Africa Defense Forum

Un projet portuaire menace une communauté historique de pêcheurs ghanéens

PERSONNEL D’ADF

Une femme prie dans les ruines d’une mosquée sur la plage de Jamestown (Ghana).

Près de là, des hommes accablés passent au crible les débris de la communauté historique de pêcheurs, en cherchant tout ce qu’ils pourraient récupérer de leurs foyers et leurs commerces.

Une école est rasée, un terrain de jeu est détruit et la zone où les habitants locaux allaient jouer au foot sur la plage est couverte de décombres.

Depuis des années, les leaders ghanéens promettent de revitaliser la communauté de pêcheurs iconique d’Accra, attraction touristique populaire où les résidents rament leur canoë dans le golfe de Guinée pour attraper les poissons qui sont fumés sur la plage et vendus localement. Les responsables ont obtenu une subvention de 60 millions de dollars de la Chine pour construire le nouveau port, mais beaucoup de résidents déclarent qu’ils ont reçu un très court préavis avant que les bulldozers ne viennent raser les lieux.

« J’ai quatre enfants et nous vivons ici avec mon époux », déclare une résidente locale appelée Adoko à l’Agence France-Presse (AFP). « Maintenant qu’ils ont démoli notre immeuble, s’il pleut je dois aller dans la chambre de quelqu’un d’autre et ils ne peuvent pas me demander de partir. Pourquoi viennent-ils démolir cet endroit lorsqu’ils ne sont pas prêts à le développer ? Maintenant, nous dormons tous dans une même salle. »

Lorsqu’il sera achevé dans trois ans environ, le port aura une nouvelle école, des bureaux, un marché, des chambres froides et des usines de transformation du poisson. Le projet s’inscrit dans le cadre des efforts du gouvernement pour améliorer les sites d’accostage clés, mais certains pêcheurs locaux craignent que leurs moyens de subsistance ne soient compromis. Jamestown est une communauté qui remonte à la fin du seizième siècle, qui s’était développée autour du Fort James anglais. Environ 100.000 pêcheurs artisanaux travaillent dans les villages côtiers du Ghana.

« J’ai besoin d’un travail ici », déclare un résident local appelé Ismaila à l’AFP. « Les jeunes d’ici ont besoin d’emplois. Il faut s’efforcer de leur donner une formation. Si vous ne le faites pas, savez-vous ce qui va se passer à la fin de ce projet ? Les Chinois vont amener leurs employés pour vivre et travailler ici. Où est donc l’avantage ? »

Ses inquiétudes sont justifiées.

Cela fait des années que la Chine développe ses flottilles de pêche longue distance en Afrique de l’Ouest. Elles suivent souvent les pratiques de la pêche illicite, non déclarée ou non réglementée, qui privent les habitants locaux de leur nourriture et leurs revenus en décimant les stocks de poissons.

Steve Trent, directeur exécutif de l’Environmental Justice Foundation, déclare dans un e-mail envoyé à ADF que les chalutiers industriels appartenant à la Chine utilisent au Ghana des filets à mailles sous-dimensionnées et des « embarcations de chalut en eaux intermédiaires pour cibler illégalement les petites espèces pélagiques [telles que la sardinelle] réservées aux pêcheurs artisanaux ». Il ajoute que les stocks de sardinelle ont diminué d’environ 80 % au Ghana au cours des vingt dernières années.

« Une grande partie de ces poissons, dont la majorité [sont] des juvéniles qui sont nécessaires pour restaurer les pêcheries, sont transférés illégalement en mer dans des canoës aménagés à cet effet selon le commerce illégal appelé localement “saiko”, déclare M. Trent. Ces canoës “saiko” transportent les poissons à terre pour les revendre aux communautés locales en faisant des bénéfices. Cette pratique provoque l’effondrement de la pêche des petites espèces pélagiques dont plus de 2,7 millions de Ghanéens dépendent pour leur subsistance. »

  1. Trent déclare que les chalutiers industriels au Ghana devraient seulement cibler les espèces de fond qu’ils sont autorisés à pêcher, par exemple les poulpes. Les espèces de grande valeur sont souvent exportées du Ghana en Chine et sur les marchés européens.
  2. Trent déclare que le nombre croissant de navires chinois pêchant dans le golfe de Guinée pourrait avoir un « impact hautement nuisible sur l’environnement marin, les pêcheries et les emplois locaux », s’ils ne respectent pas la réglementation locale et « n’assurent pas une transparence complète de leurs opérations ».

« La flottille chinoise en eaux distantes attrape déjà jusqu’à 50 % de sa prise mondiale totale dans les eaux d’Afrique de l’Ouest, et ces efforts de pêche doivent être contrôlés efficacement », ajoute-t-il.

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