PERSONNEL D’ADF
La pêche illégale prive les pays de leurs richesses naturelles et conduit à l’insécurité alimentaire, mais les pays africains ont des outils pour riposter.
La Fondation pour la justice environnementale (EJF) a publié un rapport expliquant diverses façons permettant aux pays de combattre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU). La Charte pour la transparence de la fondation répertorie plusieurs mesures simples et économiques que les pays peuvent prendre pour faire face à cette pratique.
Un grand nombre de chalutiers illégaux sont enclins à changer le nom du navire, battre des pavillons différents et retirer les navires des registres. Le rapport de l’EJF, disponible sur ejfoundation.org, offre une solution simple : tous les pays pourraient publier en ligne les listes de permis des vaisseaux et les informations détaillées concernant leurs propriétaires. La fondation a découvert que cette pratique était nécessaire lorsque l’un de ses membres en Sierra Leone prit connaissance d’un chalutier qui pêchait illégalement dans la zone d’exclusion côtière du pays.
Alertées par la fondation, les autorités ont découvert que le navire pêchait en battant les pavillons guinéen et sierraléonais, ce qui est illégal en vertu du droit maritime international. Si les registres des navires de pêche de ces pays étaient publiés, le chalutier illégal pourrait être décelé en ligne beaucoup plus rapidement.
Puisque tous les gouvernements conservent les archives des sanctions qu’ils imposent pour les crimes liés à la pêche, le rapport de l’EJF recommande aussi d’ajouter ces archives dans un registre public pour que les autres pays puissent prendre des décisions plus éclairées lorsqu’ils considèrent les octrois de permis.
Le rapport de la fondation affirme qu’une telle mesure aurait pu aider les autorités sénégalaises cette année lorsque des navires de la flotte chinoise Fu Yuan Yu, précédemment surpris dans des activités de pêche illégale à Djibouti, ont reçu des permis de pêche en même temps que les mesures de confinement pour contenir le Covid-19 étaient en vigueur.
Le ministère des Pêcheries du Sénégal a publiquement rejeté les applications de 52 chalutiers, mais le journal en ligne pressafrik.com basé à Dakar indique que le gouvernement a octroyé des permis à trois chalutiers de la flotte chinoise Fu Yuan Yu. Le reportage a été plus tard confirmé par Greenpeace, organisation non gouvernementale écologique.
« Si le processus d’octroi des permis était transparent, personne ne demanderait si le département a oui ou non accordé de nouveaux permis », déclare Mor Mbengue, membre de la Plate-forme des acteurs de la pêche artisanale du Sénégal, à Quartz Africa. « Les acteurs de la pêche artisanale, qui sont les plus affectés, ne sont pas toujours consultés par les autorités lorsque les permis sont octroyés, même s’ils devraient l’être en tant que représentants du Comité d’attribution des permis. »
Les chalutiers chinois sont parmi les vaisseaux de pêche illégaux les plus notoires d’Afrique de l’Ouest.
Un grand nombre de navires de pêche chinois font partie de la flotte de pêche en eaux distantes qui est fortement subventionnée par le gouvernement chinois. D’autres sont détenus par une société de pêche nationale qui est essentiellement une coopérative entre des entreprises chinoises et des commerces locaux, déclare Peter Hammarstedt, directeur des campagnes de Sea Shepherd Global. Sea Shepherd œuvre avec plusieurs gouvernements d’Afrique de l’Ouest pour éliminer les chalutiers illégaux de leurs eaux territoriales.
« Dans ce dernier cas, le navire de pêche bat pavillon d’un pays africain côtier/insulaire mais le propriétaire bénéficiaire est la Chine. De toute façon, ils comptent sur des agents locaux », déclare M. Hammarstedt à ADF dans un e-mail.
Cette pratique est particulièrement répandue au Ghana, où une étude de l’EJF montre que, bien que tous les chalutiers industriels du pays soient théoriquement ghanéens, au moins 90 % de la flotte est liée à des propriétaires chinois, malgré l’interdiction des propriétaires étrangers dans le secteur de la pêche au chalut.
En novembre, l’EJF a publié une appli de smartphone qui aide les pêcheurs artisanaux du Ghana à déceler et signaler la pêche illégale. Cette appli, appelée « Dase », ce qui veut dire « preuve » en fanti (langue ghanéenne), est aussi développée pour son utilisation au Liberia et en Sierra Leone.
Steve Trent, directeur exécutif de la fondation, a déclaré à ADF dans un e-mail : « Notre approche consiste à établir des contacts directs avec les pêcheurs par l’intermédiaire des autorités traditionnelles (pêcheurs en chef) sur les plages d’accostage, avec les agents de vulgarisation de la pêche et avec nos propres équipes basées dans les communautés. Nous avons découvert que le moyen le plus efficace d’assurer [que] des informations robustes et exploitables soient recueillies au cours du temps est de créer des liens de confiance et de développer les capacités existantes pour que les pêcheurs effectuent la surveillance. »