Jubo Jubogha a commencé son existence dans l’esclavage et a fini par devenir roi de ce qui est aujourd’hui le sud du Nigeria. Au cours de son existence, il est devenu l’un des hommes les plus riches de son temps. Aujourd’hui, on se souvient de lui comme de l’un des maîtres stratèges du 19e siècle.
Jubo, qui plus tard prendra le nom de Jaja, est né en 1821 dans un village qui se trouve à présent dans l’État d’Imo au Nigeria. Jeune garçon, il a été vendu en esclavage et envoyé au Chef Madu de la Maison Anna, l’une des deux familles royales de la région côtière de Bonny.
Au 19e siècle, le delta du Niger était une plaque tournante commerciale avec l’Europe et l’Amérique. Les communautés du delta expédiaient des marchandises occidentales vers l’intérieur de la région et en revenaient avec de l’huile de palme pour l’exportation. Dans le delta, avec ses marais, ses rivières et ses ruisseaux, le canoë était le moteur du commerce.
Les canoës et leurs opérateurs étaient organisés en « maisons de canoës », dirigées par de riches marchands, avec les membres de leur famille, les travailleurs et les esclaves. Certaines des maisons possédaient des centaines de canoës et comptaient des milliers de membres. Dans cette société fondée sur la concurrence, le statut était exclusivement fondé sur le mérite et les accomplissements. Même s’il ne pouvait jamais devenir roi, un esclave ambitieux et travailleur acharné pouvait prendre la tête d’une maison de canoës.
Le jeune Jaja a commencé avec le statut le plus bas dans la Maison Anna, car il était un esclave importé, considéré comme inférieur à un esclave né localement. Il a travaillé comme pagayeur, et même quand il n’était qu’un jeune garçon, il a montré une affabilité rare associée à de l’honnêteté et un authentique sens des affaires. Devenant jeune homme, il est passé du statut de pagayeur à celui de négociant, ce qui était un cas de figure rare, et il a prospéré.
En 1863, le chef de la Maison Anna est mort, laissant derrière lui une dette faramineuse. Les chefs établis ont refusé de reprendre la maison à cause de cet endettement. Jaja a assumé la dette et a réorganisé la maison, utilisant ses talents dans les affaires pour nouer des relations étroites avec les acheteurs et vendeurs d’huile de palme. Au fur et à mesure qu’il a prospéré, plusieurs maisons en proie à des difficultés ont demandé à fusionner avec lui. Son empire s’est accru.
Ses rivaux dans le commerce étaient dévorés par la jalousie et l’un d’entre eux, Oko Jumbo, a voulu l’éliminer. En 1868, il a eu l’occasion de le faire lorsqu’un terrible incendie a ravagé Bonny. La maison des canoës de Jaja a été la plus durement touchée. Voyant que l’empire financier de son rival était gravement compromis, Oko Jumbo lui a déclaré la guerre l’année suivante.
Devant la supériorité numérique de son ennemi durant la bataille, Jaja s’est retiré de Bonny. Il a demandé la fin des combats, les responsables britanniques s’interposant alors pour prendre en mains les négociations. En réalité, Jaja ne faisait que gagner du temps, le temps de se réorganiser et de déplacer son empire au nord vers des terres situées le long de la rivière Imo, un endroit idéal pour commercer avec les producteurs d’huile de palme et à une distance sûre de ses rivaux. Le site était parfait. Les historiens se demandent si en réalité Jaja a pu avoir eu l’intention d’y déménager depuis le début.
En 1870, Jaja a nommé son nouvel établissement Opobo et s’est proclamé le roi Jaja, une chose qu’il n’aurait jamais pu faire à Bonny. Il exerçait un tel magnétisme et avait une telle intelligence que 14 des 18 maisons de canoës de Bonny ont déménagé à Opobo pour être sous la souveraineté du nouveau roi. Dans sa défaite, Jaja avait trouvé une victoire totale.
Jaja a bloqué l’accès des Britanniques vers l’intérieur, ce qui lui a assuré un monopole commercial. Sa domination financière de la région s’est largement produite aux dépens de la région de Bonny et aussi des Britanniques.
Or les négociants britanniques avaient des ambitions. Bien qu’ils aient reconnu Jaja comme roi, ils convoitaient son territoire. En 1887, un consul a mis le cap sur Opobo aux commandes d’un navire de combat et a exigé une rencontre, donnant l’assurance que Jaja serait libre de partir après leur entretien.
Le consul avait menti. Au lieu de laisser partir Jaja, il l’a déporté vers ce qui est à présent le Ghana. Là, il a été inculpé d’avoir violé un traité avec la Grande-Bretagne et d’entraver la liberté du commerce. Il a été exilé aux Antilles. En 1891, il a reçu la permission de retourner à Opobo, mais il est mort en chemin.
Il demeure aujourd’hui un sujet de fascination pour les historiens, essentiellement pour son courage à se dresser contre les Britanniques. Toutefois, comme l’a fait remarquer le magazine This is Naija, il est également étudié pour la « qualité remarquablement élevée de ses prouesses économiques et son esprit d’entreprise ».
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