Le nombre de décès de surdose par les consommateurs de la drogue synthétique kush augmente en Afrique de l’Ouest, où la toxicomanie et les marchés de production de cette nouvelle drogue montent en flèche. Cette drogue, fabriquée avec des opioïdes synthétiques, est l’une des plus fortes et dangereuses sur le marché.
Les consommateurs de kush, appelée parfois « drogue des zombies », peuvent tomber de sommeil pendant qu’ils marchent, parfois au milieu de la circulation. Ils peuvent se cogner la tête contre les murs et tomber des édifices. Les toxicomanes se plaignent souvent de douleurs de tête, de cou ou d’articulation. Elle peut enfler les membres, provoquer la défaillance des organes et déclencher des problèmes graves de santé mentale.
Un nouveau rapport de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC) et de l’Institut Clingendael dit qu’il est probable que davantage de jeunes seront affectés par la drogue dans la région en croissance et que la consommation de la kush peut être « simplement le début d’un problème plus vaste concernant les drogues en Afrique de l’Ouest ».
Beaucoup de toxicomanes sont des jeunes entre 18 et 25 ans.
Un médecin légiste de haut rang exerçant à Freetown (capitale de la Sierra Leone) déclare dans le rapport : « Des étudiants brillants se retrouvent sur ma table. La kush est un tueur et les décès sont en hausse. »
Le problème est particulièrement grave en Sierra Leone, mais la consommation de kush s’est propagée graduellement vers la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Liberia et le Sénégal. Surtout à cause de sa popularité, le Liberia et la Sierra Leone ont déclaré l’an dernier des urgences nationales liées à la toxicomanie.
« L’intervention de l’État est cruciale pour soutenir la réhabilitation et l’intégration des toxicomanes afin qu’ils deviennent des citoyens utiles de la société », a déclaré Emmanuel Degleh, journaliste basé à Monrovia (capitale du Liberia), au Telegraph.
La drogue est souvent fabriquée avec des opioïdes synthétiques puissants appelés nitazènes. Certains d’entre eux sont au moins 25 fois plus puissants que le fentanyl, selon le rapport de GI-TOC/Clingendael. Depuis 2022, il est probable qu’elle a tué des milliers de personnes en Afrique de l’Ouest.
Le rapport a découvert que 87 % des échantillons de kush testés sur le terrain en Sierra Leone l’an dernier contenaient des nitazènes ; cette étude des échantillons avait été demandée par le gouvernement.
Lucia Bird Ruiz Benitez de Lugo et le Dr Kars de Bruijne, auteurs du rapport, écrivent : « Nous pensons que la kush est le premier cas de nitazènes ayant pénétrés sur les marchés de drogue d’Afrique de l’Ouest. Ceci reflète les tendances mondiales, indiquant que les nitazènes et les décès qui leur sont liés ont monté en flèche dans le monde depuis la fin 2022. »
Des rumeurs se propagent selon lesquelles la kush contiendrait souvent du fentanyl, de la phencyclidine (PCP), de la méthamphétamine ou du tramadol, mais ces drogues n’ont pas été décelées dans l’étude de Sierra Leone. On pensait aussi couramment que la kush de Sierra Leone était fabriquée avec des os humains mais ceci a été nié par les fabricants de kush interviewés pour le report.
La kush est populaire à cause de sa puissance et de son prix modique, en particulier dans les zones avec de fortes concentrations de jeunes au chômage. Un seul joint peut coûter seulement 5 leones (beaucoup moins que 1 cent) et ses effets peuvent durer plusieurs heures. Les nitazènes et les cannabinoïdes synthétiques de la kush créent une forte dépendance, ce qui encourage la toxicomanie.
Amara, jeune Sierraléonais, a déclaré au Telegraph : « Je me sens heureux pendant un moment. Suffisamment pour oublier mes soucis et les problèmes de la société. »
Bien que la kush soit liée aux marchés internationaux de drogues synthétiques, notamment ceux de la Chine, elle est aussi fabriquée localement et distribuée par des bandes criminelles. Des signes de consommation et de distribution de kush en Sierra Leone ont commencé à être constatés dès 2016, lorsque la drogue était moins puissante que les formules plus récentes.
Vers 2020 ou 2021, deux personnes ont gagné le contrôle d’un groupe de distribution de kush actif dans la région de Freetown, et ils ont établi un réseau de distributeurs et de vendeurs intermédiaires. Ces deux personnes avaient des liens familiaux avec des politiciens, ce qui leur avait donné une certaine protection qui leur a permis de développer leurs opérations, selon le rapport de GI-TOC/Clingendael.
Le groupe s’est fragmenté à cause de frictions entre les acteurs intermédiaires. Ceci a fait augmenter le nombre d’agents locaux, en accroissant graduellement la production et la consommation locales. En 2022, plus de décès et d’effets graves sur la santé liés à la kush ont été signalés. À Freetown, les toxicomanes et autres résidents ont signalé que les gens mouraient en pleine rue.
Selon la BBC, les admissions liées à la kush à l’hôpital psychiatrique universitaire de Sierra Leone (le seul hôpital de santé mentale du pays), ont augmenté de près de 4.000 % entre 2020 et 2023.
La popularité de la drogue n’a pas diminué.
Selon le rapport, « la difficulté de perturber de façon durable ou de réduire les marchés de kush établis souligne l’importance des systèmes d’alerte précoce et de l’action rapide des gouvernements pour empêcher, ou au moins atténuer, le marché de la kush en premier lieu. Elle signifie aussi que les approches visant à réduire les dommages sont une composante cruciale d’une réponse future. »
Parmi d’autres actions, les chercheurs recommandent que les pays d’Afrique de l’Ouest améliorent la mise en commun des informations sur les produits de drogues synthétiques ; accroissent les capacités régionales pour identifier, classifier, saisir et contrôler les substances synthétiques ; et intensifient la surveillance aux points d’entrée, en particulier en Sierra Leone.