Moussa Faki Mahamat est l’ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad et le président de la commission de l’Union africaine.
Il a prononcé une allocution lors du Sommet conjoint sur la paix, la sécurité, le terrorisme et l’extrémisme violent de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) le 30 juillet 2018 à Lomé (Togo). Ses remarques ont été modifiées pour les adapter à ce format.
Les défis sécuritaires auxquels les régions d’Afrique centrale et occidentale font face sont bien connus. Qu’il s’agisse du terrorisme, si prévalent dans le Sahel et le bassin du Lac Tchad, de rebellions armées et autres formes de violence qui sévissent dans certains pays de la région, de la piraterie dans le Golfe de Guinée, de la persistance de trafics en tous genres ou d’affrontements liés au phénomène de la transhumance, la situation est une source de profonde préoccupation.
Un certain nombre de facteurs créent un terrain fertile à la persistance de cette insécurité. Ils portent sur le changement climatique, dont le rétrécissement du lac Tchad et l’ensablement du fleuve Niger sont des exemples ; l’absence d’opportunités pour la jeunesse ; le sentiment de marginalisation, voire d’exclusion pure et simple, qui habite des pans entiers de nos sociétés ; et les défis rencontrés en matière de gouvernance.
Je salue les initiatives prises par la CEDEAO et la CEEAC ces dernières années pour faire face à cette situation. La création de la Force multinationale mixte chargée de combattre le groupe terroriste Boko Haram et de la Force conjointe du G5 Sahel, ainsi que l’action conduite s’agissant de la lutte contre la piraterie maritime sont, entre autres exemples, l’expression d’une forte volonté politique.
Ces initiatives ont, toutes, permis de poser les jalons d’une approche africaine face aux menaces asymétriques. Le Sommet conjoint de ce jour traduit la reconnaissance par tous que les efforts déployés jusqu’ici, aussi importants soient-ils, ne sont pas suffisants. Il importe de faire davantage. Le statu quo est clairement intenable.
Il importe que nous adoptions une approche holistique qui prenne en charge non seulement les aspects sécuritaires, mais aussi les causes sous-jacentes des problèmes qui se posent.
Autant la lutte contre les groupes terroristes et criminels doit être implacable, autant le dialogue doit prévaloir pour répondre aux préoccupations légitimes de populations qui ont quelquefois le sentiment que leurs problèmes ne sont pas suffisamment pris en charge.
Nous nous devons de mobiliser tout le soutien nécessaire pour l’aboutissement de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine ; d’aider à la tenue, dans les conditions requises de transparence et d’inclusion, des élections prévues en décembre prochain en République démocratique du Congo ; et de déployer des efforts renouvelés pour hâter le règlement de la crise libyenne.
Il est tout aussi important d’œuvrer plus résolument en faveur d’un développement inclusif et de l’éradication de la pauvreté. À cet égard, des projets de nature à améliorer le quotidien des populations doivent être convenus et menés à bien.
Il est, enfin, essentiel que les actions envisagées s’inscrivent dans une dynamique d’ensemble de renforcement continu de la gouvernance.
Nous entendons, dans la période à venir, articuler nos efforts autour des axes ci-après :
Aider à une meilleure synergie inter-régionale à travers la mise en place d’arrangements de coopération sécuritaires flexibles ou leur élargissement là où ils existent.
Mobiliser un appui plus substantiel en faveur des initiatives régionales par le biais des structures compétentes de l’Union africaine, notamment le Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme, le Mécanisme africain de coopération policière et le Comité des services de renseignements et de sécurité d’Afrique.
Promouvoir une meilleure articulation entre les efforts de la CEDEAO et de la CEEAC, d’une part, et ceux de l’Union africaine, d’autre part, dont les instruments doivent servir de cadre global à l’action de lutte contre le terrorisme.
Mener une action de plaidoyer plus soutenue au niveau international pour mobiliser un appui plus important pour le financement des opérations de soutien à la paix conduites par les pays des deux régions.