PERSONNEL D’ADF
On peut écouter les regrets de fatigue et de frustration dans la voix de Moumini Niaoné lorsqu’il parle de la désinformation sur le Covid-19 au Burkina Faso, son pays.
Le Dr Niaoné passe le plus clair de son temps à parler à la radio, dans les rues et sur l’Internet, en offrant ses recommandations d’expert sur la maladie, ses symptômes et comment l’éviter. Il est médecin, maître de conférences en santé publique, spécialiste de la santé des communautés et directeur exécutif d’un organisme sans but lucratif appelé Pull for Progress.
« Les informations fallacieuses compliquent notre travail », déclare le Dr Niaoné sur le programme radio Ya’Débat de Studio Yafa. « Nous voyons tous les jours des gens qui nient l’existence du Covid-19, en disant que c’est une maladie des Blancs. »
Le Dr Niaoné a maintenant vu et entendu toutes les informations fausses possibles au sujet de la pandémie mondiale.
C’est politique.
Elle affecte seulement les gens riches.
Une conspiration du gouvernement pour gagner de l’argent.
Inventée dans un laboratoire.
Un canular pour que les anciennes puissances coloniales mettent à l’essai les vaccins sur les Africains.
À Ouagadougou, la capitale, le Dr Niaoné répond en direct aux questions concernant le Covid-19 dans une émission radio hebdomadaire appelée Allô Docteur.
Il a intervenu dans de nombreuses émissions de radio et de télévision et il a recruté une équipe de plusieurs centaines de bénévoles, y compris quelques-uns de ses étudiants en médecine de l’Université de Ouagadougou, pour faire campagne dans le pays avec des efforts de sensibilisation et de prise de conscience.
Le Dr Niaoné dirige, forme et organise les bénévoles pour qu’ils se rendent dans les communautés, identifient les chefs, s’informent des problèmes médicaux, des habitudes et des croyances, puis retournent avec un plan sur la façon dont ils peuvent se protéger. Ils distribuent des masques artisanaux, du savon et du désinfectant.
Mais surtout, ils écoutent et parlent.
« [Cela] a aidé les gens à comprendre », déclare Rashida Ouédraogo, étudiante en pharmacie travaillant avec l’équipe du Dr Niaoné, selon le reportage du Christian Science Monitor. Pourtant, déclare-t-elle, « il y a des gens qui n’y croiront jamais parce qu’ils n’ont pas vu de cas de leurs propres yeux ».
Le 18 mars, le Burkina Faso a été le premier pays d’Afrique subsaharienne à signaler un décès dû au Covid-19. Le fait que la victime ait été un politicien de haut rang a seulement renforcé la désinformation selon laquelle la maladie affecte uniquement les élites.
Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, a annoncé qu’il s’agissait d’un signal d’alarme pour l’Afrique, en expliquant lors d’une conférence de presse à Genève (Suisse) que « dans les autres pays, nous avons constaté que la propagation du virus s’accélère en fait après un certain point d’inflexion ».
Le Burkina Faso a enregistré 54 décès parmi les 1.156 cas positifs confirmés de Covid-19, selon des statistiques publiées le 4 août par les Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies. Mais seulement 19.291 tests de dépistage ont été conduits sur une population burkinabé estimée à près de 21 millions.
Les interventions gouvernementales telles que la fermeture des bars et des mosquées et l’imposition d’un couvre-feu toutes les nuits ont été abandonnées en chemin lorsque les habitants, les entrepreneurs et les chefs religieux se sont plaint.
« Dans notre communauté, les gens ne le prennent toujours pas au sérieux », déclare le Dr Niaoné dans Straight Talk Africa. « Ils pensent que ce ne sont que des mensonges et que les changements de comportement qu’ils doivent pratiquer pour prévenir la maladie sont trop difficiles. C’est un défi. »
« C’est une question de communication. Nos bénévoles sont issus de la communauté. En les formant sur le coronavirus et en leur donnant les informations correctes, ils sont capables d’utiliser les messages de leur propre point de vue et convaincre les gens que le coronavirus est quelque chose de sérieux. »