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Les civils du Sahel se retrouvent coincés « entre l’enclume et le marteau » alors que les groupes terroristes rivaux s’affrontent

PERSONNEL D’ADF

Les résidents civils de la région sahélienne des trois frontières sont pris pour cible dans un cycle de violence par des groupes terroristes rivaux.

Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) prennent aussi pour cible les forces de sécurité et les travailleurs humanitaires au Burkina Faso, au Mali et au Niger.

Les actes de violence contre les civils ont augmenté de 38 % au Mali en 2023, principalement à cause des opérations du GSIM. Dans l’ensemble, « les événements de violence politique au Mali et chez ses voisins du Burkina Faso et du Niger ont augmenté de 46 % depuis 2021 », selon le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data).

Les coups d’État militaires dans ces trois pays et le retrait des forces françaises et onusiennes de la région ont laissé un vide sécuritaire qui permet aux groupes terroristes de prospérer.

Pour essayer de saisir davantage de terrain, le GSIM et l’EIGS ont lutté l’un contre l’autre dans plusieurs batailles de grande échelle entre août 2022 et juillet 2023.

Au Mali, l’EIGS a doublé le terrain qu’il contrôle entre 2022 et le premier semestre 2023. Il a notamment saisi dans le Nord-Est du Mali des territoires que le GSIM et des milices alliées à la junte contrôlaient précédemment, selon un rapport de l’ONU.

Les deux groupes ont employé des systèmes meurtriers tels que des engins explosifs improvisés transportés par véhicule et des drones pendant leurs combats, au cours desquels ils ont perdu des centaines de combattants, selon l’Institut pour l’étude de la guerre.

On sait que ces groupes imposent la « zakât », ou taxation forcée, et qu’ils ont détruit ou pillé des lieux de culte, des centres de santé et des infrastructures, notamment des systèmes d’approvisionnement en eau.

Entre avril et novembre 2023, les deux groupes ont été responsables pour la mort de plus de 160 civils maliens, y compris au moins 24 enfants, selon Human Rights Watch (HRW).

En septembre 2023, le GSIM a fait l’annonce tristement célèbre de l’attaque d’un bateau à passagers sur le Niger dans la région de Tombouctou : 49 personnes y ont été tuées.

« C’était la terreur complète, déclare un survivant à HRW. Beaucoup sont morts parce qu’ils ne savaient pas nager. »

Les forces maliennes et les combattants du groupe Wagner de Russie sont aussi accusés de commettre des atrocités contre les civils.

Un homme de la région de Mopti a dit à HRW : « L’armée … tue sans peur des conséquences. Les djihadistes tuent aussi, ils enlèvent et incendient sans crainte d’être tenus responsables. Et nous autres les civils, nous sommes coincés entre l’enclume et le marteau dans notre propre pays. »

Les analystes déclarent que la possibilité d’accord entre l’EIGS et le GSIM a permis à l’EIGS de raffermir son contrôle de la région des trois frontières depuis juillet 2023. L’intensité des combats entre les organisations terroristes rivales a baissé, tout particulièrement sur la frontière entre le Mali et le Niger.

Un seul décès dû à la violence entre les deux groupes a été enregistré dans le Nord-Est du Mali entre août 2023 et mars 2024, comparé à 95 au cours des sept premiers mois de 2023, selon l’ACLED.

L’accord apparent aide probablement les efforts des deux groupes visant à renforcer leurs zones de soutien au Sahel et intensifie les risques de menace transnationale, selon le Projet des menaces critiques de l’American Enterprise Institute. Toutefois, les analystes disent qu’il est probable que l’accord est provisoire, puisque les groupes continuent à se battre dans d’autres régions.

L’EIGS a augmenté ses efforts de gouvernance dans le Nord-Est du Mali et étendu ses activités militaires plus près de la capitale nigérienne de Niamey depuis le coup d’État de juillet 2023. Il a aussi intensifié ses attaques contre l’armée nigérienne.

L’EIGS est accusé de tuer au moins 29 soldats nigériens en octobre 2023. Le ministère de la Défense du Niger déclare que des centaines de terroristes ont utilisé « des engins explosifs improvisés et des véhicules kamikazes » dans la bataille. Il ajoute que « plusieurs douzaines de terroristes » ont été tué pendant la contre-attaque. Au moins 17 soldats nigériens ont été tués en septembre 2023 dans une autre attaque de l’EIGS près de la frontière avec le Burkina Faso.

Le GSIM intensifie ses activités militaires dans le Nord du Mali à mesure que la mission de maintien de la paix de l’ONU se retire graduellement et les forces maliennes font face à une résistance de la part des rebelles touaregs. Aujourd’hui, le GSIM et, dans une moindre mesure, l’État islamique dans le Grand Sahara contrôlent aussi jusqu’à 40 % du territoire du Faso.

En 2023, les terroristes ont attaqué maintes fois la commune de Dassa, dans la région centrale du Burkina Faso, et les zones voisines dans la province du Sanguié. Ces sont des régions où la junte avait recruté des civils pour prendre les armes au sein de la milice des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

Dans un incident, environ 40 combattants du GSIM se déplaçant en moto ont été accusés d’avoir tué 17 hommes dans le village de Dofinega, région du Centre-Nord, selon une femme qui a perdu trois de ses frères pendant l’attaque. Elle dit qu’elle a vu six hommes armés qui avaient réuni ses frères et des enfants dans un champ voisin.

Elle déclare à HRW que les tireurs ont épargné les enfants mais qu’ils ont « choisi les adultes à exécuter ».

« Ils les ont exécutés devant nous, dit-elle. Ils leur ont tiré une balle dans la tête. »

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