PERSONNEL D’ADF
Alors que la Zambie traverse la pandémie actuelle de Covid-19, la combinaison de l’augmentation des paiements de dette à la Chine, de la baisse des ventes de cuivre et de l’accroissement des exigences concernant le virus a créé une crise économique qui menace d’accabler financièrement le pays.
Et la Zambie fait face à un problème additionnel alors qu’elle cherche une bouée de sauvetage financière : les créanciers pensent qu’il serait trop risqué de lui accorder d’autres prêts.
« En plus des paiements en retard du fait de la crise de liquidité en monnaie forte, le profil de crédit de la Zambie est sali par les allégations de pot-de-vin, les détournements de fonds et les mauvais résultats d’audit concernant les prêts liés aux projets », déclare Irmgard Erasmus, économiste financier principal chez NKC African Economics, à ADF.
Le groupe de M. Erasmus classe les pays africains sur une échelle de 0 à 10 concernant leur « espace fiscal », c’est-à-dire la façon dont ils peuvent fournir leur propre stimulus économique pendant une récession. Le niveau 0 signifie que le pays doit dépendre de ressources externes. La Zambie est au niveau 1.
La mauvaise discipline fiscale de la Zambie rend difficile l’obtention des prêts nécessités par son secteur minier pour fonctionner, ce qui affaiblit encore plus la santé économique de la Zambie, selon M. Erasmus.
Un manque de transparence rend difficile l’évaluation précise de la dette zambienne à l’égard de la Chine. Trevor Hambayi, économiste chez l’organisation non gouvernementale Development Finance Associates à Lusaka, estime que les dettes chinoises représentent environ la moitié de la dette zambienne de 11,2 milliards de dollars. Il déclare que près de la moitié du budget national de la Zambie sert à rembourser la dette.
En outre, la dette zambienne à l’endroit de la Chine est liée à une infrastructure clé, notamment le réseau électrique du pays, ce qui signifie que son non-paiement pourrait remettre ces biens entre les mains des Chinois et créer une crise liée à la souveraineté nationale.
Lors d’une discussion téléphonique récente avec le président chinois Xi Jinping, le président zambien Edgar Lungu a demandé aux autorités chinoises d’annuler une portion des dettes de son pays. Selon la plupart des estimations, la Chine est la première source de financement de la Zambie lorsqu’on combine les agences publiques et les entreprises privées.
Dans sa réponse, l’ambassadeur de Chine en Zambie Li Jie a déclaré que la Chine envisagerait d’annuler le remboursement des intérêts sur les prêts gouvernementaux arrivant à échéance avant la fin de cette année, et de prolonger le calendrier de remboursement de certains autres prêts, mesures qui seraient peu utiles pour réduire la pression financière liée aux milliards de dollars de prêts commerciaux et autres que la Zambie doit rembourser.
« La Chine considérera en principe les demandes individuelles des pays concernant les allègements des dettes sous forme de report, annulation des intérêts ou restructuration des dettes, mais elle profitera de sa position pour assurer sa situation géoéconomique stratégique à long terme, déclare M. Hambayi à ADF. Avec la Chine, le fait est que les accords ne seront jamais divulgués publiquement. »
Puisque les nations de toute l’Afrique assument une dette de plus en plus forte à l’égard de la Chine, la Zambie sert de leçon pour ce qu’ils pourraient affronter dans l’ère du Covid-19, lorsque la chute des revenus de l’état se heurte aux demandes de remboursement des prêts chinois. Jusqu’à présent, la Chine a négocié sur une base individuelle avec les pays africains pour ajuster les conditions de prêt, dans un processus qui pourrait prendre plusieurs années.
Étant donné sa situation financière précaire, la Zambie ne dispose pas de plusieurs années pour renégocier ses dettes, selon M. Erasmus.
L’agence Fitch Ratings, organisme international qui détermine la solvabilité des gouvernements et des agences publiques, donne à la Zambie la note « CC », ce qui signifie « des niveaux très élevés de risque de crédit ; certains défauts de remboursement semblent probables ».
Dans un rapport récent examinant le désir chinois d’offrir un allègement des dettes aux pays africains, la Zambie a reçu la classification la plus haute concernant le risque de défaut de remboursement, parmi huit pays africains ayant de lourdes dettes à l’égard de la Chine. Dans son rapport, Fitch a noté que l’allègement des dettes à court terme peut donner aux pays une certaine marge de manœuvre dans une crise, mais une autre question se pose alors : la « viabilité de la dette », qui détermine si une nation peut soutenir ses dettes à long terme.
« La relation future sera définie par deux facteurs clés, déclare M. Hambayi à ADF. Premièrement, le pays est prêt à conduire ses élections générales au troisième trimestre 2021, ce qui déterminera la stratégie économique que le pays suivra pour se rétablir potentiellement de la forte récession causée par le Covid-19. Et deuxièmement, le point auquel la Chine abandonnera sa poursuite de mainmise de l’infrastructure financée. Ce sera une finale éco-politique qui sera jouée. »
La lutte pour continuer à rembourser une grosse dette face à une baisse des revenus conduira inévitablement à des mesures d’austérité qui affecteront le plus les Zambiens ordinaires, déclare Rumbidzai Masango de l’Initiative de société ouverte pour l’Afrique australe (OSISA).
« Les dépenses qui sont en général prises pour cibles sont celles du secteur de la santé publique et de l’éducation, qui sont pour nous des secteurs socioéconomiques cruciaux qui adressent les besoins de base des citoyens ordinaires », a déclaré M Masango dans une interview lors de la conférence de l’OSISA sur les dettes régionales en 2019.
Les antécédents douteux et le manque de transparence de la Zambie l’ont empêchée de se qualifier pour un sauvetage financier par le Fonds monétaire international. De ce fait, il est probable que la Zambie sollicitera de nouveau la Chine pour une assistance supplémentaire dans le but de sécuriser son avenir financier, déclare M. Erasmus.
« Le recours de la Zambie à un modèle de croissance alimenté par les dettes persistera, enraciné par une nécessité urgente de combler une grande lacune d’infrastructure, déclare M. Erasmus. Des liens imposés par l’accumulation des dettes seront donc requis pour réparer les fissures laissées par la pandémie, bien qu’ils s‘accompagnent de contraintes provenant des antécédents de crédit défectueux. »
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