Africa Defense Forum

La Cour de la faune sauvage, tribunal ougandais révolutionnaire, prévient le crime

PERSONNEL D’ADF

Gladys Kamasanyu se rend fréquemment au zoo d’Entebbe, à une heure de distance de Kampala (capitale de l’Ouganda), pour nourrir et flatter les rhinocéros, les éléphants, les pangolins et autres espèces menacées, et même pour leur parler.

Elle parle aussi au personnel du zoo, appelé Centre éducatif ougandais de conservation de la faune sauvage, pour obtenir des mises à jour sur la contrebande, le trafic et le braconnage. Ces crimes sont souvent liés à des syndicats internationaux du crime et à la forte demande associée à la médecine chinoise traditionnelle (MCT).

En tant que magistrate en chef du tribunal des normes, des services publics et de la faune sauvage de l’Ouganda, premier de ce type en Afrique, Mme Kamasanyu considère qu’elle est la voix des sans-voix.

Elle a déclaré à Deutsche Welle : « Un animal qui est victime dans une affaire de faune sauvage n’a pas l’opportunité de signaler cette action malveillante. Il n’a pas l’opportunité de suivre son affaire. Il n’a pas l’opportunité de comparaître au tribunal pour témoigner de son histoire, de montrer sa douleur. »

Depuis que le tribunal ougandais révolutionnaire de la faune sauvage a été créé en 2017 à Kampala, Mme Kamasanyu a condamné plus de 600 trafiquants tout en présidant à plus de la moitié des 2.000 affaires du tribunal.

Le tribunal a été créé pour accélérer la résolution des affaires de faune sauvage et entend entre six et huit affaires par jour.

Les responsables ougandais des douanes montrent des défenses d’éléphant à Kampala en 2019, à la suite de la saisie de 3.299 kilos d’ivoire et 424 kilos d’écailles de pangolin par une opération de police contre un réseau vietnamien de contrebande de faune sauvage. THE ASSOCIATED PRESS

La magistrate senior Stella Maris Amabilis a déclaré sur NTV Uganda : « Un problème existait dans les différents tribunaux à cause de la façon dont les contrevenants étaient condamnés. On a découvert que, dans bien des cas, les contrevenants ne recevaient pas de condamnation qui équivalait aux crimes qu’ils avaient commis. »

Environ 11 % du territoire ougandais est désigné comme zone de conservation légalement protégée. Nuire aux animaux ou les tuer dans ces zones est condamné par des lois qui ont été renforcées en 2019.

En 2021 et 2022, près de 3.000 affaires ont été documentées.

Mme Kamasanyu déclare qu’elle est déterminée à aider à réduire le commerce illégal de la faune sauvage parce que la plupart des cas de braconnage, de contrebande et de trafic ne sont pas notés, signalés, investigués, poursuivis en justice ou punis.

« J’ai réalisé l’ampleur des pertes qui se produisent, dit-elle. Je me réveille fréquemment et je reconnais le rôle majeur que je dois vraiment jouer, en tant que responsable judiciaire, pour sauver la nature, non pas pour moi aujourd’hui mais pour tous ceux qui me suivront. »

En 2022, Mme Kamasanyu a condamné le trafiquant d’ivoire Pascal Ochiba à une peine de prison à perpétuité pour des infractions répétées. Il a été emprisonné en 2017 après avoir été arrêté avec quatre articles d’ivoire et la peau d’un okapi, type de zèbre rare des forêts que l’on trouve seulement dans le pays voisin de la République démocratique du Congo.

Le directeur exécutif de l’UWA (autorité de faune sauvage de l’Ouganda) Sam Mwandha a apprécié cette condamnation à la peine maximale.

« C’est un succès historique dans notre guerre contre le commerce illégal de la faune sauvage en Ouganda, déclare-t-il. Nous devons faire de notre mieux aujourd’hui pour protéger notre faune sauvage, sinon l’histoire nous jugera durement. »

Les affaires comme celle de M. Ochiba ont attiré une attention tout à fait nécessaire sur ce problème, déclare Charles Tumwesigye, directeur adjoint de l’UWA pour les opérations de terrain. Ce dernier note qu’environ 80 % des affaires de faune sauvage en Ouganda ont été poursuivies avec succès depuis la création du tribunal de la faune sauvage.

« Nous avons commencé à constater que les poursuites étaient prises au sérieux, car c’est désormais un tribunal spécial, dit-il à DW. Nous amenons des suspects provenant de tout le pays et nous avons commencé à prononcer des condamnations qui les dissuadent. »

« Les gens savent que, s’ils commettent ce crime, ils seront amenés à Kampala où il existe un tribunal spécial et ils recevront une condamnation sévère. Pour moi, c’est une très bonne chose. »

La MCT est une « raison importante » du déclin des espèces africaines, notamment les éléphants, les tigres, les léopards, les pangolins et les rhinocéros, selon l’Environmental Investigation Agency, organisme sans but lucratif engagé dans la protection de la faune sauvage. Les braconniers travaillent souvent pour des groupes du crime organisé dirigés par des Chinois qui passent en contrebande et trafiquent les articles pour les vastes marchés d’Asie.

« Certains pensent que ce sont des médicaments », déclare M. Tumwesigye sur NTV.

Mme Kamasanyu pense que la dissuasion des crimes de faune sauvage est le rôle qu’elle joue au nom des animaux sans voix.

En particulier, elle apprécie de pouvoir éduquer les enfants lorsqu’ils visitent le zoo d’Entebbe et elle a fondé une organisation sans but lucratif appelée Help African Animals pour sensibiliser la conservation et la protection des espèces menacées.

« Les enfants peuvent apprendre à devenir des écologistes du futur, dit-elle. Si nous ne les éduquons pas lorsqu’ils sont jeunes, ils pourraient aussi bien devenir des braconniers du futur. »

Comments are closed.