PERSONNEL D’ADF
Une somme énorme en faux dinars libyens, interceptée au printemps à Malte, avait été imprimée en Russie et envoyée aux forces contrôlées par le général et chef militaire Khalil Haftar, selon les responsables des États-Unis et de Libye.
Cet envoi de 1,1 milliard de dinars est depuis lors séquestré à Malte. La Russie nie qu’ils sont contrefaits, en affirmant que la Libye possède deux banques centrales. La communauté internationale reconnaît la banque centrale de Tripoli comme autorité financière légitime du pays.
Selon le département d’État des États-Unis, les billets ont été imprimés pour aggraver les conditions économiques en Libye en provoquant une inflation.
« Cet incident souligne encore une fois la nécessité pour la Russie de cesser ses actions néfastes et déstabilisatrices en Libye », déclare le département d’État.
Un envoi précédent de dinars fabriqués en Russie, à destination du général Haftar, avait été intercepté à Malte en septembre 2019. Auparavant, près de 4,5 milliards de dinars avaient été envoyés de Russie à Tobrouk au cours du premier semestre 2019 pour coïncider avec le début de l’attaque de 14 mois du général Haftar à Tripoli, selon un reportage de Reuters. Un autre milliard de dinars a été livré à l’Est en 2016, selon le Libya Herald.
Les dinars libyens légitimes émis par le gouvernement d’entente nationale (GNA) basé à Tripoli, reconnu par les Nations unies, sont imprimés au Royaume-Uni. Les billets illégitimes sont imprimés par la société anonyme Goznak, détenue par la Russie.
Les faux billets en dinars libyens apparaissent presque identiques aux billets officiels mais ont quelques légères différences, notamment la position du numéro de série. Ces différences pourraient ne pas être notées lors des transactions. Selon certaines estimations, le gouvernement du général Haftar a inondé le pays avec près de 12 milliards de dinars fabriqués en Russie entre 2015 et 2020.
Les faux billets sont utilisés pour payer les salaires des combattants du général Haftar et peuvent se retrouver partout dans le pays. Ils ont provoqué l’inflation et la baisse de la valeur du dinar, et ils ont sapé la monnaie officielle émise par la banque centrale de Tripoli, selon l’analyste économique libyen Mukhtar Al Jadeed.
« Nous avons observé le chef de la banque centrale de l’Est déclarer que la priorité était de financer la guerre contre Tripoli », a déclaré M. Al Jadeed à Al Jazeera.
Le Conseil de la recherche et des études de la charia à la Libyan Fatwa House a émis un décret en automne 2019 interdisant d’utiliser les billets du général Haftar et a demandé au GNA de soulever la question auprès du gouvernement russe, selon le Libya Observer.
« L’émission de monnaie par une partie non autorisée nuirait énormément à l’économie du pays », précisait la fatwa.
Pendant le conflit, le GNA a contrôlé les réserves de pétrole par l’intermédiaire de la banque centrale de Tripoli. Les autorités rivales de l’Est se sont plaintes qu’elles n’obtenaient pas leur part équitable. Depuis le début 2020, les attaques du général Haftar ont bloqué la production du pétrole et nuit aux revenus d’exportation du pays.
L’inondation par la fausse monnaie est seulement l’une des façons utilisées par les organismes russes pour s’impliquer dans la guerre civile de Libye.
Des centaines de mercenaires du Groupe Wagner de Russie agissent aux côtés des forces du général Haftar. Ils sont soupçonnés d’avoir piégé les quartiers résidentiels avec des mines terrestres fabriquées en Russie après la retraite du général Haftar hors de Tripoli en mai, face aux troupes turques. Les agences de renseignement ont signalé que des photos aériennes montrent des MiG russes et d’autres aéronefs sur les bases militaires libyennes contrôlées par le général Haftar. Les troupes du Groupe Wagner ont été observées dans les champs de pétrole libyens.
À Misrata, centre économique de la Libye, les commerçants sont en alerte pour la monnaie frauduleuse et refusent de l’accepter pour les transactions.
« Haftar s’est servi de cet argent pour détruire notre capitale », déclare à Al Jazeera le cambiste Tamer Al-Shahout. « Nous autres commerçants participons à la lutte contre eux en refusant de l’utiliser. »