La Réserve spéciale Niassa, qui s’étend sur plus de 42.000 km carrés, est la plus grande zone protégée du Mozambique et contient la plus grande population de faune sauvage du pays. Dans une région plus vaste que la Suisse, les éléphants, les buffles, les lycaons et l’une des plus grandes populations mondiales de lions se déplacent en toute liberté.
Il existe d’autres prédateurs dangereux. On sait que l’État islamique au Mozambique (Daech – Mozambique), particulièrement actif dans la province voisine du Cabo Delgado, se retire parfois dans les immenses forêts du parc.
Une série d’attaques récentes dans lesquelles les combattants de Daech ont tué au moins dix personnes a ébranlé la vie de ceux qui résident ou travaillent dans la réserve. Colleen Begg, directrice générale du Niassa Carnivore Project (NCP) dont les bureaux de la réserve furent attaqué le 29 avril, déclare que son équipe et d’autres résidents locaux ont des difficultés pour reprendre une vie quotidienne normale.
Elle déclare au journal britannique The Guardian : « Ce qu’il y a de pire dans ce type d’attaque, c’est le facteur de la peur, et c’est leur raison d’être. Les attaques sont brutales : les deux menuisiers qui ont été tués au camp de safari ont été décapités. Les communautés ont très peur de la brutalité des attaques. »
Près de 2.100 personnes se sont enfuies dans la brousse après une attaque à Mbamba, village de la réserve où on signale que des femmes ont été témoins des décapitations. Selon le NCP, deux de ses gardes forestiers luttant contre le braconnage restent portés disparus.
Peter Bofin, analyste principal du projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data), déclare que la raison des attaques restent toujours incertaine, car Daech n’est plus actif à Niassa depuis 2021.
Il dit au site web de conservation Mongabay : « On a constaté des activités de recrutement dans la province de Niassa auparavant, à petite échelle, et c’est aussi une route vers la Tanzanie. Il existe des connexions solides entre l’insurrection et les réseaux de soutien en Tanzanie, dont certains traversent Niassa. »
« Certaines sources locales ont postulé qu’ils auraient pu chercher à avancer vers Niassa pour amener les recrues des autres pays de la région dans leurs bastions. »
Pejulo Calenga, directeur de l’administration nationale des zones de conservation du Mozambique, déclare que la Réserve Niassa présente un environnement difficile. Il a dit aux médias le 26 mai que la situation « ouvre pour nous une filière pour penser à l’avenir de la zone après cette période de tension ».
Il a été demandé aux forces armées de s’adapter pour contrer les tactiques en pleine évolution de Daech. Le président mozambicain Daniel Chapo s’est rendu dans la province et s’est exprimé lors de la cérémonie de clôture d’une formation des opérations spéciales le 23 mai.
« Nos frères [des forces armées] sont sur le terrain en train de repousser les terroristes dans cette région ; alors même que nous parlons, ils ont disparu de la Réserve Niassa, et nos forces les poursuivent toujours. »
Leonel Muchina, porte-parole du commandement général de la police de la République du Mozambique, a annoncé le déploiement d’une force de sécurité permanente dans la réserve « pour garantir la sécurité et la stabilité ».
Depuis les attaques, la moitié de la vaste Réserve Niassa est fermée alors que l’armée mozambicaine conduit des patrouilles dans le parc. Le long de la Lugenda, neuf camps touristiques et 22 postes d’exploration à des fins de conservation ont été abandonnés, selon le magazine National Geographic.
Le Dr Begg déclare que la viabilité économique de la réserve est en danger, car les visiteurs et les résidents ont cherché des options plus sûres et les opérateurs touristiques ont des difficultés pour contrôler les dommages. Elle a adopté un ton de défi, en promettant de reconstruire malgré la menace permanente posée par Daech.
Elle dit à Mongabay : « Il semble que les insurgés se sont retirés de la partie de la Réserve Niassa qui se trouve dans la province de Niassa, mais on ne sait pas s’ils restent dans les sections orientales de la réserve de l’autre côté de la Lugenda au Cabo Delgado, ou s’ils ont l’intention de revenir. »
« Nous ne partons pas d’ici et nous sommes plus engagés que jamais envers la faune sauvage et le peuple de Niassa. C’est une nouvelle réalité. »