Les usines de farine de poisson meulent les ressources naturelles de la Gambie pour les pulvériser
PERSONNEL D’ADF
De jeunes Gambiens transportent en équilibre sur leur tête de lourdes caisses de poissons en traversant rapidement le sol glissant d’une usine de farine de poisson appartenant aux Chinois. Ils déchargent le poisson sur une grande pile et se dépêchent en retournant vers le chalutier pour une autre cargaison. À l’usine de farine de poisson de Golden Lead à Gunjur, les superviseurs mettent à l’amende les employés qui sont trop lents.
Ahmed Manjang, microbiologiste et activiste de l’environnement à Gunjur, a affiché une vidéo de cette scène d’usine sur Twitter.
« Comment est-il possible qu’un pays en voie de développement comme la Gambie accommode ce niveau de pillage pour [ses] ressources naturelles les plus précieuses », écrit-il.
En Gambie et dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest, c’est un scénario courant qui exaspère les habitants locaux. De nombreuses familles dépendent de la pêche artisanale depuis des générations. 200.000 Gambiens environ comptent sur la pêche et les activités connexes pour leurs revenus. La Gambie combat la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) dans ses eaux, notamment celle entreprise afin de satisfaire à l’avidité internationale pour la farine de poisson.
La Chine, qui est le premier importateur de farine de poisson du monde, utilise principalement le poisson séché et meulé pour nourrir les crevettes (dont le pays communiste est l’un des premiers exportateurs mondiaux) et les porcs.
Les conservationnistes locaux déclarent que les usines de farine de poisson et la pêche IUU épuisent les stocks de poissons jadis abondants, détruisent les écosystèmes locaux, contaminent l’environnement et paralysent le tourisme. Lorsque les usines de farine de poisson sont pleines et les navires ne peuvent pas décharger leur prise, cette prise est souvent jetée à la mer et plus tard elle se répand sur la côte, selon les habitants locaux.
« Les plages qui étaient autrefois un lieu de prédilection pour les touristes sont couvertes de carcasses de poisson malodorantes. L’eau toxique atteint les fermes locales et les récoltes sont perdues », déclare Sulayman Bojang, petit entrepreneur et activiste local avec le Mouvement des jeunes de Gunjur, au Guardian. Nous voulons mettre fin à l’exploitation par les usines de farine de poisson, mais la Gambie est l’un des pays les plus pauvres du monde et nous n’avons aucune chance contre les sociétés chinoises. »
À Gunjur, sur la côte atlantique au Sud-Ouest de la Gambie, les résidents ont intenté des poursuites contre Golden Lead et demandé une « indemnisation pour les dommages environnementaux », selon un reportage de Quartz Africa en 2019.
Après l’ouverture de l’usine en 2016, les résidents ont déclaré que des carcasses de baleine, tortue, dauphin, anguilles et raies s’étaient échouées sur le rivage. Un an plus tard, une lagune voisine a changé de couleur et ses oiseaux et poissons ont commencé à mourir, ce qui a chassé les touristes. L’Agence nationale gambienne pour l’environnement a ordonné le retrait du tuyau d’effluents de l’usine, mais plus tard l’usine en a installé un nouveau au milieu même de la plage de Gunjur, selon Quartz Africa.
Golden Lead est l’une des trois usines de farine de poisson appartenant aux Chinois qui sont actives dans cette ville de 17.500 habitants. La Gambie est le plus petit pays d’Afrique continentale.
La pêche IUU des petites espèces de poisson pélagiques telles que les ethmaloses et les sardinelles prive aussi l’alimentation des Gambiens d’une source cruciale de protéines, puisque le prix de ces espèces jadis abondantes grimpe.
« Notre sécurité alimentaire est sérieusement menacée », déclare M. Manjang à China Ocean Dialogue, organisation sans but lucratif axée sur les questions environnementales. « La majorité des Gambiens vivent avec moins de 2 dollars par jour et les usines de farine de poisson font directement concurrence aux habitants locaux. »
- Manjang déclare dans une lettre ouverte au ministère des Pêcheries de Gambie que Golden Lead exporte à elle seule 32.000 kilos de poudre de farine de poisson hors de la Gambie chaque mois. La majeure partie est expédiée en Chine.
Greenpeace Africa a signalé en 2019 que Golden Lead était l’une d’une quarantaine d’usines de farine de poisson dans la région, qui inclut le Sénégal et la Mauritanie. L’organisation environnementale estime que 4 à 5 kilos de poisson servent à fabriquer 1 kilo de farine de poisson.
Il est difficile de connaître la quantité de poissons que les usines utilisent ou la quantité de farine de poisson qu’elles produisent, déclare Dawda Saine, biologiste marin et directeur de l’Agence gambienne pour le développement des pêcheries artisanales, au Guardian.
« Elles ne fournissent aucune information », déclare M. Saine.
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