Les ébénistes de Dongyang, ville de l’Est de la Chine, gagnent des milliards de dollars par an en produisant des meubles onéreux, dont beaucoup sont fabriqués en bois de rose. Alors que les gens riches apprécient les chaises et les tables précieuses, les communautés africaines en paient le prix fort sous forme de destruction écologique.
Sur le continent, la recherche des ressources naturelles (depuis le cobalt et l’or jusqu’au caoutchouc et au bois de rose) par la Chine a provoqué le déplacement des communautés, la déforestation du paysage et la dévastation des moyens de subsistance.
« L’infrastructure chinoise et ses projets d’extraction minière ont mis à découvert des zones forestières et de conservation jadis immaculées, fragmenté les habitats et affaibli l’intégrité écologique des paysages critiques », a écrit une équipe de chercheurs dirigée par Ebagnerin Jérôme Tondoh, expert en écologie et gestion durable des terres à l’université Nangui Abrogoua de Côte d’Ivoire, dans une étude récente publiée par l’Atlantic Council.
Les routes d’accès aux mines traversent fréquemment des forêts immaculées, en les mettant à la disposition des bûcherons ou des plantations de riz et d’arbres à caoutchouc. L’emploi de machines lourdes dans les petites mines endommage gravement les bassins versants et les écosystèmes. Au Cameroun, une énorme plantation chinoise de caoutchouc a chassé les résidents de leur foyer et menace l’intégrité d’une réserve naturelle identifiée par l’Unesco.
Ce sont les forêts tropicales d’Afrique occidentale et centrale qui ont subi beaucoup de dommages parmi les plus flagrants. La faiblesse de la réglementation et la corruption croissante qui y sévissent aident les sociétés chinoises à exploiter les vides juridiques ou contourner les interdictions d’exportation et les accords internationaux conçus pour protéger les ressources naturelles et les résidents de la région.
Le bois de rose est devenu le symbole de l’impact écologique de la Chine sur les pays africains. Le bois est très apprécié en Chine, où les meubles en bois de rose sont un symbole de prestige important. En 1998, le gouvernement chinois a limité les récoltes locales lorsque les arbres de bois de rose du pays étaient proches de l’extinction.
La demande chinoise pour le bois de rose en fait le produit illégal d’habitat sauvage le plus trafiqué dans le monde. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont expédié vers la Chine une quantité de bois de rose d’une valeur supérieure à 2 milliards de dollars entre 2017 et 2022, selon l’Environmental Information Agency.
Des études estiment que 70 % des arbres de bois de rose abattus au Ghana sont illégaux, 65 % le sont au Cameroun et 56 % au Nigeria.
La Gambie, qui a épuisé ses propres forêts locales de bois de rose et a interdit les exportations en 2022, expédie du bois de rose en Chine chaque année à hauteur de plusieurs millions de dollars. Le bois est passé en contrebande dans le pays depuis le Sud du Sénégal, où les ventes illicites soutiennent les groupes rebelles. Ce faisant, le bois est mal identifié intentionnellement ou dissimulé parmi d’autres produits forestiers, puis il est plus tard recensé sur les listes chinoises d’importation.
Le commerce illicite du bois de rose provoque seulement une partie des dommages écologiques de la Chine dans sa poursuite des ressources naturelles :
- En Zambie, l’effondrement d’un barrage en février dernier dans la mine de cuivre de Sino-Metals Leach Zambia gérée par la Chine a provoqué le déversement de 50 millions de litres de produits toxiques dans le Kafue, en tuant les poissons, détruisant les récoltes et menaçant l’alimentation en eau de 60 % de la population du pays.
- Au Liberia, une mine d’or chinoise a empoisonné le fleuve Cavally entre la Côte d’Ivoire et le Liberia en 2023, ce qui a incité les autorités libériennes à fermer la mine et condamner à une amende l’opérateur de la mine, China Union Co. Iron Ore Mines. Le fleuve reste inaccessible aux communautés qui en dépendaient auparavant.
- En République démocratique du Congo, la société chinoise Fodeco a pratiqué l’abattage illégal des arbres dans les savanes boisées de miombo en 2022. L’abattage s’est produit malgré une interdiction de 20 ans imposée aux nouvelles opérations d’abattage. Un conflit avec les résidents locaux concernant les salaires a conduit à faire pourrir au sol une grande quantité de rondins.
Les analystes déclarent que la destruction écologique de la Chine dans les pays africains a des effets qui se propagent à travers la société, en intensifiant en fin de compte les conflits et l’insécurité. C’est ce qu’a écrit une équipe de chercheurs dirigée par Abosede Omowumi Babatunde dans une autre étude publiée par l’Atlantic Council.
« La perte des terres arables pour cultiver les bananes, le riz, les pommes de terre et autres récoltes traditionnelles sape la sécurité alimentaire, incite les tensions sociales et attise les conflits entre les communautés locales et les mineurs chinois, écrit l’équipe de chercheurs. L’impact de ces activités n’est pas seulement écologique ; il est aussi social. »
