Un accord portuaire en Sierra Leone continue à susciter la polémique
PERSONNEL D’ADF
Le plan de construction d’un port de pêche industriel en Sierra Leone, à un coût de 55 millions de dollars sur 100 hectares de plage et de forêt humide protégée, continue à susciter la polémique chez les pêcheurs et les conservationnistes.
Le projet de Black Johnson Beach soutenu par la Chine comporte une usine de transformation du poisson dans une zone touristique à 35 km au Sud de la capitale de Freetown. Il se trouve en bordure d’une forêt humide vierge où vivent des chimpanzés et des espèces d’oiseaux protégées, ainsi que du parc national de la Western Area Peninsula, où vivent des espèces menacées telles que les antilopes duikers et les pangolins.
Une lagune voisine est une zone de reproduction pour les poissons et les tortues, connectée à un fleuve pendant la saison des pluies, alors que les eaux de la baie des baleines regorgent de sardinelles, de sardines, de barracudas et de mérous.
Un article d’opinion publié dans le journal Sierra Leone Telegraph prédit que le projet menacera la sécurité alimentaire du pays, détruira les sites immaculés de reproduction des poissons et dévastera les moyens de subsistance des pêcheurs artisanaux qui subissent déjà la concurrence d’une multitude de chalutiers étrangers dont beaucoup utilisent des tactiques illégales pour attraper des poissons en masse. Plus de 200.000 personnes travaillent dans les pêcheries de petite échelle du pays.
140 vaisseaux sont actuellement autorisés à pêcher dans les eaux territoriales de la Sierra Leone ; presque la moitié appartiennent à des sociétés chinoises et 40 % appartiennent à des sociétés basées dans l’Union européenne selon Greenpeace, l’organisme mondial de conservation. Puisqu’une grande partie de la prise est exportée, la Sierra Leone obtient peu d’avantages des poissons pêchés dans ses eaux.
En mai dernier, le ministère des Pêcheries et des Ressources maritimes a déclaré dans une annonce de presse que le gouvernement « désirait » un port de pêche depuis les années soixante-dix. Le port créera aussi des emplois, augmentera les stocks de poissons, améliorera la capacité d’exportation du pays et inclura une composante de gestion des déchets, selon l’annonce de presse qui n’a fourni aucun détail.
Les critiques du projet tels que Tommy Gbandewa, propriétaire d’une auberge écologique locale, déclarent que personne n’a effectué d’évaluation environnementale appropriée avant la signature de l’accord.
M. Gbandewa a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) : « Si les Chinois viennent ici, l’environnement va puer. Les plages vont sentir mauvais. »
Le gouvernement de la Sierra Leone a démenti les rumeurs généralisées selon lesquelles le plan inclura une usine de faire de poisson, en déclarant qu’il s’agira d’un « port de pêche » permettant aux gros navires de pêche au thon et autres d’y jeter l’ancre et de transformer leur prise pour la vendre. « Les installations comprendront une composante de gestion des déchets qui permettra de recycler les déchets marins et autres pour les transformer en produits utiles », selon la déclaration écrite d’Emma Kowa-Jalloh, ministre des Pêcheries et des Ressources marines.
Les usines de faire de poisson sont considérées comme un fléau dans la région du golfe de Guinée à cause de leurs effets nuisibles sur les écosystèmes locaux et l’environnement. Elles offrent aussi peu d’emplois et des bas salaires aux résidents locaux.
Deux groupes d’experts juridiques ont écrit au gouvernement en exigeant d’examiner les études d’évaluation de l’impact écologique, et Green Scenery, organisation non gouvernementale écologique locale, a exhorté le gouvernement à annuler le projet.
« Black Johnson est la seule destination de tourisme écologique qui existe encore à Freetown ; nous devons la protéger », déclare à l’AFP Joseph Rahall, directeur exécutif du groupe.
D’autres craignent que le port n’encourage encore plus la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU), qui coûte 29 millions de dollars par an à la Sierra Leone. Environ 75 % des incidents IUU dans le pays sont liés à la Chine, selon les estimations de China Dialogue Ocean.
Comme d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, la Sierra Leone a depuis des années des difficultés pour limiter la pêche IUU. En mars dernier, la Marine sierraléonaise, avec l’aide de Sea Shepherd Global, a arrêté sur une période de deux jours cinq chalutiers, y compris deux battant pavillon chinois, pour pêche illégale.
Le président sierraléonais Julius Bio a reconnu que le projet faisait partie de l’initiative chinoise de la Nouvelle route de la soie (BRI) dont le but est de développer le commerce par la construction de routes, ports, barrages et voies ferrées en Afrique et ailleurs. Les accords financiers de l’initiative sont bien connus pour être opaques, et peu de détails sont publiés.
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