L’ARMÉE NATIONALE A JOUÉ UN RÔLE CLÉ POUR ENRAYER L’ÉPIDÉMIE ET ORGANISER LES RESSOURCES DU PAYS
GÉNÉRAL DE BRIGADE DANIEL ZIANKAHN
CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES FORCES ARMÉES DU LIBERIA
COMMANDANT SCOTT POLASEK
CHEF DE BUREAU AFRIQUE DE L’OUEST/DIRECTION DE LA COOPÉRATION POUR LA SÉCURITÉ/ARMÉE AMÉRICAINE
Le Liberia est encore sous le coup de la perte de plus de 4.000 citoyens à cause de l’épidémie d’Ebola. La flambée épidémique de 2014 a dévasté les communautés et a changé le pays pour toujours.
Les Forces armées du Liberia (AFL) ont joué un rôle de soutien majeur dans le confinement de l’épidémie. Les AFL ont tiré de nombreux enseignements qui peuvent éclairer les interventions militaires futures, non seulement pour les flambées du virus Ebola, mais également pour d’autres crises à la prise en charge desquelles l’armée ne participe traditionnellement pas.
Malheureusement, au printemps 2014, les gouvernements et les experts internationaux n’ont pas prévu la tragédie qui allait frapper le Liberia. Ils pensaient que l’épidémie suivrait les modèles épidémiologiques historiques du virus Ebola et qu’elle serait circonscrite en quelques semaines. Ces attentes ont été vite anéanties, car cela a été la première fois que le virus Ebola s’est propagé dans plusieurs pays en frappant les centres urbains.
Le nombre de cas a régulièrement augmenté au début de l’été 2014. Initialement la flambée était circonscrite au nord du Liberia. Il y a eu 12 cas en mai et 51 cas en juin. La zone d’infection s’est étendue en juillet, et vers la fin du mois, il y avait 329 cas.
Le nombre des cas a explosé en août. Vers la fin du mois, il y avait 1.378 cas d’Ebola au Liberia, une augmentation de 319 pour cent par rapport à la fin juillet. Le virus Ebola s’est propagé dans la plupart des comtés et centres urbains majeurs du Liberia. Plus inquiétant encore, les experts de la maladie estimaient que sans intervention, il pouvait y avoir plus de 100.000 cas d’Ebola au Liberia d’ici la fin janvier 2015.
La gravité de la flambée a conduit la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf à déclarer l’état d’urgence. Malheureusement, aucun plan d’urgence adéquat n’existait pour une épidémie du virus Ebola de cette ampleur. Le problème était aggravé par l’absence de compréhension par les Libériens des flambées de maladies infectieuses. La plupart des Libériens ne comprenaient pas ce qu’était la nature d’Ebola ni son mode de transmission. Certains ne croyaient même pas que c’était réel.
Ce manque de compréhension n’était pas limité à la population civile. Par exemple, les hôpitaux sont devenus des lieux de prédilection pour l’infection à cause du caractère inadéquat des protocoles de prévention pratiqués par les médecins, infirmières et infirmiers. Vers la fin août, la situation était sombre, la réponse était confuse et les Libériens avaient peur.
Malgré tout, avec septembre est venu l’espoir. Le gouvernement du Liberia, avec l’assistance technique de l’Organisation mondiale de la Santé, a ouvert une unité de traitement de 120 lits, et les États-Unis ont déployé 3.000 militaires dans le pays.
Cette déclaration de soutien de la part de la communauté internationale a donné du courage aux Libériens, leur a montré la voie à suivre et a apporté une dynamique positive dont ils avaient tant besoin.
En quelques jours, les États-Unis ont rejoint l’UA et d’autres organisations et ont commencé à mener des opérations combinées avec les AFL. Au cours des trois semaines qui ont suivi, les AFL ont élaboré un plan visant à construire, entretenir et doter en personnel 17 centres de traitement pour les victimes du virus Ebola. Elles ont établi des laboratoires mobiles supplémentaires pour traiter les échantillons de sang des victimes présumées d’Ebola. Pour traiter le problème du taux élevé d’infection des travailleurs de la santé, elles ont commencé à les former aux modalités de traitement des patients infectés par le virus Ebola. Les AFL et le personnel militaire des États-Unis ont commencé à construire un centre de traitement ultramoderne pour les travailleurs de la santé afin d’encourager les experts internationaux à venir au Liberia.
Ce qui s’est produit est encore plus important que ce qu’ils ont fait en septembre : les militaires sont devenus une équipe. Divers gouvernements, organisations et armées ont défini un but commun. Cette équipe a entrepris de réduire l’augmentation des nouveaux cas enregistrés chaque jour. Une telle diminution était cruciale pour éviter que se produise le scénario catastrophe.
Le travail qui a véritablement commencé en septembre a commencé à porter ses fruits en octobre. Les centres de traitement d’Ebola sont devenus opérationnels dans les zones les plus touchées. Ces centres ont créé un pare-feu qui a permis de circonscrire la flambée épidémique aux communautés affectées. Les laboratoires de dépistage supplémentaires ont permis d’accélérer le traitement des échantillons de sang des patients suspectés d’avoir contracté le virus Ebola, de trois jours à deux ou trois heures, a rapporté USA Today. Le gouvernement du Liberia a développé une stratégie de communication efficace qui a expliqué à la population la nature d’Ebola et son mode de transmission et a indiqué les endroits où elle pouvait recevoir un traitement. Ces initiatives ont réduit le nombre de nouveaux cas.
Les opérations de confinement du virus Ebola sont passées de la phase défensive à une phase offensive en novembre et en décembre. Avec l’assistance de partenaires internationaux, les AFL ont achevé la construction de la majorité des centres de soins de santé ainsi que la formation des travailleurs de la santé. L’équipe a développé de nouvelles méthodes pour identifier les patients potentiels et effectuer le dépistage du virus Ebola dans l’un des laboratoires mobiles, et aussi pour placer les patients dont le cas a été confirmé dans des centres de traitement en quelques heures. Résultat encore plus important, les Libériens ont compris la nature d’Ebola, les facteurs menant à sa transmission et l’importance de chercher à se faire traiter dans les plus brefs délais.
Ces initiatives ont abouti à une diminution de 60 pour cent des nouveaux cas par jour dans la semaine du Nouvel An, par rapport aux pics constatés en août. L’épidémie d’Ebola au Liberia en 2014 aurait pu être considérablement pire s’il n’y avait pas eu le soutien de la communauté internationale. Grâce à ce soutien, les AFL ont joué un rôle clé dans la réduction de la menace d’Ebola au Liberia.
ENSEIGNEMENTS TIRÉS
De nombreux enseignements ont été tirés de l’épidémie d’Ebola de 2014. Voici les quatre enseignements majeurs pour les AFL.
Développer les partenariats : les relations ont été la clé de la réussite du confinement du virus Ebola. Par exemple, les solides partenariats que les AFL ont établis avec les responsables politiques, militaires et du corps médical américains datent d’avant l’épidémie et ont permis de mettre en place le soutien financier, la formation médicale technique et l’appui logistique militaire. Les problèmes complexes, tels que la flambée du virus Ebola, ne sont résolus que lorsque les armées collaborent avec des organisations qui ont des domaines d’expertise et des cultures très différentes.
Soutien aux autorités civiles : les armées n’ont pas l’habitude d’agir dans un rôle subordonné à d’autres organismes gouvernementaux et organisations civiles. La plupart des organisations impliquées dans cette opération n’avaient pas en place les processus définis de prise de décision auxquels les armées sont accoutumées. Toutefois, à aucun moment les AFL n’ont désiré jouer un rôle officiel de leadership. Au lieu de cela, les militaires ont mis à contribution leur influence et leur rôle mobilisateur à travers leur aptitude à planifier, synchroniser et exécuter de manière professionnelle des opérations complexes à grande échelle. C’est la meilleure manière de soutenir les dirigeants civils lors d’une crise nationale éprouvante telle que l’épidémie d’Ebola. La préoccupation principale de l’armée doit être de défendre la nation, ses valeurs et de soutenir les dirigeants civils.
Définir un objectif final et en convenir : la clé du confinement du virus Ebola a été de mettre en place une équipe recherchant la même issue, à savoir mettre un coup d’arrêt à la propagation du virus Ebola. Cet objectif a surmonté toutes les rivalités bureaucratiques en mettant en adéquation les organisations et les ressources nécessaires à l’achèvement de la mission. Des armées professionnelles doivent montrer l’exemple à suivre à leurs homologues de la société civile ou du gouvernement.
La prévention est ici le facteur déterminant : l’adage selon lequel « mieux vaut prévenir que guérir » résume l’importance de la préparation. Il est crucial pour les AFL et les autres armées de la région de ne pas oublier les connaissances qu’elles ont acquises et les meilleures pratiques qu’elles ont identifiées à partir de l’expérience difficile de la flambée d’Ebola. Pour être mieux préparées à de futures flambées, les armées doivent développer un plan de réponse aux épidémies et effectuer des exercices simulant cette réponse. L’armée peut également jouer un rôle dans les actions éducatives publiques en cours afin de promouvoir des pratiques hygiéniques et d’informer les soldats et les civils des origines d’Ebola et d’autres maladies.
L’Organisation mondiale de la Santé a déclaré le Liberia exempt de transmission du virus Ebola le 9 mai 2015. Depuis lors, le Liberia a connu d’autres flambées d’Ebola et il est probable qu’il y en aura de nombreuses autres à l’avenir. Toutefois, ces flambées ont été différentes parce que le Liberia a tiré des enseignements de la première épidémie. Cette fois, les réponses ont été ponctuelles et efficaces. Les AFL ont bon espoir que les armées africaines ont également tiré des enseignements de l’épidémie d’Ebola de 2014 au Liberia.