Africa Defense Forum

« Ce siècle peut être celui de l’Afrique »

Nana Addo Dankwa Akufo-Addo est le président du Ghana. Il préside aussi l’Autorité des chefs d’état et de gouvernement de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest. Il s’est exprimé à Accra (Ghana) le 15 mars 2022 lors d’un événement organisé par le département des Affaires politiques, de la Paix et de la Sécurité de l’Union africaine. Ses remarques ont été modifiées pour des raisons de longueur et de clarté.

Notre unité et notre résolution devraient envoyer un message clair aux putschistes : les coups d’État n’ont jamais été et ne seront jamais des solutions durables pour relever les défis politiques, économiques et sécuritaires de l’Afrique. Toutefois, les déclarations ponctuelles de condamnation des coups d’État, sans prendre les mesures correspondantes, n’accompliront rien, ou accompliront très peu, comme l’indique les événements récents. Ce problème exige un accord collectif, une dissuasion efficace, une action audacieuse et, de façon tout aussi importante, des mesures de prévention adéquates.

En tant que président en exercice de l’Autorité des chefs d’état de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), j’ai constaté directement les effets dévastateurs que les coups d’état et les tentatives ont eus dans la région. Comme certains d’entre vous peuvent le savoir, l’UA et les autres communautés économiques régionales telles que la CEDEAO ont identifié une myriade de facteurs qui incitent aux changements de gouvernement anticonstitutionnels. Parmi ceux-ci, selon le Conseil de la paix et la sécurité de l’UA, on compte : « les carences de gouvernance, la cupidité politique, la mauvaise gestion de la diversité, la non-saisie des opportunités, la marginalisation, les violations des droits de l’homme, le refus d’accepter les défaites électorales, la manipulation de la constitution et sa révision par des moyens anticonstitutionnels en faveur des intérêts personnels égoïstes », ainsi de suite.

Ce qui est encore plus troublant, c’est que l’expression du mécontentement social des citoyens face à ces facteurs, en général par des manifestations, a souvent été affrontée par des niveaux variables de répression, cooptation, violence et renforcement additionnel du statu quo.

La recrudescence des coups d’état en Afrique, sous toute forme ou manifestation, doit être condamnée par tous puisqu’elle sape fortement notre souhait collectif d’élimination de la menace d’instabilité et de changements anti­constitutionnels de gouvernement, tels que définis actuellement par les structures établies dans la déclaration de Lomé, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et d’autres actes régionaux et continentaux importants. Les changements anti­constitutionnels de gouvernement retardent la croissance d’un pays.

Bien que ces facteurs soient en grande partie locaux, la dimension internationale ne peut pas être ignorée. Les efforts étrangers pour susciter des changements anticonstitutionnels, souvent pour le bénéfice des gouvernements répressifs, des intérêts économiques étrangers et autres avantages géopolitiques potentiels, sont des facteurs contributifs.

Certaines entités étrangères considèrent que les coups d’État dans les pays africains sont un moyen de renforcer leurs ambitions régionales. Ainsi, elles s’engagent dans tout type de campagne de désinformation dans le but de discréditer l’autorité des gouvernements démocratiquement élus et provoquer des manifestations contre les responsables en exercice.

Dans la mise en œuvre des actes et des protocoles continentaux et régionaux existants, les états membres défaillants sont condamnés et privés d’activité dans les organismes continentaux et régionaux, et les putschistes sont individuellement sanctionnés. Toutefois, il est vrai que ces sanctions n’ont pas été uniformément appliquées. Bien que nous ayons sanctionné rapidement les leaders des coups d’état militaires, les civils qui obtiennent des résultats similaires par la manipulation de la constitution afin de rester au pouvoir, par exemple, ne sont pas sanctionnés, quoique leurs actions soient strictement interdites par nos actes officiels. Cela veut dire que les structures existantes doivent être renforcées pour inclure de telles infractions.

Il n’est pas nécessaire de remonter beaucoup dans le temps pour constater qu’une période stable de gouvernement constitutionnel et de gestion intelligente de l’économie conduit à la prospérité. Je crois dans l’immense potentiel de grandeur de l’Afrique. Je crois que les démocraties africaines stables peuvent déployer l’énergie des peuples d’Afrique pour inspirer la transformation du continent. Ce siècle peut être celui de l’Afrique. Nous pouvons le revendiquer si nous croyons en nous-mêmes et en nos peuples.

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