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La Somalie prend pour cible les sources de revenu d’al-Shebab

PERSONNEL D’ADF

Abdirahman Yusuf Al-adala, ministre adjoint de l’Information de Somalie, a récemment fourni une mise à jour surprenante sur la guerre du pays contre l’insurrection extrémiste liée à al-Qaïda qu’il combat depuis 2006. Cette insurrection est puissante et profondément enracinée dans le pays.

« L’extorsion employée par al-Shebab pour recueillir des fonds auprès des Somaliens dans les ports et les aéroports a pris fin », a-t-il déclaré à une conférence de presse dans la capitale de Mogadiscio le 30 mars.

« Quinze véhicules utilisés par al-Shebab pour recueillir l’argent ont été saisis et vingt responsables qui étaient chargés de la collecte ont été tués. »

La Somalie a lancé une offensive militaire soutenue contre al-Shebab en juillet 2022 et a fait aussi des efforts concertés au cours des derniers mois pour paralyser les vastes sources de revenu de l’insurrection.

Les experts tels qu’Aweis Ahmed, qui enseigne la politique et les affaires étrangères à l’université de Mogadiscio, déclarent que la tâche est ardue.

« La capacité du [gouvernement] à réduire le financement est limitée », dit-il au magazine The Africa Report.

Al-Shebab collecte jusqu’à 120 millions de dollars par an, et environ 24 millions de son budget annuel sont employés pour acheter des armes à l’étranger, selon un rapport des Nations unies de 2022.

La majeure partie de l’argent est obtenue par extorsion, notamment l’imposition sur les commerces et les individus locaux, la facilitation du commerce illégal et la collecte des droits sur les produits aux points de contrôle et aux ports.

Al-Shebab obtient une assistance financière de certaines sources étrangères mais il a aussi donné au commandement central d’al-Qaïda « des dizaines de millions de dollars », selon l’ONU.

L’Amniyat, division secrète de la sécurité et des renseignements d’al-Shebab constituée de 500 à 1.000 agents, recueille et gère les finances du groupe.

Elle produit des revenus dans dix des dix-huit régions administratives de Somalie, malgré son manque de présence physique dans ces régions.

En utilisant la violence, les menaces et les tactiques mafieuses, al-Shebab intimide les commerces pour qu’ils paient des impôts sur les transactions immobilières et les importations.

Un rapport publié en 2022 par l’institut Hiraal, groupe de réflexion basé à Mogadiscio, estime qu’al-Shebab collecte 15 millions de dollars par mois ; ce revenu est équivalent à celui du gouvernement somalien.

Toutes les sociétés majeures de Somalie paient des mensualités à al-Shebab, ainsi qu’une zakât (taxe) de 2,5 % sur les bénéfices annuels, selon le rapport.

Les experts déclarent qu’il sera difficile de démanteler les sources de revenu d’al-Shebab puisque le groupe contrôle environ le tiers du pays ; on estime notamment qu’il contrôle 70 % du Sud et du centre de la Somalie, où l’agriculture assure des activités commerciales régulières.

Matt Bryden, expert en matière de sécurité et conseiller stratégique du groupe de réflexion Sahan Foundation basé au Kenya, déclare que le gouvernement somalien doit renforcer la réglementation financière qu’al-Shebab exploite par l’intermédiaire des banques et des transferts d’argent appelés hawalas.

« La répression du secteur financier par le gouvernement et la clôture des vides juridiques seront aussi cruciales pour combattre al-Shebab et tarir sa base de ressources. »

Le président somalien Hassan Sheikh Mohamoud a promis de faire précisément cela en améliorant la surveillance du secteur bancaire formel et en mettant en application la loi de 2016 contre le blanchiment et le financement terroriste, qui exige que les institutions financières signalent toutes les transactions de 10.000 dollars ou plus.

Il a aussi averti les entrepreneurs que toute personne découverte en train d’aider al-Shebab, délibérément ou par extorsion, risque la révocation de sa licence commerciale.

À la mi-janvier, le gouvernement a annoncé qu’il avait gelé 250 comptes bancaires et 70 comptes de transferts d’argent mobiles liés aux activités d’al-Shebab.

« C’était une victoire majeure, rendue possible uniquement grâce aux informations des citoyens de Somalie », a déclaré le Premier ministre Hamza Abdi Barre lors d’une réunion des membres de la diaspora somalienne au Caire (Égypte) le 11 janvier.

« Nous conduisons une investigation pour déterminer les sommes d’argent gelées dans les comptes clôturés. Nous ne pouvons pas rester inactifs et attendre que [al-Shebab] détruise notre futur pour des gains égoïstes. »”

Dans son annonce de mars, M. Al-adala a déclaré que le blocage des comptes d’al-Shebab réduisait de moitié les revenus annuels et mensuels du groupe.

Mais l’insurrection bien financée persiste.

Ses agents intimident physiquement un grand nombre d’opérateurs de transfert d’argent, qui ont peur de signaler les transactions de plus de 10.000 dollars.

En 2019, les établissements financiers privés de Somalie ont signalé seulement neuf transactions suspectes et 113 transactions importantes en espèces, selon une nouvelle recherche publiée par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA).

Plus récemment, al-Shebab a découvert des moyens de contourner la réglementation en transférant 9.500 dollars à la fois pour éviter que ses transactions soient notées.

La plupart des transactions d’al-Shebab sont faites avec des espèces et des transferts d’argent mobiles. Chaque mois, on estime que les Somaliens exécutent 155 millions de transactions d’argent mobile d’une valeur approximative de 2,7 milliards de dollars, écrit la chercheuse Wendy Williams du CESA dans un article du 27 mars.

L’ex-ministre de la Planification et la Coopération internationale Abdullahi Godah Barre a encouragé la Somalie à investir dans ses agences d’investigation pour améliorer leurs capacités et aptitudes.

Il a aussi déclaré que le gouvernement devrait poursuivre en justice toute personne qui permet à al-Shebab d’utiliser les banques.

« Les employés de banque doivent assumer leurs responsabilités, a-t-il dit à Voice of America. Ceux qui sont des agents dont les noms sont employés pour ouvrir des comptes devraient être traduits en justice. »

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