Le Mali attire l’attention sur les droits humains et sur la protection des femmes et des enfants dans les zones de combat
LT. COL. AMINATA DIABATÉ
Le Lt. Colonel Aminata Diabaté est chef de la section droit international humanitaire à l’État- major général des armées du ministère de la Défense et des Anciens combattants du Mali. Son travail est axé sur la violence exercée contre les femmes.
À partir de 2012, le Mali a été éprouvé par une crise dans la région nord-ouest du pays, de laquelle le pays s’efforce toujours de sortir.
Plusieurs éléments des forces armés et de sécurité ont été pour la première fois confrontés à des situations complexes et difficiles, lesquelles englobaient des notions comme le droit humanitaire, l’application des différentes résolutions des Nations Unies et le code de conduite des Forces Armées du Mali, etc. Un tel engagement répondait à l’immensité de la tâche à accomplir et à la situation de conflit.
Les droits des populations les plus affectées ont fait l’objet de graves violations au Nord de notre pays avec la stricte application de la Charia qui est en contradiction avec les textes juridiques du Mali. En effet, les espaces de libertés collectives et individuelles ont été fortement réduits avec l’application de la Charia dans les régions sous occupation des groupes islamistes. Flagellations en public, restrictions à la liberté d’expression et mariages forcés sont devenus pratique courante, et ceci a profondément affecté les droits des femmes et des filles.
Les conséquences d’un conflit armé sur les relations entre les sexes sont loin d’être négligeables. Les déplacements forcés et les violences liées au sexe de la victime sont deux exemples de répercussions qui ne sont en rien des retombées inévitables du conflit, mais bien plutôt des stratégies de guerre délibérées, qui déstabilisent les familles et les communautés et qui anéantissent les efforts nationaux et communautaires en matière de droits des femmes et des filles.
A titre d’exemple, les différents rapports de la guerre dans certains pays en Afrique ont fait état du viol systématique des femmes à grande échelle dans les conflits armés et des membres des milices ou des soldats ont souvent été mis en cause par les victimes. Il a aussi été noté que dans la majorité des pays en conflit, le taux de séroprévalence du VIH/Sida a tendance à augmenter au sein des hommes en armes du fait de la longueur des déploiements. Dans le conflit qui secoue actuellement le Mali, une étude réalisée par des partenaires de terrain a mis en évidence que près de 80 pour cent des auteurs des viols accusés par les victimes étaient des hommes armés, notamment des soldats, membres des milices ou soldats de la paix.
Il est temps de s’attaquer à ce problème. Le ministère de la Défense et des Anciens Combattants à travers l’État-major Général des Armées et en partenariat avec ONU Femmes et le Royaume des Pays-Bas a élaboré un module de formation sur la prévention et la protection des femmes et des filles avant, pendant et après les conflits armés. L’élaboration de ce module a permis l’organisation de sessions de formation au profit de nombreux membres des Forces Armées et des Forces de Sécurité du Mali en réponse à la crise qu’a connue notre pays.
Ce programme de renforcement s’inscrit dans le cadre du programme « d’assistance aux femmes et filles affectées par la situation de conflit et de participation des femmes au processus de consolidation de la paix » cofinancé par les Pays-Bas, la Suisse, le PNUD/ l’UE, le Fonds central d’intervention d’urgence et l’Espagne.
Il s’est avéré important de prendre des mesures visant à renforcer les niveaux de connaissance des forces de défense et de sécurité du Mali qui sont en alerte dans les postes de combat avancés. Il est utile et obligatoire de porter à leur connaissance les informations et dispositions nécessaires à la protection des droits humains, notamment ceux des femmes en situation de conflit. Il s’agit principalement des dispositions juridiques et de protection existante à savoir les résolutions 1325, 1820, 1888, 1889 des Nations Unies qui contiennent des dispositions clés que les groupes armés sont tenus d’appliquer en situation de conflit. Ils doivent assumer ces responsabilités.
Ces sessions de formation ont été très appréciées par les plus hautes autorités militaires qui ont été engagées dans l’élaboration de ce programme. Tous grades confondus, tous les officiers, sous-officiers et militaires de rang qui ont reçu ces formations ont témoigné de leur intérêt pour l’application du contenu des modules enseignés.
De façon spécifique, les formations visent à :
1. Renforcer les connaissances des Forces de défense et de sécurité sur le droit humanitaire international, notamment les droits des femmes et des enfants à être protégés des violences exercées sur les femmes.
2. Faire connaitre davantage les dispositions en lien avec les résolutions des Nations Unies sur les femmes en situation de crise, notamment sur les violences sexuelles ;
3. Divulguer les informations sur les responsabilités des hommes de troupe et des supérieurs hiérarchiques vis-à-vis de la loi internationale en cas de violation des droits des personnes, surtout des plus vulnérables que sont les femmes et les enfants ;
4. Sensibiliser les hommes en armes qui se préparent à un déploiement dans des postes avancés sur les risques encourus de contracter le VIH/Sida et son impact sur la performance des forces armées ;
Ces quatre piliers sont renforcés, non seulement par le biais de conférences, mais également par des exercices interactifs et des jeux de rôle, de façon à ce que les soldats puissent observer et comprendre les scénarios ambigus et difficiles avant d’y être confrontés sur le terrain. Nous espérons que ceci les aidera à prendre les bonnes décisions lorsqu’ils accompliront leur missions à des postes avancés. L’armée est évaluée en fonction de la manière dont elle protège les groupes les plus vulnérables au sein des populations. Au Mali, nous faisons de la sécurité des femmes et des enfants une priorité absolue dans les zones de conflit.
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