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Les pêcheurs de Guinée-Bissau ont des difficultés pour faire concurrence aux chalutiers étrangers

PERSONNEL D’ADF

Mario Boris Fernandez ramène sa pirogue de pêche artisanale au rivage à Porto de Bandim (Guinée-Bissau). Ce pêcheur de longue date à Bissau, la capitale du pays, ne flanche pas sous le poids d’une grosse prise.

C’est l’avantage de pêcher toute la nuit et revenir avec quelques rares poissons.

« Il y a deux décennies lorsque j’avais commencé à pêcher ici, la prise était si bonne que je pouvais nourrir, habiller et prendre soin de ma famille sur le plan social, sans aucune difficulté », déclare M. Fernandez à China Dialogue Ocean. « Aujourd’hui, il s’avère difficile de trouver la quantité et la qualité de poissons que nous avions. »

Dans un marché de poissons à proximité, les clients se plaignent de la montée régulière des prix.

« C’est tout ce que je fais pour aider mon mari à prendre soin de la famille, déclare Fatou Sanneh, marchande de poissons. Je vends du poisson dans ce marché depuis près de quinze ans. Je me rappelle du temps où nous choisissions le type de poisson à acheter auprès des pêcheurs parce qu’il y en avait suffisamment. Le commerce des poissons était rentable. »

À cause de plusieurs dizaines d’années de surexploitation et de pêche illégale par les flottes de pêche étrangères, en particulier celles de Chine, cette époque est révolue. La baisse des stocks de poissons est un problème sérieux dans un pays où 25 % de la population de 1,8 million d’habitants souffre de malnutrition chronique.

Le secteur de la pêche emploie plus de 225.000 personnes et fournit 35 % de la consommation de protéines animales dans le pays.

Selon Kebba Badji, autre pêcheur artisanal à Porto de Bandim, les chalutiers industriels étrangers pêchent fréquemment dans les zones réservées aux opérations de petite échelle.

Les chalutiers ont la réputation de pratiquer le chalut de fond, dans lequel tous les animaux marins sont pêchés sans discrimination et les écosystèmes cruciaux pour la survie des poissons sont détruits. Ils rejettent aussi par-dessus bord les poissons dont ils n’ont pas besoin, ce qui est illégal.

« Ils attrapent tous les types de poissons, gardent ce qu’ils veulent, puis jettent les autres poissons morts dans la mer, déclare M. Badji à China Dialogue Ocean. Ceci détruit l’océan. »

Il soutient que les prises des chalutiers étrangers devraient être limitées.

« Ceci est intenable », dit-il.

C’est un fléau qui affecte toute la région. Environ 20 % des poissons illégalement capturés dans le monde proviennent des eaux près de la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone, selon un reportage de l’organisme d’actualité Investigative Journalism Reportika.

La plupart des poissons sont attrapés par des navires chinois. La Chine régit la plus grande flotte de pêche en eaux distantes du monde et possède les pires antécédents de pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), selon l’Indice de pêche INN.

On estime que les chalutiers de fond chinois attrapent 2,35 millions de tonnes de poissons par an dans la région, ce qui représente 50 % de la prise totale de pêche en eaux distantes de la Chine, d’une valeur d’environ 5 milliards de dollars, selon l’Environmental Justice Foundation.

Près de la moitié des chalutiers industriels et semi-industriels pratiquant la pêche illégale sont actifs en Afrique. L’Afrique de l’Ouest, épicentre mondial de la pêche INN, attire 40 % des chalutiers illégaux du monde, selon un rapport de la Financial Transparency Coalition.

La pêche illégale fait perdre au continent jusqu’à 11,49 milliards de dollars par an.

La lutte contre la pêche INN est particulièrement difficile en Guinée-Bissau à cause d’un manque de capacité des patrouilles de police et des carences du système judiciaire.

Domingos Quade, avocat et politicien de la Guinée-Bissau, soutient que les amendes, qui peuvent atteindre jusqu’à 420.000 dollars pour les délits graves tels que la pêche dans une zone interdite, devraient être beaucoup plus élevées.

« Par exemple, la loi devrait spécifier clairement les limitations liées aux bateaux de pêche, le type de filet à utiliser et comment l’utiliser, et la loi devrait être mise en application », déclare-t-il à China Dialogue Ocean.

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