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Les experts sonnent l’alarme : les pêcheries du Ghana risquent l’effondrement

PERSONNEL D’ADF

Un filet gigantesque bascule sur un chalutier de pêche industriel au Ghana. Il s’ouvre et le pont se remplit d’un amas de poissons brillants aux écailles argentées.

Le système de double filet du navire, qui permet d’attraper davantage de petits poissons, est illégal au Ghana. Il en est de même pour la présence de ce vaisseau appartenant à une société étrangère.

Un pêcheur ghanéen qui travaille sur les chalutiers étrangers et a parlé anonymement à l’Environmental Justice Foundation (EJF, Fondation pour la justice environnementale) a déclaré : « Parfois nous sélectionnons les plus gros (poissons) et nous les étiquetons. Si nous obtenons 2.000 à 2.500 pavés, nous appelons les pirogues qui viennent les récupérer des navires. »

Sur les chalutiers industriels, les poissons congelés sont empilés en pavés pour faciliter leur transport.

Le pêcheur décrivait le saiko, ou transbordement des poissons en mer, qui est illégal. Le saiko et les autres activités liées à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) ont progressivement poussé les stocks de poissons du Ghana au bord de l’extinction, en menaçant la sécurité alimentaire et les revenus de millions de personnes.

En août, l’EJF a publié un rapport basé sur des entretiens avec 215 petits pêcheurs, transformateurs de poissons et commerçants : plus de la moitié ont déclaré qu’ils n’avaient pas eu assez à manger au cours de l’an dernier. Plus de 70 % des participants ont aussi signalé une détérioration de leurs conditions de vie, notamment le manque d’accès à l’eau propre, au cours des cinq dernières années à cause de la perte de revenus.

Les analystes déclarent qu’il pourrait bientôt ne plus y avoir de poissons à attraper.

Les stocks de petits poissons pélagiques tels que la sardinelle ont baissé de 80 % au Ghana au cours des vingt dernières années. L’une de ces espèces appelée sardinella aurita a aujourd’hui entièrement disparu. Sans l’intervention du gouvernement, l’effondrement total des pêcheries du Ghana est probable en moins de dix ans, déclare à ADF Max Schmid, chef de l’exploitation d’EJF.

Comme dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest, les bateaux de pêche artisanale du Ghana sont une cible des gros chalutiers industriels. Environ 70 % de ceux interviewés par EJF déclarent que les chalutiers industriels ont endommagé leur matériel de pêche.

Les pêcheries marines du Ghana soutiennent plus de 2,7 millions de personnes, soit près de 10 % de la population. Plus de 100.000 pêcheurs et 11.000 pirogues sont actifs dans le pays, mais le revenu annuel moyen a baissé jusqu’à 40 % par pirogue artisanale au cours des quinze dernières années environ, selon l’EJF. 500.000 Ghanéens de plus travaillent aussi dans le traitement, la distribution et la commercialisation des poissons.

Les chalutiers étrangers appartiennent pour la plupart à des sociétés chinoises qui utilisent illégalement des sociétés de façade ghanéennes pour pouvoir pêcher. Selon l’EJF, les entreprises chinoises financent environ 90 % des chalutiers industriels dans le pays.

Le Ghana a depuis longtemps des difficultés pour contrôler correctement ses eaux territoriales.

L’Union européenne a donné au Ghana un « carton jaune » en mai dernier lorsqu’elle a conclu que le niveau de développement du pays et son engagement contre la pêche IUU étaient insuffisants. Le carton jaune est un avertissement selon lequel des sanctions pourraient être imposées si le pays n’améliore pas ses efforts pour mettre fin à la pêche IUU.

Le Ghana a répondu en exigeant que les sociétés qui sont actives dans le pays renouvellent leur application de licence de pêche pour pouvoir continuer. Le gouvernement a aussi annoncé à la mi-septembre des plans pour examiner les vides juridiques concernant les licences, qui laissent les sociétés étrangères fonctionner illégalement.

Dans le rapport de l’EJF, son président-directeur général Steve Trent a exhorté le gouvernement du Ghana à adopter une « approche basée sur les droits pour la gestion des pêcheries » en priorisant les besoins des communautés de pêche de petite échelle qui sont souvent « marginalisées dans les décisions concernant leurs moyens de subsistance ».

« L’amélioration de la gouvernance du secteur grâce à une meilleure transparence ; la suppression de la pêche illégale ; la réduction de capacité de la flotte ; la réforme des subsides ; et le développement de moyens de subsistance alternatifs réalistes pour les communautés de pêche : toutes ces mesures cruciales doivent être prises immédiatement », déclare M. Trent.

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