Africa Defense Forum

Les efforts de l’Iran visant à renforcer ses liens en Afrique suscitent le scepticisme

PERSONNEL D’ADF

La visite de trois pays africains par le président iranien Ebrahim Raïsi à la mi-juillet était la première fois depuis plus de 11 ans qu’un président de ce pays controversé visitait le continent.

Le gouvernement de M. Raïsi s’est engagé à nouer des liens plus robustes avec l’Afrique et a augmenté les échanges commerciaux. Mais la connexion de l’Iran à l’extrémisme et à la contrebande des armes et de la drogue sur le continent sape ces relations.

Le chercheur de Téhéran Ali Akbar Dareini du Centre pour les études stratégiques d’Al Jazeera a déclaré lors d’un panel de discussion d’Al Jazeera le 12 juillet : « Les sanctions font souffrir l’Iran depuis longtemps mais la première priorité de l’administration Raïsi consiste à vaincre les sanctions. Son tour de l’Afrique représente un changement stratégique majeur de la politique étrangère de l’Iran. »

Raïsi s’est rendu au Kenya, en Ouganda et au Zimbabwe en juillet et a participé à la conférence au sommet des BRICS en août. BRICS est un acronyme qui désigne le groupement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Cette dernière a été ajoutée en 2010.

Lors de la conférence au sommet de 2023 à Johannesbourg, les BRICS ont invité l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) à devenir membre.

Le Dr Samuel Ramani, Associate Fellow du Royal United Services Institute, déclare que l’Iran intensifie sa présence en Afrique mais que ses activités déstabilisatrices et sa réputation d’acteur malveillant entravent sa capacité de développement d’une influence.

Il écrit dans un éditorial pour le Gulf International Forum : « Malgré l’engagement de l’Iran envers une présence plus forte en Afrique, la stratégie de Téhéran sur le continent est pleine de contradictions. Le double rôle de l’Iran en tant que partenaire régional en herbe et force de chaos continue à limiter la portée de ses partenariats en Afrique. »

Les observateurs accusent depuis longtemps l’Iran d’inciter des tensions sectaires au Moyen-Orient par l’intermédiaire de ses agents. Au cours des dernières années, ses activités en Afrique ont suscité des accusations similaires.

« L’Iran œuvre pour bâtir des couloirs terrestres dans la région afin d’améliorer sa capacité de déplacement des combattants et du matériel entre les champs de bataille », selon un reportage de Morocco World News en 2022.

Le Maroc est l’un des adversaires les plus virulents de l’Iran en Afrique. Il a rompu ses liens avec l’Iran en 2018 en mentionnant des « preuves irréfutables » que l’Iran, à travers ses agents de l’Hezbollah basés au Liban, fournissait une formation militaire et un soutien logistique au Front Polisario, groupe séparatiste du Sahara occidental basé en Algérie.

Le Dr Ramani déclare qu’Hezbollah reste un participant largement impliqué dans les réseaux de contrebande d’Afrique de l’Ouest, où la Côte d’Ivoire émerge comme un centre de trafic des stupéfiants et de blanchiment d’argent.

« Le trafic des armes et des narcotiques de l’Hezbollah s’étend à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest tels que la Guinée, le Togo, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone, dans le cadre d’une opération mondiale qui produit des revenus annuels de 1 milliard de dollars chaque année pour ce groupe militant », écrit le Dr Ramani.

L’Iran a aussi bâti un réseau de contrebande d’armes illégales dans la Corne de l’Afrique, qui s’étend vers les pays de l’ensemble du continent. L’Iran a vendu des drones militaires Mohajer-6 à l’armée éthiopienne pendant la guerre civile dans la région du Tigré.

« Les envois d’armes de l’Iran vers des acteurs non étatiques sont considérés comme suspects par de nombreux Africains, écrit le Dr Ramani. L’établissement par l’Iran d’un réseau d’agents en Somalie qui est accusé d’avoir passé des armes aux rebelles houthistes du Yémen et à d’autres clients en Afrique de l’Est, est l’exemple le plus notable de la politique de prolifération des armes de Téhéran. »

L’Iran a été accusé de préparer des attaques et au moins un assassinat en Afrique. En 2021, l’Éthiopie a saisi des armes et des explosifs et arrêté quinze personnes qui projetaient d’attaquer l’ambassade des EAU à Addis-Abeba. Les autorités ont déclaré qu’un deuxième groupe prévoyait d’attaquer l’ambassade des EAU au Soudan.

En novembre 2022, les autorités du Ghana, du Sénégal et de la Tanzanie ont arrêté cinq personnes soupçonnées d’être des agents de la Force Al-Qods de l’Iran, branche de son Corps des gardiens de la révolution islamique, qui se préparaient à conduire des attaques contre les touristes et les entrepreneurs.

Les experts déclarent que la version radicale iranienne de l’idéologie islamique, autre produit d’exportation de l’Iran, sape sa présence en Afrique et fait hésiter les pays envisageant d’approfondir leurs liens avec l’Iran.

« L’Iran est perçu comme un acteur malveillant par de nombreux gouvernements africains, en grande mesure à cause de ses efforts d’exportation de sa version favorite de l’islam politique, ce qui suscite des doutes sur les intentions de l’Iran et les rend peu désireux d’accepter l’Iran en tant que partenaire de confiance », a écrit le journaliste iranien Kourosh Ziabari pour le groupe de réflexion Arab Gulf States Institute en mai 2023.

Comments are closed.