Les officiers de marine de haut rang soulignent le besoin de nouvelles lois et de coordination pour combattre la criminalité maritime
PERSONNEL D’ADF
En août 2023, des pirates armés ont pris le contrôle d’un vaisseau de pêche à l’entrée d’un port de Sierra Leone. L’attaque a déclenché rapidement une réponse qui a réuni les gardes côtières de la Sierra Leone, du Liberia et de la Côte d’Ivoire déterminées à attraper les pirates et libérer l’équipage.
Alors que le bateau était détourné de la Sierra Leone et fuyait vers les eaux territoriales du Liberia, la garde côtière de Sierra Leone a cédé la gestion de la poursuite au Liberia, lequel a envoyé deux bateaux patrouilleurs pour intercepter le vaisseau qui s’approchait de la côte.
Après de brefs échanges de coups de feu, les forces libériennes ont saisi le vaisseau, secouru les 23 membres d’équipage et arrêté 2 des 13 pirates. Les autres se sont enfuis sur un bateau pneumatique. Les pirates capturés ont été traduits en justice en vertu de la loi anti-piraterie du Liberia.
Les pirates ont été accusés de conspiration criminelle et de vol à main armée, entre autres, a déclaré le commandant John Willie de la Marine libérienne aux participants à la Conférence au sommet des forces maritimes africaines 2024 et Symposium du leadership de l’infanterie navale – Afrique (AMFS-NILSA) à Accra.
Le commandant Willie et le commodore Philip Juana, chef d’état-major de la Marine de Sierra Leone, ont narré le récit du vaisseau de pêche détourné comme exemple de la façon dont les pays africains peuvent œuvrer ensemble pour combattre la criminalité maritime sur leur littoral, en particulier dans le golfe de Guinée infesté par les pirates.
Toutefois, ajoute le commodore Juana, la coopération en mer est seulement un élément de l’équation dans la lutte contre le crime maritime. Les pays doivent aussi standardiser leurs lois en fonction des normes régionales et internationales pour assurer que les personnes engagées dans la piraterie, la pêche illégale, le trafic des stupéfiants et autres crimes maritimes soient traduites en justice.
« L’harmonisation des lois dans la région soutient les succès judiciaires qui continuent à nous échapper. » Sans les lois destinées à punir les pirates et autres criminels de la mer, les forces de sécurité auront des difficultés pour protéger le domaine maritime de leur pays, ajoute-t-il.
La Sierra Leone elle-même n’a pas le cadre juridique dont elle aurait besoin pour intenter des poursuites contre les criminels maritimes, selon lui. Jusqu’à présent, seulement quelques pays africains, notamment le Bénin, le Liberia et le Nigeria, ont des structures juridiques pour réprimer la piraterie, selon les experts. Le Nigeria est le premier pays africain à avoir adopté une législation anti-piraterie en 2021.
Le Nigeria est devenu un chef-de-file parmi les pays du golfe de Guinée pour former les forces militaires avec les procédures correctes qui sont nécessaires pour recueillir des preuves et assurer le succès des poursuites judiciaires des criminels maritimes.
« Faire une arrestation est une chose. Intenter des poursuites est quelque chose d’autre », déclare à ADF le commandant Jibril Abdullahi du service des bateaux spéciaux de la Marine nigériane.
Le Nigeria a offert ses opportunités de formation aux forces navales du Bénin et du Togo. Le Bénin a habilité sa marine pour traduire en justice les criminels maritimes mais le Togo n’a pas encore développé ses propres lois anti-piraterie.
La coopération, la collaboration et l’harmonisation sont des aspects cruciaux du code de conduite de Yaoundé, développé pour unir les pays du golfe de Guinée contre les criminels maritimes actifs sur le littoral de 6.000 km qu’ils partagent.
En date de 2020, le golfe de Guinée était la première région du monde pour les incidents de piraterie. La région représentait 92 % des prises d’otages en mer. Après avoir baissé dramatiquement au cours des dernières années, les statistiques recommencent à augmenter, alors que l’insécurité en mer Rouge force les sociétés de transports maritimes à passer de préférence par le golfe de Guinée.
« Les niveaux (de piraterie) sont modérés mais ils restent une menace », déclare le commodore Juana.
La hausse de la criminalité dans le golfe de Guinée « a fait ressortir le fait que nous devons nous adapter aux circonstances auxquelles nous faisons face », a déclaré à la réunion le capitaine de vaisseau Emile Sama du Bénin.
Le code de conduite de Yaoundé, écrit en 2013, fait partie de cette liste, a-t-il dit.
« Le code de conduite de Yaoundé prévoyait des révisions tous les trois ans. Ceci ne s’est pas encore produit. Attendons-nous que nos partenaires le fassent pour nous ? »
Le commandant Willie du Liberia est l’un des leaders de la conférence qui notent que les liens qu’ils bâtissent à l’AMFS-NILSA et dans des réunions similaires ont permis des communications plus rapides et plus directes entre les forces navales. Cela a créé le type d’environnement coopératif dont les pays ont besoin s’ils souhaitent œuvrer ensemble contre un ennemi qui auparavant avait dressé les pays les uns contre les autres.
Bien que des points de friction continuent à exister concernant la souveraineté et les eaux territoriales, ces questions deviennent moins importantes avec le temps. Le capitaine Sama se dit optimiste.
« Dans dix ans, ces questions seront résolues parce que nous nous connaissons bien. Ce problème se résoudra de lui-même. Nous avons seulement besoin de temps. »
Comments are closed.