PERSONNEL D’ADF
Dans l’obscurité de la nuit, le Sam Simon, vaisseau faisant partie de la flotte de la Sea Shepherd Conservation Society, dérive en silence vers un bateau engagé dans la pêche illégale au large des côtes de la Gambie. Un vieux drapeau chinois est hissé au mât du chalutier.
À bord du Sam Simon se trouvent des marins armés de la Marine de Gambie et des agents du maintien de l’ordre du département des Pêcheries du pays qui s’identifient avant d’aborder le navire chinois. Cette opération conjointe, appelée Opération défense côtière de la Gambie, a conduit à 9 arrestations pour pêche illégale et crimes associés.
« C’est un problème. Les (chalutiers) industriels sont sophistiqués », déclare Ammadou Jallow, inspecteur des pêcheries gambiennes, dans une vidéo sur la chaîne YouTube de Sea Shepherd. « Ils sont axés sur la technologie. Ils (présentent) beaucoup de défis tels que la destruction des filets et les accidents, les collisions avec la flotte industrielle ; cela provoque beaucoup de problèmes pour le département des Pêcheries. »
Le gouvernement gambien a formé un partenariat l’an dernier avec la Sea Shepherd, groupe de conservation international sans but lucratif, pour mettre fin à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) dans les eaux du pays, y compris l’océan Atlantique, le fleuve Gambie riche en nutriments, le golfe de Guinée et d’autres zones réservées aux pêcheurs artisanaux. Puisque l’industrie de la pêche de Gambie constitue le moyen de subsistance de plus de 200.000 personnes, la pêche IUU menace la sécurité alimentaire du pays.
Bien avant la création du partenariat avec la Sea Shepherd, de grands chalutiers industriels exploitaient habituellement le manque de « présence de patrouille » de la Gambie pour priver les pêcheurs locaux « d’une énorme quantité de poissons », déclare le capitaine Peter Hammarstedt de la Sea Shepherd sur la chaîne YouTube de l’organisation.
Une portion importante des activités illégales de pêche sont commises par les chalutiers chinois, qui défient les restrictions imposées sur la pêche à l’intérieur de la zone de 17 kilomètres désignée pour les navires artisanaux. La pêche IUU aide aussi à alimenter trois usines chinoises de farine de poisson en Gambie, qui sont accusées de nuire à l’écosystème du pays.
Lorsqu’ils agissent illégalement, les chalutiers éteignent souvent leur système d’identification automatique pendant la nuit, mais les systèmes de radar de la Sea Shepherd permettent de suivre à la trace leurs activités.
« Avec 90 % des océans du monde pleinement exploités ou surexploités, nous devons nous concentrer sur les zones où nous pouvons faire front, sur les zones critiques de biodiversité où nous pouvons fixer nos limites et riposter contre les braconniers qui ont pillé ces endroits depuis trop longtemps, les zones comme la Gambie », déclare M. Hammarstedt dans la vidéo.
Les braconniers sont parfois très agressifs.
En avril dernier, le pêcheur gambien Musa Jammeh découvrit que les chalutiers chinois avaient coupé ses filets de pêche dans l’océan Atlantique. Il essaya de pagayer son canoë en bois suffisamment près pour obtenir le numéro de licence du vaisseau chinois mais ce dernier se dirigea vers lui et « lança de l’eau chaude sur nous pour que nous ne puissions pas nous rapprocher », a-t-il déclaré à China Dialogue, organisation non gouvernementale qui se concentre sur les questions environnementales liées à la Chine.
« J’étais vraiment triste parce que j’ai perdu mon filet à cause de gens qui ne se soucient pas de nous, de nos poissons ou de notre vie », déclare M. Jammeh.
Une telle agression n’a pas été constatée contre le personnel des vaisseaux de la Sea Shepherd.
« Il n’y a pas eu d’abordage non conforme », déclare le capitaine Hammarstedt à ADF dans un e-mail, en ajoutant que le personnel des chalutiers illégaux prétend en général ne pas savoir qu’il pêche dans des eaux sujettes à restriction.
Depuis son début en août 2019, l’Opération défense côtière de la Gambie a arrêté les marins de 16 vaisseaux pour des crimes liés à la pêche illégale, déclare le capitaine Hammarstedt. Un vaisseau battait pavillon chinois, 11 battaient pavillon gambien mais appartenaient à la Chine, 2 étaient turcs et 2 étaient du Sénégal, qui a une frontière commune avec la Gambie sur 3 côtés.
La pandémie du Covid-19 a posé certains défis logistiques à l’opération conjointe, déclare le capitaine Hammarstedt, mais « nous sommes engagés dans une collaboration à long terme ».