La piraterie reste problématique mais les pays africains coopèrent
Avec un littoral de plus de 30.000 kilomètres, l’avenir du continent africain dépend intimement de la sûreté et la sécurité maritimes.
Depuis le Sénégal jusqu’à l’Angola, les pays s’efforcent de dissuader les pirates et les brigands qui naviguent les eaux du golfe de Guinée dans le but de voler le pétrole et le poisson et d’exiger des rançons. Dans la mer Rouge, le golfe d’Aden et l’océan Indien jusqu’au canal du Mozambique, les pays et les forces internationales combattent les pirates somaliens qui ont récemment enregistré un certain regain.
38 nations africaines sur 54 (soit 70 %) sont situées en bordure de mer et dépendent de la mer pour les voyages, le commerce et la subsistance.
En bref, la sécurité du domaine maritime est vitale pour la stabilité nationale. Une nation doit être stable pour que son économie se développe, et vice-versa. Le capitaine de corvette Ghislain M. Moussavou de la marine gabonaise a déclaré avant l’exercice Obangame Express 2018 que « si vous avez une zone maritime qui n’est pas sûre et sécurisée, cela affecte négativement la subsistance des communautés locales et peut en fin de compte déstabiliser le pays ».
La piraterie est née avec la navigation, mais ce fléau est depuis près de deux décennies un problème constant affectant la sécurité africaine, d’abord en Afrique de l’Est, puis au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest.
Les codes de conduite
Les régions d’Afrique de l’Est et de l’Ouest ont chacune un code de conduite qui établit les normes de coopéra-
tion entre les pays dans la lutte contre la piraterie et les autres crimes maritimes. Le code de conduite de Djibouti en Afrique de l’Est a été le premier à être adopté en 2009 par l’OMI (Organisation maritime internationale). L’OMI a déclaré à ADF en 2012 que ce code était conçu pour encourager le partage de l’information, la formation régionale, la législation nationale et le développement des capacités.
Après plusieurs années de succès, l’OMI déclare maintenant que le code a été modifié pour inclure les activités maritimes illicites en plus de la piraterie et du vol à main armée, notamment le trafic des armes et des stupéfiants, la traite des êtres humains et des animaux sauvages, le déversement illégal des déchets, la pêche illégale et le vol du pétrole brut. Ceci s’est produit en 2017 lors d’une réunion à Djeddah (Arabie saoudite). Le résultat est l’Amendement de Djeddah de 2017 au Code de conduite de Djibouti.
Les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont signé en 2013 le Code de conduite de Yaoundé au Cameroun, lequel les engage de façon similaire à coopérer en matière de sécurité maritime en partageant et en signalant les informations, en stoppant les navires soupçonnés d’activité illégale, en arrêtant et en poursuivant les criminels, et en prenant soin des marins victimes d’activité illégale et en les rapatriant.
Les exercices renforcent la coopération
Les pays africains et leurs partenaires internationaux coopèrent dans chaque région côtière pour s’entraîner et promouvoir les buts et les mandats définis dans les codes de conduite. L’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique parraine trois séries d’exercices régionaux « Express » au large des côtes africaines pour mettre à l’épreuve et renforcer les capacités des nations et organisations partenaires africaines et internationales.
En Afrique de l’Est, les Seychelles accueillent Cutlass Express 2018, qui utilise l’Amendement de Djeddah au Code de conduite de Djibouti comme cadre pour conduire des exercices de partage de l’information et autres. Les pays participants sont l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, les Comores, le Danemark, Djibouti, les États-Unis, la France, le Kenya, Madagascar, l’île Maurice, le Mozambique, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, les Seychelles, la Somalie et la Turquie.
En Afrique de l’Ouest, le Gabon accueille Obangame Express 2018, huitième série d’un exercice naval qui se déroule tout au long des côtes d’Afrique de l’Ouest, et notamment dans la région cruciale du golfe de Guinée. Les pays participent à des exercices d’abordage et de perquisition en mer, et les bases terrestres se concentrent sur les communications et le partage de l’information. Cet exercice est conçu pour aider les pays africains à combattre tous les types de trafic illicite, de migration illégale, de piraterie et de pêche illégale. La série de 2018 inclut des centres maritimes opérationnels dans cinq régions et couvre 2,36 millions de kilomètres carrés.
Les participants sont l’Allemagne, l’Angola, la Belgique, le Bénin, le Brésil, le Cameroun, le Cap-Vert, le Canada, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Maroc, la Namibie, le Nigeria, les Pays-Bas, le Portugal, la République du Congo, Sao Tomé-et-Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo et la Turquie, ainsi que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Bien que l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest soient connues pour la piraterie et le crime maritime, la côte d’Afrique du Nord possède ses propres problèmes maritimes. Phoenix Express 2018 a aidé à améliorer la coopération régionale, à augmenter la sensibilisation dans le domaine maritime, le partage de l’information et les opérations visant à promouvoir la sûreté et la sécurité dans la mer Méditerranée.
Phoenix Express, qui avait commencé en 2005, était basé dans la baie de Souda (Grèce) mais incluait des opérations dans toute la Méditerranée, notamment dans les eaux territoriales des pays nord-africains. Cet exercice a mis à l’épreuve la capacité des forces européennes, nord-africaines et américaines à répondre à la migration illicite et à combattre la contrebande et le transport des matières illégales.
Les participants sont l’Algérie, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Grèce, l’Italie, la Libye, Malte, le Maroc, la Mauritanie, les Pays-Bas, la Tunisie et la Turquie.
Des histoires à succès
La piraterie et les autres crimes maritimes menacent la vie et la subsistance des personnes et la sécurité des nations. La connexion entre les crimes basés sur la terre et les crimes maritimes est bien connue et toutes les nations africaines ayant un littoral devront continuer à être vigilantes pour renforcer leurs capacités individuelles tout en coopérant entre elles. Pourtant, des progrès sont enregistrés sur le continent.
Le Dr Ian Ralby, professeur associé de droit maritime et de sécurité au Centre africain pour les études stratégi-
ques, déclare que, du fait de l’attention récente suscitée par la piraterie, beaucoup de pays « se sont tournés vers la mer » plus directement pour répondre aux préoccupations maritimes. Cela était évident lors du dialogue maritime panafricain à Victoria (Seychelles), qui s’est concentré sur l’amélioration de la sécurité maritime africaine.
Cet événement d’une semaine a eu lieu en mars 2018 et a accueilli près de 50 personnes provenant de 26 pays et 13 organismes régionaux. Toute une série de sujets ont été débattus, notamment les réponses coopératives aux problèmes maritimes, le développement d’une stratégie maritime, la surveillance technologique, le développement d’une économie des océans et la poursuite des crimes commis en mer.
Les participants ont visité le tribunal de la piraterie des Seychelles et la cour d’appel. Ils sont aussi montés à bord d’un boutre iranien capturé lors d’une affaire de trafic de stupéfiants et l’ont inspecté. Le bateau est maintenant utilisé comme outil de formation. Le sommaire du programme de ce dialogue précise qu’« un exposé sur le quai concernant le boutre et la façon dont les drogues y étaient cachées a aidé les participants à comprendre directement les défis opérationnels menaçant la région. En montant à bord du vaisseau, les participants ont pu se rendre compte de ce qui était nécessaire pour fouiller un tel bateau. »
Le Dr Ralby a déclaré qu’il espérait que le dialogue deviendrait un événement annuel sur le continent. Le prochain aura probablement lieu en février 2019. Un grand nombre d’idées et de points de vue pourraient y être communiqués, et le Dr Ralby a déclaré que des progrès étaient en cours sur tout le continent :
Malgré leur discorde, le Maroc et l’Algérie coopèrent.
Les Seychelles, plus petite nation d’Afrique, montrent la voie pour poursuivre les pirates et prendre en charge leur domaine maritime afin d’assurer leur développement économique.
Le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Principe peuvent entreprendre avec succès des opérations conjointes en mer pendant toute l’année. Le partage des informations par l’intermédiaire de la Zone D de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, une des cinq zones d’Afrique de l’Ouest, est un modèle pour les autres.
Le Sénégal a enregistré des succès dans sa lutte contre la pêche illégale.
La marine du Ghana travaille et partage ses informations avec les pays voisins.
Sao Tomé-et-Principe s’efforce de dupliquer les politiques de traçabilité du poisson des Seychelles. Ce pays a aussi publié en février 2018 une stratégie maritime intégrée et la Sierra Leone va bientôt faire de même. La Côte d’Ivoire a publié sa stratégie maritime en 2014.
« On peut célébrer quelque chose un peu partout », déclare le Dr Ralby.
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