Les Sud-Africains combattent une « infodémie » virale
PERSONNEL D’ADF
Sarah Downs s’est précipitée sur sa page de Facebook lorsque le gouvernement d’Afrique du Sud annonça qu’il poursuivrait sa campagne de vaccination contre le Covid-19 à la fin avril, après une pause de deux semaines.
« Bonnes nouvelles, a-t-elle affiché. Assurez-vous d’être inscrit. En cas d’inquiétudes, demandez. »
Mme Downs, près de Johannesbourg, est une scientifique qui va bientôt achever son doctorat en maladies respiratoires infectieuses.
Elle a trente-neuf ans et n’a pas beaucoup de temps pour feuilleter les réseaux sociaux, mais c’est là que vous la trouverez, elle et une petite armée de volontaires luttant contre la désinformation du Covid-19, répondant diligemment aux questions et démystifiant les conspirations tout en promouvant la science et l’éducation médiatique.
« À peu près chaque jour, je reçois un message d’une amie ou je suis attirée dans une conversation à son sujet [la désinformation] », a-t-elle déclarée à ADF.
Mme Downs a été invitée à rejoindre un groupe privé de Facebook appelé « Pro-Vaccination Afrique du Sud », lorsque la désinformation au sujet d’un vaccin contre la rougeole se multipliait. Elle a commencé à fournir des réponses éclairées et justifiées à la communauté, qui s’élève aujourd’hui à 7.000 utilisateurs.
« L’un des administrateurs m’a demandé de rejoindre l’équipe d’admin. : trois infirmières, trois médecins, un pharmacien, une mère et deux scientifiques, dit-elle. L’administrateur principal a suscité ma passion pour affronter la désinformation. La plupart d’entre nous sommes devenus de bons amis, bien que nous ne nous soyons jamais rencontrés, et nous avons développé un système de soutien. »
« Il y a en général trois à six affichages par jour, en général par des mères qui posent des questions sur les vaccins. Le Covid-19 a définitivement multiplié la désinformation. »
Parmi les près de 60 millions d’habitants d’Afrique du Sud, on estime que 20.000 sont actifs sur les pages anti-vaccination de Facebook, selon le professeur Hannelie Meyer, pharmacienne et conseillère au Centre des vaccins et de l’immunisation d’Afrique du Sud.
« La pause dans le déploiement du vaccin du Covid-19 démontre que la surveillance de la sécurité du vaccin fonctionne extrêmement bien. Dans un monde parfait, cela augmenterait la confiance du public dans la vaccination », déclare le professeur Meyer sur le site sud-africain d’actualités News24. « Toutefois, nous ne vivons pas dans un monde parfait et la pause peut donc être potentiellement dangereuse pour la confiance générale dans le vaccin. De ce fait, l’hésitation concernant le vaccin augmente. »
Ayant provoqué plus de 1,5 million de cas positifs de Covid-19 et plus de 54.000 décès, la pandémie a frappé l’Afrique du Sud beaucoup plus fort que tout autre pays du continent.
Mme Downs et d’autres experts anonymes se portent volontaires pour réfuter la désinformation virale, appelée aussi « infodémie ». Elle a observé le mouvement anti-vaccin qui s’est développé en ligne au cours des années, mais qui est passé aux affirmations sur le Covid-19 en 2020.
En juillet 2020, certaines des conspirations les plus folles ont atteint le foyer de Mme Downs lorsque le groupe de prière de sa mère a partagé une vidéo anti-vaccin.
« Ce sont des gens que je connais et ils font surtout partie de groupes plus vulnérables, dit-elle. La vidéo déclare que les gens qui reçoivent le vaccin à acide ribonucléique messager (ARNm) ne seront plus humains et pourront être contrôlés par Wi-Fi comme une maison intelligente. »
« J’ai vraiment horreur qu’on fasse peur aux gens comme cela. »
Mme Downs a disséqué la vidéo point par point dans un article de Facebook de plus de 4.000 mots avec une liste de liens en fin d’article. Il a été transmis plusieurs centaines de fois.
« J’ai pu aider quelques personnes qui avaient vraiment été dupées, dit-elle. Dans le groupe, collectivement, nous avons fait la même chose. »
Le ministère de la Santé d’Afrique du Sud a récemment lancé une campagne publicitaire pour réfuter les mythes du Covid-19. Mais la désinformation conduit directement à l’hésitation au sujet des vaccins, et cela est particulièrement difficile à combattre lorsqu’il s’agit de sources officielles.
En décembre 2020, le juge en chef Mogoeng d’Afrique du Sud a déclaré lors d’un événement public dans une prière que « tout vaccin provenant du diable… soit détruit par le feu », remarque qu’il a refusé de rétracter malgré de fortes critiques.
En janvier 2021, un conseiller de la ville de Durban, sur la côte Est, est apparu sur les manchettes des journaux avec des affirmations selon lesquelles ce n’était pas le Covid-19 qui rendait les gens malades, c’était les tours de téléphone cellulaire 5G. Il a aussi dit que les Blancs de certaines régions de sa province avaient été vaccinés cinq mois plus tôt.
« La désinformation se propage très rapidement, surtout sur les réseaux sociaux, déclare le professeur Meyer. [Ceci] provoque l’hésitation concernant les vaccins et le refus de se faire vacciner pour les gens qui ne vérifient pas les informations et partagent sans discrimination ces informations sur leurs propres réseaux. »
Ceci pourrait potentiellement avoir un impact dévastateur sur la santé publique. »
Heureusement, les experts comme Mme Downs œuvrent sans cesse pour contrer la désinformation avec la science, l’opinion des experts et les faits.
« Je fais partie d’un groupe nombreux, déclare-t-elle. Plus les gens le font au niveau local, plus les gens ont confiance dans le réseau. »
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