Africa Defense Forum

Les agences de réglementation se précipitent pour devancer les groupes terroristes dans la lutte en ligne

PERSONNEL D’ADF

Après l’enlèvement de 276 écolières dans l’État nigérian de Borno en 2014, le chef de Boko Haram à l’époque a célébré l’action sur les réseaux sociaux et a affiché des vidéos grossières des otages.

Depuis lors, Boko Haram et les autres groupes terroristes d’Afrique de l’Ouest ont augmenté leur emploi des chaînes de réseaux sociaux, notamment Twitter, Facebook et YouTube, ainsi que Telegram et WhatsApp, aux fins de propagande, de recrutement des nouveaux membres, d’incitation aux attaques et de planification.

Selon Bulama Bukarti, associé principal du Tony Blair Institute for Global Change, les réseaux sociaux aident Boko Haram et les groupes similaires à obtenir la publicité qu’ils recherchent.

« Les plateformes en ligne peuvent offrir aux terroristes des outils de communication, coordination et recrutement à un coût relativement faible », écrit János Besenyő dans une étude publiée par le journal Insights Into Regional Development.

Bien que l’Afrique soit toujours en retard comparé à d’autres régions du monde en ce qui concerne l’infrastructure Internet, elle se rattrape rapidement. Entre 2000 et 2002, au Nigeria seulement, le nombre d’utilisateurs de l’Internet a plus que doublé pour atteindre un chiffre estimé à 109 millions, à peu près la moitié de la population. C’est la plus grande communauté en ligne d’Afrique selon le site web Statistica.

Les terroristes profitent de cette vague rapidement déferlante, en défiant les efforts des sociétés d’Internet et des gouvernements pour contrer leurs messages sans perturber l’emploi légitime de l’Internet.

En même temps, les publications des terroristes sur les réseaux sociaux deviennent plus sophistiquées alors qu’ils renforcent leurs liens avec des organisations plus larges telles que l’État islamique ou al-Qaïda. La vidéo granuleuse des fillettes de Chibok, filmée à la main, a été remplacée par des vidéos finement éditées de décapitation, accompagnées d’une musique à thème.

En réponse à la pression internationale, les sociétés majeures de réseaux sociaux telles que Meta, propriétaire de Facebook et WhatsApp, et Twitter ont répondu en surveillant leurs sites pour déceler les messages des terroristes et les supprimer lorsqu’ils sont découverts.

Les groupes terroristes, sujets aux pressions des sociétés de réseaux sociaux, ont cherché à masquer leurs productions sous le couvert de relations publiques ou d’actualités. Ils affichent aussi un contenu dans les langues et les dialectes locaux, en exploitant le manque de locuteurs natifs dans les sociétés de réseaux sociaux capables d’intercepter et de supprimer les articles terroristes en temps opportun.

Les chercheurs de Tech Against Terrorism (TAT), organisme soutenu par les Nations unies, comparent ce processus à un jeu de la taupe, mais déclarent que l’effort en vaudra la peine à la longue.

« Même si des groupes terroristes réussissent à restaurer leurs sites web, la pression résultant de cette perturbation en vaut la peine parce qu’elle pourrait forcer ces groupes terroristes à réévaluer leur présence sur les plateformes du web surfacique », a écrit TAT dans un rapport de juillet dernier.

TAT a créé une liste de recommandations pour aider les sociétés Internet à réprimer les activités terroristes en ligne. Cette liste comporte des étapes telles que le retrait des résultats de recherche des TOW (site web appartenant aux terroristes) soupçonnés, et la redirection de la recherche vers des sites qui contrent les messages extrémistes. Elle recommande aussi d’avertir les hébergeurs de ne pas fournir d’espace de mémoire aux TOW soupçonnés ou même de les supprimer complètement lorsqu’ils sont décelés en ligne.

Puisqu’ils font face à un examen plus approfondi de la part des sociétés majeures de réseaux sociaux, les groupes terroristes placent aussi leurs activités sur des chaînes plus petites ou des lieux cryptés tels que Telegram, où les opérateurs sont moins capables de les détecter et les supprimer.

« Si c’est quelque part en ligne, même sur une plateforme plus petite, ce sera toujours accessible et pourra toujours être utilisé comme le souhaitent les terroristes », déclare Anne Craanen, chercheuse principale de TAT, au podcast Behind the Spine. Elle dit que TAT surveille les activités terroristes en ligne chaque jour.

Telegram devient la nouvelle première ligne pour les groupes terroristes en Afrique, déclare M. Bukarti à l’Institut pour les études de sécurité (ISS).

TAT et les autres groupes d’étude des activités terroristes en ligne disent que les gouvernements africains doivent être plus proactifs et ne doivent pas simplement abandonner le problème entre les mains des sociétés de réseaux sociaux.

Karen Allen, contributrice sud-africaine à l’ISS, a écrit récemment : « Les gouvernements africains doivent engager le secteur technologique pour améliorer leurs connaissances du contexte dans lequel les organisations terroristes prospèrent. »

Toutefois, dans leurs efforts anti-terroristes en ligne, les pays africains doivent adopter une approche chirurgicale, selon elle.

« Ils devraient élaborer des réponses rapides qui respectent les principes des droits de l’homme, plutôt que des coupures totales de l’Internet qui privent les citoyens de leur droit à la liberté d’expression. »

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