PERSONNEL D’ADF
Une sécheresse persistante ayant conduit à une perte massive de terres arables envenime les tensions entre les milices du Pays Dogon du Mali depuis 2015.
Le Pays Dogon désigne des zones de la région centrale de Mopti, où vit un groupe ethnique d’indigènes qui affrontent fréquemment le groupe ethnique des Peuls. Le manque de pluie signifie que les agriculteurs nécessitent davantage de terre pour gagner leur vie, et qu’ils sont parfois forcés de payer pour protéger la terre sur laquelle ils travaillent. Cette terre est souvent saisie si les fermiers ne paient pas pour leur protection.
Selon le Dr Ibrahima Poudiougou, qui a publié un rapport sur ce sujet au site web de l’université de Leyde aux Pays-Bas, « c’est un conflit avec deux points de vue : vous avez les djihadistes religieux et les groupes d’autodéfense non djihadistes. Ils essaient tous les deux de gagner le contrôle des terres arables pour assurer leur position politique dans le pays, et cela n’exclut certainement pas la violence ou la menace de violence. Les deux groupes considèrent leur propre violence comme une forme de protection contre la violence de l’autre groupe. »
Au Mali, seul le gouvernement est considéré comme le propriétaire légitime de la terre, alors que les agriculteurs sont considérés comme détenteurs d’un droit d’usage coutumier. Dans beaucoup de zones, les groupes armés forcent les paysans appauvris à payer pour accéder à la terre arable.
La migration rurale des fermiers exacerbe le problème. La faim les incite à se déplacer d’un village à un autre à la recherche de la terre. L’abandon des terres qu’ils ont acquises permet aux milices d’offrir une protection contre paiement.
« Ou bien ils paient une grosse somme pour que la terre soit protégée, ou bien les milices bloquent l’accès à la terre jusqu’à ce que la somme demandée soit payée ». écrit le Dr Poudiougou.
Le rôle des groupes extrémistes
L’origine des disputes concernant la terre dans la région de Mopti coïncide avec la proéminence croissante des groupes extrémistes violents, qui fait pression sur les relations entre les communautés des Dogons et des Peuls depuis 2015. Les membres de la communauté des Dogons accusent les Peuls de soutenir les organisations extrémistes violentes liées aux groupes terroristes dans le Nord du Mali, alors que les Peuls accusent les Dogons de soutenir les forces de l’État. Les groupes extrémistes exploitent les tensions entre les communautés pour semer le chaos et recruter de nouveaux membres.
La violence a atteint un paroxysme en 2019 lorsque deux massacres ont conduit à la mort d’au moins 270 personnes.
En mars de cette année, au moins 134 villageois de la communauté peule d’Ogossagou ont trouvé la mort dans une attaque. Les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées ont été tués.
Moins de deux mois plus tard, au moins 95 personnes ont été tuées lors d’une attaque de nuit dans le village qui sert de base au groupe dogon appelé Dan Na Ambassagou. Ce dernier avait été blâmé pour l’attaque du mois de mars.
Un groupe représentant la communauté peule a déclaré que le manque d’autorité de l’État était à l’origine de la violence.
« L’insécurité et les massacres à grande échelle exploités par les groupes terroristes provoquent une déstabilisation totale et durable de la région », selon la déclaration.
La violence continue dans le Pays Dogon
Au début août, des centaines de combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) armés de fusils d’assaut ont assassiné quinze hommes à Bodio, village du Pays Dogon. Les résidents de Bodio interviewés par Human Rights Watch (HRW) ont déclaré que l’attaque s’est produite lorsqu’ils ont rompu un accord de sept ans avec les militants du GSIM qui gardaient la zone.
Dan Na Ambassagou avait fait pression sur les résidents pour qu’ils rompent l’accord, mais lorsque le GSIM et d’autres groupes extrémistes sont montés en puissance, le groupe dogon a commencé à battre en retraite. Les villageois ont alors été forcés de conclure un accord avec les groupes extrémistes et obligés de rompre leurs liens avec Dan Na Ambassagou et les forces maliennes.
« Mais l’accord a commencé à être ébranlé lorsqu’une patrouille conjointe de soldats maliens, de [combattants de la] Wagner et de miliciens du Dan Na Ambassagou est passée dans le village en juin », a déclaré un résident de Bodio à HRW dans un reportage de novembre. « À cette occasion, les miliciens ont forcé les villageois à filmer une vidéo adressée aux djihadistes pour annoncer la fin de l’accord. »
Les résidents ont noté une augmentation du nombre de terroristes après la rupture du dernier accord et ont informé le chef du village, lequel a informé les gendarmes locaux, les soldats et le gouverneur.
« Mais malgré ses appels, il n’y a pas eu de réponse », dit le résident.
HRW condamne la junte au pouvoir pour ne pas protéger les civils dans les zones de conflit.
« Les autorités maliennes devraient s’adresser à des experts régionaux et internationaux en matière de droits humains afin d’assister les autorités judiciaires maliennes pour que les responsables de ces crimes graves soient tenus responsables », déclare Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale du Sahel à HRW, sur le site web de l’organisation.