Au cœur de la Kabylie, dans le nord de l’Algérie, Azro Nethor – le rocher de la prière du zénith –culmine à 1.884 mètres d’altitude, au bout d’un chemin abrupt, dans les monts de l’Atlas.
À son sommet se trouve El-Jammaa Oufella, qui signifie « la mosquée d’en haut ». C’est un petit lieu de prière, dépourvu de tout confort, aux murs blancs creusés de niches, où brûlent des cierges.
Venues de toute la Kabylie et d’Alger, des milliers de personnes convergent vers le sommet, ahanant dans la chaleur écrasante, pour l’accomplissement d’un pèlerinage fondé sur la croyance dans le pouvoir des saints.
Azro Nethor tient son nom d’une légende selon laquelle un vieil homme, qui avait atteint le pic au moment où le soleil se trouvait à son zénith, mourut sur le lieu après avoir dit sa prière. Supposé avoir reçu la bénédiction divine, il n’avait jamais cessé de faire des apparitions dans les villages voisins.
Selon la légende, sa bénédiction a sauvé de la peine de nombreux habitants et a même permis à un plat de couscous de dévaler du haut du mont sans se casser et ni même perdre un seul grain. Depuis, un couscous géant est offert aux visiteurs à chaque pèlerinage. Les pèlerins étanchent leur soif à l’eau d’une source à laquelle on prête des vertus purificatrices.
Au pied de la montagne, des marabouts offrent l’espoir à ceux qui viennent les consulter. Des couples, des jeunes filles, des enfants baissent la tête sous un morceau d’étoffe pour entendre une prière.
« L’année prochaine, tu reviendras ici au bras d’un mari et dans deux ans avec un enfant », promet le marabout à une jeune fille dont le visage s’illumine d’un sourire.
Les femmes sont les plus nombreuses à accomplir l’ascension de ce mont, certaines lançant des appels aux enfants qui ont émigré à l’étranger, convaincues que leur voix traversera les montagnes et la mer Méditerranée.
Les jeunes qui se réunissent en groupe tout près de là ne croient pas en ces histoires. Beaucoup d’entre eux pensent que les pèlerinages actuels ont été, en fait, établis pour y faire des rencontres.
« La légende a été inventée par un féministe avant l’heure, révolté par le sort réservé aux jeunes filles dans ces montagnes », explique l’un d’eux. « Prisonnières dans la demeure paternelle, elles avaient peu de chances de se marier en dehors du cercle de la tribu. Avec la légende, elles pouvaient venir à Azro Nethor, être vues par les hommes des autres villages et accroître ainsi leurs chances de se marier ».
« Aujourd’hui, nous venons aussi en quête d’une jolie rencontre ».