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La Guinée fait pression sur les sociétés minières pour qu’elles paient davantage de redevances et améliorent les conditions

PERSONNEL D’ADF

La junte militaire au pouvoir en Guinée a donné aux sociétés minières chinoises et autres sociétés internationales jusqu’à la fin mai pour dresser des plans visant à augmenter les salaires et améliorer les conditions, sous peine d’amende. La demande exige l’expansion des capacités de raffinage, l’amélioration des conditions de travail et de l’environnement, et l’augmentation des redevances payées par les sociétés minières pour l’extraction de la bauxite et du minerai de fer.

Le colonel Mamady Doumbouya, chef de la junte, a déclaré aux parties prenantes de l’industrie lors d’une réunion récente dans la capitale de Conakry, télévisée sur la chaîne d’état : « Malgré l’essor minier dans le secteur de la bauxite, nous devons admettre que les revenus prévus sont inférieurs aux attentes. »

« Pour nous, le respect des accords de base reste une question non négociable. Vous et nous ne pouvons pas continuer à jouer ce jeu de fous qui perpétue la grande inégalité dans nos relations. »

Le colonel a promis d’imposer des amendes aux sociétés minières qui ne respectent pas la date limite qu’il a fixée pour soumettre leurs plans.

La Guinée n’est pas le seul pays qui réexamine ses accords avec les sociétés minières chinoises. En République démocratique du Congo où les sociétés chinoises ont revendiqué des concessions pour les réserves de cobalt du pays, le président Félix Tshisekedi a nommé une commission pour investiguer des allégations selon lesquelles une de ces sociétés minières, China Molybdenum, priverait le gouvernement de plusieurs milliards de dollars de redevances. En mars 2022, un tribunal a nommé un administrateur provisoire pour gérer la mine de Tenke Fungurume de la société pendant que la question continue à être examinée.

« Plusieurs années avant l’épidémie de Covid-19, les pays d’Afrique de l’Ouest étaient déjà sur le point de renégocier leurs politiques minières avec les investisseurs étrangers, en abandonnant une approche conviviale aux affaires et adoptant une structure plus nationaliste », a écrit Anthony Assassa, expert fiscal avec le cabinet d’experts-comptables BDO, pour Bloomberg Tax en 2021. À l’époque, il était directeur des opérations de BDO pour l’Afrique de l’Ouest francophone, basées en Côte d’Ivoire.

La Guinée est le plus grand producteur de bauxite d’Afrique. Ce minerai est la source de l’aluminium. On estime que le pays détient les plus vastes réserves de minerai du monde (7,4 milliards de tonnes). Les exportations de bauxite de la Guinée ont augmenté de près de cinq fois, passant de 17,7 millions de tonnes en 2015 à plus de 82,4 millions de tonnes en 2020, selon les plus récentes informations disponibles auprès du département du Commerce des États-Unis.

En 2020, la Guinée a exporté 82,4 millions de tonnes de bauxite d’une valeur de 3,3 milliards de dollars. 64 % de cette quantité, soit 52,7 millions de tonnes, ont été exportées vers la Chine. La bauxite guinéenne représentait jusqu’à la moitié des importations chinoises de bauxite cette année. Plus de douze sociétés minières chinoises sont actuellement actives dans le pays.

La Guinée contient aussi le gisement de minerai de fer de Simandou, d’une taille de 2 milliards de tonnes, qui reste inexploité aujourd’hui. La junte a négocié un accord de 15 milliards de dollars sur 35 ans pour ouvrir le site en mars, mais l’avenir du projet est entravé par le manque de moyen de transport du minerai sur une distance de 640 km vers un port d’expédition.

Les sociétés minières reçoivent actuellement environ 50 dollars la tonne pour la bauxite qu’elles extraient en Guinée. Mais une faible portion seulement de cette somme est remise aux Guinéens qui travaillent dans les mines et vivent avec la poussière rouge produite par ce travail.

La Guinée reçoit des redevances de 0,075 % pour le minerai de bauxite et jusqu’à 5 % pour le minerai de fer. Malgré son énorme richesse minérale, la Guinée est l’un des derniers pays du monde en termes de santé, éducation et conditions de vie.

Selon Human Rights Watch, les sociétés minières exploitent les ambiguïtés du droit guinéen pour revendiquer les terres arables ancestrales avec un remboursement minime ou inexistant.

La Guinée possède une seule fonderie d’aluminium active, qui date de plusieurs dizaines d’années. Bien que les sociétés actives en Guinée aient proposé de construire des raffineries capables de traiter 11 millions de tonnes par an, peu de progrès ont été réalisés. Selon Moussa Magassouba, ministre des Mines de Guinée, l’opérateur minier chinois TBEA Guinea a promis de construire une fonderie d’aluminium dans le cadre de sa concession minière, mais n’a rien fait dans ce sens jusqu’à présent. Il en est de même pour quatre autres sociétés minières appartenant à la Chine.

Ceci doit changer, a déclaré le colonel Doumbouya lors de sa réunion avec les parties prenantes. En plus de fixer une date limite de mai pour les plans de raffinage, il a demandé que tous les matériaux bruts utilisés dans la production soient aussi fabriqués en Guinée.

La transformation du minerai sur place « devient essentielle, elle est impérative et sans retard », a-t-il dit.

Cette demande est la première fois que la junte de Guinée a montré sa détermination à poursuivre sa politique de nationalisme des ressources, selon Anthony Everiss, analyste principal de l’aluminium au groupe CRU.

« La Guinée est maintenant beaucoup plus sensibilisée à la valeur de ses ressources », a déclaré M. Everiss au South China Morning Post.

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