La pêche INN enraye la croissance de « l’économie des océans » en Afrique
PERSONNEL D’ADF
La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), pratiquée par les chalutiers étrangers, fait perdre aux pays africains leur nourriture et leurs revenus depuis des décennies. Les experts disent aussi que la pêche INN, en plus de conduire à une hausse de la piraterie et d’autres crimes maritimes, menace aussi « l’économie des océans » en Afrique.
Selon la définition de la Banque mondiale, l’économie des océans est « l’utilisation durable des ressources de l’océan pour la croissance économique, l’amélioration des moyens de subsistance et des emplois, et la santé de l’écosystème océanique ».
L’Union africaine caractérise l’économie des océans comme la « nouvelle frontière de la Renaissance africaine », étant donné que 90 % du commerce de la région est de nature maritime. Toutefois, de nombreux pays africains ont des difficultés pour gagner des revenus provenant de la pêche, du tourisme, de l’aquaculture, du transport, des ports et du forage du pétrole.
Donald Sparks, éditeur de L’économie des océans en Afrique subsaharienne – Œuvrer pour un futur durable, écrit sur le site web African Arguments : « Étant donné l’enjeu élevé, il est essentiel de développer les politiques et les objectifs de l’économie des océans en Afrique. Tout comme les initiatives vertes de développement durable qui sont prometteuses, les projets et les activités de l’économie des océans pourraient l’être aussi. Il est impératif que tous les états adoptent des stratégies pour améliorer la richesse et le bien-être provenant des océans au cours des prochaines années. »
En Afrique de l’Ouest, la prolifération de plus de cinquante usines de farine de poisson appartenant à la Chine, qui transforment le poisson en large mesure capturé illégalement, a conduit à la pollution des destinations touristiques populaires et a privé les pays de revenu. La surexploitation laisse les pêcheurs artisanaux sans poisson, réduit considérablement les revenus et la nourriture, et dévaste les ressources marines nécessaires pour restaurer les stocks de poissons. »
« La flotte chinoise accapare depuis trente ans les profits de la pêche et l’impact sur les stocks de poissons est terrible », a déclaré Stephen Akester, conseiller du ministère des Pêches et Ressources marines de Sierra Leone, au Forum international pour les droits et la sécurité. Le forum a publié en mars dernier un rapport décrivant en détail comment la flotte de pêche chinoise en eaux distantes réduit à beaucoup d’égards les ressources marines dans le monde.
« Les ressources disparaissent, les pêcheurs souffrent et les familles sont affamées, a dit M. Akester. Beaucoup ont seulement un repas par jour. »
Selon l’Ocean Science Foundation, les pays africains perdent une somme estimée à 10 milliards de dollars par an à cause des chalutiers illégaux, dont la majorité sont chinois. La Chine régit la flotte de pêche en eaux distantes la plus vaste du monde et, selon l’indice de pêche INN, elle est le pire contrevenant mondial de la pêche INN.
Au Sénégal, 90 % des zones de pêche du pays sont maintenant complètement exploitées ou font face à l’effondrement, selon les Nations unies. Les poissons du Sénégal sont pour la plupart attrapés par les gros chalutiers chinois et exportés vers l’Asie et l’Europe, souvent sous forme de farine de poisson ou d’huile de poisson produite dans des usines appartenant aux Chinois. Ceci veut dire que le pays ne gagne pas grand-chose de la pêche dans ses eaux.
Au Ghana, la pêche illicite menace de détruire les stocks des petites espèces pélagiques telles que la sardinelle, dont le nombre a baissé de 80 % au cours des vingt dernières années, selon un rapport de l’Environmental Justice Foundation (Fondation pour la justice environnementale). Les responsables essaient de combattre la pêche illégale et les autres crimes maritimes tout en développant l’économie des océans du pays grâce à la nouvelle Stratégie maritime nationale intégrée.
Cette stratégie a été développée avec le soutien du Centre africain pour le droit maritime et la sécurité et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, et un financement du Danemark. Elle vise à renforcer la gouvernance et la sécurité maritimes, protéger les environnements marins et côtiers, et développer la coopération régionale et internationale sur les questions maritimes.
Les experts déclarent qu’une volonté politique est requise pour améliorer la sécurité maritime et renforcer l’économie des océans sur le continent.
Les pêcheurs artisanaux de Sierra Leone, où la pêche illégale fait perdre au pays environ 29 millions de dollars par an, se plaignent depuis longtemps du manque d’engagement de la part du gouvernement pour mettre fin à la pêche INN.
Les crimes maritimes en Sierra Leone sont principalement commis par les gros chalutiers industriels, dont 75 % sont liés à la Chine, selon des estimations de China Dialogue Ocean. En 2016, l’Union européenne avait remis à la Sierra Leone un carton jaune après avoir conclu que le niveau de développement et d’engagement du pays contre la pêche INN était insuffisant.
En 2021, les responsables de Sierra Leone ont signé un accord controversé avec la Chine pour développer un port de pêche industriel sur 100 hectares de plage et de forêt humide protégée. Les conservationnistes déclarent que personne n’a conduit d’évaluation de l’impact social ou écologique du projet.
Les résidents craignent que le port n’attire encore plus de chalutiers industriels étrangers, qui s’empareront des poissons et des revenus et chasseront les touristes.
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