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L’extraction illégale de l’or par les Chinois crée une plaie béante au Ghana

PERSONNEL D’ADF

La ressortissante chinoise En Aisha Huang est célèbre au Ghana sous le nom de « Galamsey Queen » (reine des exploitants artisanaux d’or), sobriquet qui lui a été donné par les médias locaux pour décrire sa position maîtresse dans les opérations illégales d’extraction d’or.

Son arrestation et sa condamnation récentes sont emblématiques du problème sérieux du Ghana avec la participation chinoise à l’extraction d’or artisanale illégale à petite échelle (ASM).

Le 4 décembre, un tribunal ghanéen l’a condamnée à quatre ans et six mois de prison et à une amende de 4.000 dollars pour ses opérations d’extraction illégale. Les autorités ont déclaré aux journalistes qu’elle sera déportée après avoir purgé sa peine.

« C’est quelqu’un dont parlent beaucoup les médias », a déclaré Alfred Tuah-Yeboah, avocat général adjoint et ministre de la Justice, aux reporters à l’extérieur du palais de justice le 4 décembre. « Aujourd’hui, c’est la fin de la route pour elle. Ceci devrait être une leçon pour les autres personnes engagées dans l’extraction illégale : au moment voulu, la loi s’occupera de vous. »

Le Ghana est le premier producteur d’or du continent et le sixième du monde, ayant enregistré une production de 129 tonnes en 2021.

Environ 30 % de sa production provient de l’ASM, connue au Ghana sous le nom de galamsey, qui signifie approximativement « amassez et vendez ».

Le Ghana a légalisé le secteur ASM en 1989 mais interdit explicitement la participation des étrangers. Toutefois, entre 2008 et 2013, on estime que 50.000 ressortissants chinois ont émigré vers ce pays d’Afrique de l’Ouest.

Les mineurs ghanéens avaient l’habitude d’extraire l’or à des profondeurs faibles à l’aide d’outils de base et de techniques traditionnelles qui nécessitent un travail intensif. Les adeptes du galamsey d’aujourd’hui fouillent le sol des lits des rivières et des fermes en utilisant des excavatrices et des bulldozers qui sont souvent fournis par des investisseurs chinois.

James Boafo, maître de conférences à l’université de science et technologie Kwame Nkrumah de Zambie, a documenté avec des collègues cette évolution dans un rapport de 2019 publié dans le journal Sustainability.

« Les mineurs chinois ont importé des machines plus sophistiquées telles que des foreuses, des pompes à eau et des bulldozers, qui ont peu à peu remplacé les méthodes et les outils rudimentaires utilisés par les mineurs ghanéens », selon le rapport.

« Les mineurs chinois devancent les mineurs artisanaux ghanéens existants qui travaillent pour leur propre compte, ce qui conduit à la perte des moyens de subsistance de ces derniers et force beaucoup de mineurs locaux à aller chercher un emploi auprès de leurs homologues chinois. »

Les experts avertissent que l’impact environnemental des opérateurs de galamsey représente une menace sévère pour l’eau potable du Ghana et son industrie florissante du cacao.

Les opérations ASM illégales utilisent des rivières pour passer au crible les sédiments afin de trouver la poussière et les pépites d’or ; ceci laisse des traces d’eau sale et boueuse sur des milliers de kilomètres. En outre, les mineurs emploient le mercure, le plomb ou d’autres substances nuisibles pour récupérer l’or dans l’eau.

Les opérations d’extraction illégales dirigées par les Chinois sont accusées d’avoir pollué des voies d’eau, détruit de vastes étendues forestières et empiété sur les concessions minières légales à grande échelle.

Carl Kojo Fiati, directeur des ressources naturelles de l’Agence ghanéenne pour la protection de l’environnement, a averti que le pays pourrait devoir importer de l’eau à partir de 2030 parce que ses rivières sont trop contaminées par les déchets des opérations de galamsey.

Il a déclaré à la radio Citi FM : « En ce qui concerne le galamsey, on dirait qu’il n’existe pas de volonté nationale pour le résoudre. Nous semblons valoriser l’or plus que l’eau que nous buvons et la terre que nous cultivons et nos forêts. Nous devons faire en sorte que les gens réalisent que le galamsey est illégal et punissable. La façon de faire, c’est d’arrêter, de poursuivre en justice et, si possible, d’emprisonner les pratiquants du galamsey. L’effet du galamsey sur la population et l’avenir de ce pays est d’une grande portée. Nous ne pouvons pas faire des compromis avec lui. »

L’affaire de Mme Huang fait la une des journaux ghanéens depuis son arrestation en mai 2007. Au lieu d’intenter des poursuites, les autorités ghanéennes l’ont déportée en septembre 2018. Elle est revenue en 2022, a été arrêtée en septembre 2022 et détenue à nouveau en vertu des accusations initiales.

Dans son procès de cette année, plusieurs agriculteurs locaux ont témoigné qu’elle avait négocié avec eux pour utiliser leurs terres à des fins d’extraction illégale.

« À cause de l’indignité avec laquelle l’accusée agissait, la condamnation devrait refléter l’impact de ses actions sur le peuple du Ghana, les communautés qu’elle a endommagées de façon permanente et les moyens de subsistance qu’elle a éliminés », a déclaré Yvonne Atakora Obuobisa, directrice des procès publics, devant le tribunal.

Le ministre Tuah-Yeboah a dit que le haut profil de l’affaire de Mme Huang attirera une attention bien nécessaire au problème du galamsey et il a fait appel aux Ghanéens pour aider à éradiquer l’extraction illégale.

« C’est une lutte que nous n’avons pas gagnée, dit-il. C’est une lutte qui continue et nous devons tous participer à cette lutte. »

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