processus d’autorisation n’a pas été ouvert au public.
« Le fait que tant de vaisseaux soient actifs dans les eaux territoriales malgaches sans contrat ni permis connu du public est bien sûr inacceptable », déclare Ketakandriana Rafitoson, directrice exécutive de Transparency International – Initiative Madagascar, groupe de la société civile qui surveille étroitement le secteur de la pêche. Elle a été citée dans un rapport sur la pêche industrielle au large des côtes de Madagascar publié par Mongabay, plateforme sans but lucratif d’actualités sur la science environnementale et la conservation qui avait demandé l’étude conduite par OceanMind.
Un grand nombre des quatorze vaisseaux pêchent dans les eaux malgaches depuis 2016 ou 2017, et y reviennent pour de multiples saisons de la pêche au thon, entre octobre et janvier. Trois de ces quatorze navires appartiennent à la Rongcheng Ocean Fishery Co., société chinoise qui est aussi propriétaire du Lu Rong Yuan Yu 956 qui avait été accusé deux fois de pêcher illégalement au Ghana, selon le rapport de Mongabay.
Les données publiées par OceanMind indiquent en outre que 132 vaisseaux battant pavillon chinois naviguaient à faible vitesse dans la zone économique exclusive de Madagascar entre janvier 2019 et mai 2021. Beaucoup d’entre eux avaient éteint leur système d’identification automatique, ce qui fait douter qu’ils aient souhaité la surveillance de leurs activités de pêche.
La Chine régit la flotte de pêche en eau distante la plus grande du monde et ses chalutiers ont l’infâme réputation de pêcher illégalement dans les eaux protégées et d’utiliser un éventail de tactiques illicites pour attraper beaucoup plus de poissons que la limite autorisée.
La Global Initiative Against Transnational Crime [Initiative mondiale contre la criminalité transnationale] classe la Chine comme pire contrevenant au monde de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.
Les stocks de poissons menacés
Alors que la plupart des flottes de pêche étrangères à Madagascar sont européennes ou proviennent d’autres pays asiatiques tels que Taïwan, le Japon ou la Corée du Sud, il est improbable que la présence chinoise améliore les moyens de subsistance des quelque 100.000 pêcheurs artisanaux malgaches et leur famille, en particulier à un moment où les stocks de poissons sont en baisse.
Une étude sur deux ans conduite par Blue Ventures, l’université d’Exeter et la Louvain Cooperation a conclu que treize des vingt espèces couramment pêchées à Madagascar sont surexploitées. L’étude montre que beaucoup de poissons sont attrapés avant d’atteindre leur maturité et de pouvoir se reproduire.
Charlotte Gough, auteur principal de l’étude, a déclaré dans un rapport publié sur blueventures.org : « Nos recherches démontrent le besoin crucial d’une bonne gestion des pêcheries dans cette région. Nous avons constaté que les efforts menés par les communautés sont économiques et efficaces. Mais une bonne gestion nécessite de bonnes données, et celles-ci sont rares à Madagascar et dans la région de l’océan Indien au sens large, où la surveillance des prises à petite échelle est limitée par l’éloignement des nombreux villages de pêche. »
Mme Gough affirme que de telles informations peuvent mieux informer les communautés et les responsables politiques sur les questions concernant la gestion des pêcheries.