PERSONNEL D’ADF
À la confluence de la Lohale et du fleuve Congo au cœur de la République démocratique du Congo (RDC) se trouve la localité de Basoko, dont les résidents ressentent les effets des liens croissants entre leur pays et les opérations minières chinoises.
Le pêcheur Michel Basosila vendait autrefois du poisson fumé dans la ville portuaire de Kisangani située en amont. Aujourd’hui, il vend du foufou de manioc.
Il déclare au Global Press Journal : « C’est devenu ma seule source de revenu. Aujourd’hui, je vends du foufou de manioc parce que le poisson est devenu trop rare et trop cher et je ne fais pas de bénéfice. »
Au cours des dix dernières années, la Chine a dramatiquement intensifié sa présence en RDC, source principale de cobalt et autres métaux utilisés dans les smartphones, les véhicules électriques et d’autres produits qui emploient des batteries rechargeables. Ce faisant, la Chine a aussi promis un plus grand soutien aux forces armées de la RDC afin de protéger ses investissements dans le pays contre les mineurs illégaux et les manifestations des habitants.
La RDC produit 71 % du cobalt mondial. Les sociétés chinoises sont propriétaires de 15 des 19 mines qui l’extraient. Environ 80 % du cobalt de la RDC est expédié en Chine pour sa transformation.
L’expansion chinoise en RDC a posé les jalons de la corruption gouvernementale et des conflits croissants entre les opérateurs des mines et les habitants des régions où ils sont actifs.
« L’un des plus gros marchés dans l’histoire de la République démocratique du Congo est aussi l’un des plus sales », déclare J.R. Mailey, directeur des investigations chez l’organisation des enquêtes et des politiques The Sentry, dans « The Backchannel », rapport sur les opérations minières chinoises en RDC.
Tout en extrayant le minerai de la RDC à hauteur de plusieurs milliards de dollars, les sociétés chinoises ont aussi injecté jusqu’à 55 millions dans la poche de Joseph Kabila, le président de la RDC à l’époque, par l’intermédiaire d’une banque gabonaise appartenant à son frère, selon The Sentry.
Dans leur rapport, les analystes écrivent : « Autrement dit, un investissement générationnel dans le potentiel de la RDC, dans le but d’aider à guérir les blessures de dizaines d’années d’incompétence et de guerres successives, a servi en fait à atteindre un autre but beaucoup trop fréquent dans les économies mondiales axées sur les ressources : remplir les poches des puissants avec les richesses enterrées sous les pieds de la population pauvre. »
À mesure qu’elle s’est étendue en RDC, la Chine a fourni une formation aux forces armées du pays et s’est engagée à fournir encore plus. L’offre d’assistance militaire chinoise à la RDC est faite à un moment où les habitants deviennent de plus en plus frustrés par le comportement des sociétés minières chinoises.
En 2019, l’armée a déployé des soldats pour empêcher les mineurs illégaux de s’approcher de la mine Tenke Fungurume détenue par China Molybdenum Ltd. À l’époque, un porte-parole de l’armée avait déclaré que le déploiement avait été ordonné « parce que la société contribue à l’économie de ce pays ».
Les groupes de défense des droits de l’homme déclarent que de tels déploiements courent le risque de provoquer des violations des droits de l’homme et de mécontenter davantage les habitants qui, comme ceux de Basoko, constatent déjà que leurs moyens de subsistance et leur santé sont menacés par les mines.
Une étude de 2021 par les chercheurs congolais Jean de Dieu Mangambu Mokoso, Norbert Asimbo Bondoo et Robert Ekele M’Benga soutient que les plans visant à ouvrir de nouvelles opérations minières le long de la Lohale vont provoquer un accroissement de la pollution de l’air, de la déforestation et des inondations.
Le gouvernement de Félix Tshisekedi, président en exercice, a fait des progrès vers la transparence dans le secteur des mines mais il doit faire plus pour publier les contrats et les revenus, selon l’organisme anti-corruption Initiative pour la transparence dans les industries extractives.
En février, le gouvernement a déclaré avoir désigné un administrateur spécial pour gérer pendant six mois une mine appartenant à la Chine à cause d’une dispute avec le propriétaire minoritaire de la mine. En juin, les opérateurs de la mine ont déclaré que rien n’avait changé.
La Chine continue à accroître son soutien à l’armée de RDC. Ceci permet à la Chine de sécuriser les expéditions ininterrompues de cobalt, de cuivre et d’autres minerais de grande valeur, et aussi de développer des relations avec les chefs militaires de la RDC, à l’exclusion potentielle des autres pays, selon l’article de Robert Bociaga dans The Diplomat.
Alors qu’un petit nombre de chefs militaires et civils sélectionnés peuvent bénéficier de leurs relations avec les sociétés minières chinoises, les gens vivant sur les berges de la Lohale et d’autres rivières en subissent les répercussions.
Le pêcheur Charles Baima déclare au Global Press Journal : « Cette rivière est une source de revenu pour ma famille et pour moi, mais depuis deux années je ne peux pas pêcher. La vie est devenue trop dure pour moi. »