Les trois pays sahéliens gouvernés par une junte subissent des échecs dans leur lutte contre les terroristes et leur économie est au bord de la catastrophe. En même temps qu’ils font pression sur les sociétés minières étrangères pour qu’elles paient davantage, ils offrent à la Russie un meilleur accès à leurs ressources minières en échange de son aide militaire.
Au cours des derniers mois, le Burkina Faso a nationalisé deux mines qui appartenaient précédemment à des sociétés canadiennes, dans l’intention explicite de les gérer lui-même. La prise de contrôle a eu lieu alors même que la production d’or du Burkina Faso continuait à baisser : de 67 tonnes en 2021 à 47,7 tonnes à la fin 2024. La junte a menacé d’annuler plusieurs autres contrats d’extraction avec des sociétés étrangères.
De même, le Mali a nationalisé la mine de Yatela, qui appartenait précédemment à des sociétés canadiennes et sud-africaines, et a arrêté le PDG d’une société minière australienne. Le Mali a aussi envoyé des soldats pour confisquer 3 tonnes d’or d’une valeur de plus de 200 millions de dollars détenues par la société minière canadienne Barrick Gold après avoir prétendu que Barrick avait manqué de payer des impôts à hauteur de plusieurs millions.
La junte malienne a modifié le code d’extraction minière du pays en 2023 pour donner au gouvernement une part pouvant atteindre 35 % de toutes les opérations minières. Le Mali anticipe recevoir 1,2 milliard de dollars auprès des sociétés minières au premier trimestre 2025.
À la fin 2024 aussi, le Niger a contacté Rosatom, une société d’état russe, concernant la prise de contrôle d’une concession minière d’uranium précédemment accordée à la société minière française Orano. Orano détenait 63,4 % de la société minière locale Somaïr mais elle a cessé ses opérations d’extraction à la fin 2024 parce qu’elle ne pouvait plus exporter. Le Bénin avait coupé la route principale entre le Niger, pays sans littoral, et la mer à la suite du coup d’État de 2023.
Les mesures prises par ces trois états sahéliens suivent leur décision d’expulser les armées étrangères qui conduisaient des opérations de contre-terrorisme, ainsi que la mission de l’ONU au Mali. Elles reflètent aussi un rapprochement continuel vers la Russie, dont les mercenaires ont gagné une réputation de brutalité contre les populations locales, en particulier au Mali.
Les trois juntes ont renversé des gouvernements démocratiques qui avaient eu des difficultés pour contrôler des groupes d’insurgés. Les chefs des juntes ont affirmé qu’ils pourraient accomplir cette tâche rapidement. Toutefois, quelques années plus tard, les trois pays restent englués dans des combats de contre-terrorisme et enregistrent peu de progrès.
L’insécurité, à laquelle s’ajoutent les nationalisations, a provoqué la baisse de l’extraction minière dans les pays du Sahel, alors même que leurs voisins, en particulier le Ghana et la Guinée, enregistrent une hausse de la production d’or en Afrique de l’Ouest, selon la publication du secteur minier Mining Technology.
Alors que l’extraction s’enlise au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les budgets nationaux de ces trois pays fléchissent sous le poids de la perte de revenu. L’extraction minière fournit 10 à 15 % du produit national brut de la région et représente les plus importantes exportations de chaque pays. L’or est le plus grand produit d’exportation du Burkina Faso et du Mali ; l’uranium est celui du Niger.
La Russie fournit de plus en plus une planche de salut aux juntes du Sahel en leur envoyant des mercenaires en échange des concessions minières. Cette relation aide la Russie a contourner les sanctions internationales afin de financer sa guerre actuelle en Ukraine, selon Kyle Robertson, chercheur au Washington Institute.
Mais jusqu’à présent, les engagements militaires russes au Sahel n’ont pas amélioré la situation sécuritaire de la région.
Robertson a écrit récemment : « Malgré l’afflux d’équipement militaire et de personnel, la Russie s’est avérée être un partenaire de sécurité peu fiable, en particulier à cause de ses tactiques de contre-terrorisme extrêmes mais inefficaces. Paradoxalement, l’impossibilité pour la Russie d’améliorer la menace terroriste ne fait qu’accroître la dépendance des armées sahéliennes sur son assistance. »
Les mercenaires russes du groupe Wagner, appelé aujourd’hui l’Africa Corps, ont participé au massacre de centaines de civils dans la région centrale du Mali en 2022 et ont utilisé des attaques par drones, sans discrimination, et des exécutions sommaires contre les populations locales. Ces tactiques à la main lourde semblent se retourner contre les juntes, qui constatent que les décès dus à la violence terroriste ont triplé au cours des dernières années, pour atteindre 11.600 en 2023. Les pays sahéliens sont en tête de la liste des attaques terroristes dans le monde, selon l’Indice mondial du terrorisme.
BNN Bloomberg écrit au sujet du Mali : « Une industrie aurifère sujette à des prix presque records du lingot est une cible facile pour un gouvernement à court d’argent qui a des difficultés pour fournir l’électricité et a besoin de fonds pour payer les mercenaires russes qu’il a engagés afin de combattre une insurrection islamiste. »