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En Libye, les forces en retraite laissent des mines terrestres derrière elles

Personnel d’ADF

En faisant retraite depuis la périphérie Sud de Tripoli, les miliciens sous l’autorité du commandant Khalifa Haftar ont laissé derrière eux une ombre de mort sous forme de mines terrestres.

Pendant leur avancée, les troupes de l’armée du gouvernement Fayez el-Sarraj (GNA) de Libye, reconnu par les Nations unies, ont découvert des munitions piégées à l’affût des résidents qui rentraient chez eux dans les quartiers Ain Zara et Salah al-Din de Tripoli. Les mines antipersonnel étaient placées dans des lieux où les civils auraient pu espérer d’être en sécurité.

« Les maisons et les rues résidentielles, les jouets des enfants et les zones de jeu étaient piégées », a déclaré récemment le brigadier Ahmed Bayou du GNA à Al Jazeera, au milieu des décombres d’un quartier de Tripoli. « Ceci prouve que ce sont les résidents qui sont ciblés par ces mines terrestres lorsqu’ils rentrent chez eux. Lorsqu’une mine est placée dans un jouet, qui donc est la cible ? Le but est de tuer les enfants et les résidents. »

En date du début juillet, les mines avaient tué des douzaines de personnes et blessé des douzaines d’autres. Ceci inclut les soldats turcs alliés au GNA qui avaient été recrutés pour désactiver et éliminer ces dispositifs meurtriers. Chaque mort est potentiellement un crime de guerre, selon le droit international.

Les reportages du gouvernement et des médias suggèrent que les forces du général Haftar posent des mines avec le soutien du Groupe Wagner, société de mercenaires russes soutenue par le Kremlin. Muhammed Barghuth, résident de Tripoli, a déclaré à Al Jazeera qu’il avait découvert au moment de rentrer chez lui que sa maison avait été utilisée comme poste opérationnel par les Russes.

« Nous avons trouvé des articles russes, notamment du papier à lettre militaire et des munitions, partout dans la maison », déclare M. Barghuth.

La lutte pour le contrôle de la Libye fait rage depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011. Le combat continu a divisé le pays entre les forces du GNA basé dans la capitale de Tripoli et soutenu par la Turquie et le Qatar, et celle de la Chambre des représentants basée dans la ville orientale de Tobrouk et soutenue par l’Égypte, la Jordanie, la Russie et les Émirats arabes unis.

Les forces armées arabes libyennes (LAAF) du général Haftar, constituées d’un mélange de soldats et de miliciens, affirment occuper l’Est et le Sud de la Libye, y compris une grande partie des ressources pétrolières du pays. Les LAAF ont passé plus d’un an à essayer de prendre d’assaut Tripoli avant d’être repoussées par le GNA soutenu par les forces turques. C’est à la suite de leur retraite que des mines terrestres ont commencé à apparaître, souvent connectées à des fils pièges pour augmenter au maximum les dommages contre les civils.

Dans le cadre de la révolution qui avait renversé le colonel Kadhafi, le général Haftar avait promis que ses forces n’utiliseraient pas les mines terrestres parce qu’elles tuaient sans discernement, selon Libya Herald.

Aujourd’hui, la menace des mines terrestres et autres munitions non explosées a augmenté en Libye, selon Bob Seddon, responsable de l’atténuation des menaces auprès du Service d’action anti-mines des Nations unies en Libye.

L’ONU estime que la Libye contient 20 millions de munitions non explosées qui parsèment son territoire, dont une grande partie provient des quelques 200.000 tonnes d’armes négligées après la chute du colonel Kadhafi, selon la déclaration de M. Seddon au service d’actualités de l’ONU.

À la fin mai, les forces du GNA ont publié des photos sur Twitter montrant des soldats en train de désarmer des mines à Sidra, Salah al-Din, Al-Khalleh, Ain Zara et Wadi Al-Rabi. Le groupe médiatique Eye of Libya a aussi publié sur Twitter des vidéos montrant des soldats qui exhibaient plusieurs types de mines et autres explosifs abandonnés par les forces du général Haftar, y compris des articles qu’ils ne pouvaient pas identifier. Le Libya Herald indique que les mines laissées par les forces du général Haftar sont des POM-2, des PMN-2 et des MON-50 de fabrication soviétique ou russe, que l’on n’avait pas vues en Libye auparavant.

Malgré le risque de déclencher ces mines cachées, les civils rentrent dans leur quartier pour examiner leur foyer et commencer à reconstruire. Wael Gagigni est rentré chez lui mais découvrit qu’une mine terrestre avait été posée dans la cour de sa maison. Elle a été enlevée par des experts du déminage mais il se demande bien comment il pourra reprendre une vie normale.

« Il faudra beaucoup de temps pour résoudre cela », déclare M. Gagigni à Al Jazeera. « Je ne sais pas si nous pourrons retourner. Que Dieu nous donne de la patience. »

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